samedi 15 octobre 2011
On rentre dans le rang…
Comme on pouvait s’y attendre, la Slovaquie, qui menaçait de faire capoter le projet de renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF), a revu sa position. Plus exactement, après un premier vote de refus du Parlement, le texte a été soumis une seconde fois aux élus qui cette fois ont dit « oui ». La technique n’est pas nouvelle : il en a été ainsi de tous les référendums à propos de l’intégration européenne où l’on a fait revoter jusqu’à l’obtention du « bon » résultat. Et pas une fois de plus, bien sûr.
Les choses en étaient arrivées au point où le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait déclaré jeudi, avant le second vote du Parlement slovaque, que la zone euro envisageait de mettre fin à la règle de l’unanimité dans ses prises de décision.
Changer les règles du jeu en cours de route, c’est aussi une spécialité européenne.
L’opposition slovaque, petit pays plus pauvre que la Grèce qui va devoir payer pour ses voisins plus fortunés, reposait sur de bonnes raisons mais ce ne sont pas celles-ci qui, en définitive, l’ont emporté. Le refus des socialistes slovaques a été avant tout une manœuvre sur un vote où le gouvernement engageait sa responsabilité, comme l’explique Yves Daoudal dans son Daoudal-Hebdo paru mercredi soir : ils espéraient en tirer quelque bénéfice politique en « monnayant » leur acceptation à retardement. C’est semble-t-il ce qui a eu lieu. Que ne ferait-on pas pour faire perdurer l’acharnement thérapeutique sur l’euro ?
C’est donc « gagné », le FESF va voir sa capacité d’action élargie. Il pourra lever de l’argent sur les marchés en apportant la « garantie » des Etats de la zone euro (mais pas la Grèce, tout de même ; ni l’Espagne qui vient de se voir rétrograder à AA- par Standard and Poors ?). En empruntant, grâce à sa note AAA, à des taux avantageux, il pourra reverser les fonds aux pays en difficultés qui n’arrivent plus à emprunter sur les marchés… pour financer leur dette.
Le FESF a aidé jusqu’à présent l’Irlande et le Portugal et bénéficie désormais d’une capacité effective de prêt de 440 milliards, dont tout le monde convient qu’elle est loin de couvrir les besoins actuels ou prévisibles. Il va surtout pouvoir acheter de la dette publique de pays en difficulté (traduisez : « pourrie ») au taux fort sur les marchés secondaires, créances qui ne doivent pas jouer sur sa note… Tour de passe-passe ?
On nous annonce aussi un autre moyen pour la FESF de démultiplier sa force de frappe via un « effet de levier » comme la fourniture d’une garantie portant sur 20 % d’une dette souveraine en cas de défaut : sans fonds supplémentaires, le FESF porterait ainsi sa capacité d’intervention à 2 500 milliards d’euros sans débourser un centime supplémentaire. Tour de passe-passe encore, dira le profane à qui on ne prend pas la peine d’expliquer à quelle sauce sera mangée l’argent des contribuables européens.
Mais – et c’est peut-être un tout petit signe de volonté d’assainissement – on annonce en même temps une restructuration plus importante que prévue de la dette grecque, les banques et détenteurs privés de créances devant probablement accepter de passer par pertes et profits une part accrue de leurs titres. Jusqu’à 50 %, selon des hypothèses qui circulent actuellement, contre les 21 % prévus en juillet. Des décisions à ce sujet pourraient être annoncées à l’occasion d’un grand sommet le 23 octobre à Bruxelles des dirigeants européens pour sauver la Grèce et la monnaie commune, qui sera précédé durant deux jours par des réunions ministérielles.
Mais toutes ces « solutions » définitives et successives, les assurances données qui disparaissent au contact de la réalité, laissent songeur. Sans surprise, les bourses européennes ont plongé jeudi et les banques, très exposées pour certaines sur le front grec, vont avoir du mal à recapitaliser à hauteur de 9 % – un nouveau plancher en voie d’établissement par l’UE. Elles devront se fournir sur les marchés privés ou, éventuellement, auprès du FESF qui décidément doit avoir des poches sans fond ! Cette proposition de Barroso a rencontré l’approbation de François Baroin.
Un ancien ministre britannique, Norman Lamont, a publié mercredi dans le Daily Mail une tribune dénonçant la folie du système, où il voit une véritable « chaîne de Ponzi » comme celle qui a fait la triste renommée de Bernard Madoff. On fait ainsi appel à de nouveaux investisseurs pour rembourser les premiers à qui l’on a promis des revenus mirobolants pour de l’argent qui est englouti dans un puits sans fond…
Et il explique que le système qui consiste à faire jouer la Banque centrale européenne (BCE) et le fameux FESF pour assurer la manœuvre a une raison principale : le refus de redemander encore une fois aux parlements nationaux des contributions qui rendraient le sauvetage de l’euro (encore plus) impopulaire. Et à chaque fois avec des mesures d’urgence à peine suffisantes pour maintenir l’euro à flot. Le système ne peut marcher, souligne-t-il : il ne serait viable qu’avec une intégration économique et fiscale dont les électeurs ne veulent pas. « Mais le fait terrifiant est bien que le plan alternatif concocté par les ministres des finances de la zone euro retiendrait le monde en otage en mettant en danger tout le capital et toutes les réserves de la BCE », écrit-il. Et c’est une « atrocité constitutionnelle », ajoute-t-il, le « pire des affronts à la démocratie » qu’on ait connus jusqu’ici dans l’affaire européenne, même en comptant le traitement réservé aux référendums.
Et si la BCE fait défaut ? Eh bien, ce seront les pays de la zone euro – les pays aidés – qui devront assurer le sauvetage.
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