lundi 11 avril 2011
L’enlisement
Il faut se rendre à l’évidence : les interventions militaires ne sont pas une promenade de santé. Voilà trois semaines que les aviateurs français, désormais placés sous la coupe de l’Otan, sont engagés en Libye, et après avoir encaissé les premiers coups, Kadhafi reprend du terrain. Voici une semaine que la force Licorne a ouvert le feu en Côte d’Ivoire, et Gbagbo fait plus que redresser la tête depuis que les frappes initiales l’ont obligé à se terrer dans la cave de sa résidence. Ses troupes ont tiré samedi sur le QG du président élu Ouattara, ce qu’elles n’avaient pas osé faire pendant quatre mois : c’est l’escalade.
Il n’y a pas eu (et il n’y aura pas) de guerre « fraîche et joyeuse » en Libye et en Côte d’Ivoire pour faire oublier l’embourbement afghan. La France s’enlise, et cet enlisement a un prix élevé, qui ne sera pas sans conséquences budgétaires pour une armée mise au régime sec depuis quatre ans, ainsi que pour des finances publiques exsangues. En d’autres termes, le temps ne joue pas forcément en faveur des « gendarmes » venus mater les dictateurs africains. Obama, échaudé par l’Irak et l’Afghanistan, était réticent à s’engager en Libye. Il a retiré ses avions de combat dès qu’il en a eu la possibilité. Quant à Nicolas Sarkozy, il serre les dents : au lieu de lui redonner un souffle perdu, les deux guerres qu’il vient d’engager ont tout pour ajouter à ses difficultés intérieures.
Officiellement, la France n’intervient que dans le cadre de résolutions très strictes de l’Onu « pour protéger les populations civiles ». Mais ne soyons pas hypocrites : les frappes ne visent que les troupes de Kadhafi et de Gbagbo, et l’objectif final – qui ne sera jamais entériné par une résolution de l’Onu, mais auquel tout le monde pense avec ferveur – est bel et bien de se débarrasser des deux potentats. Malheureusement, Paris se heurte, comme les autres capitales occidentales, à une réalité gênante : les troupes libyennes et ivoiriennes qui sont dans le collimateur appartiennent à deux armées régulières, équipées et formées, entre autres, par la France. Celle-ci s’acharne à démolir des machines de guerre que ses gouvernants de droite et de gauche ont patiemment mises sur pied, en faisant semblant de croire qu’elles n’avaient pas vocation à être utilisées, et surtout pas contre les civils. Vieille contradiction occidentale, dont nous ne sortirons donc jamais…
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