TOUT EST DIT

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lundi 11 avril 2011

Le rayon vert de Fessenheim

D’ordinaire, les dictons se promènent si innocemment dans nos agendas qu’ils passent inaperçus. Pas celui d’hier, qui sifflotait sur un air de chlorophylle «Quand arrive la Saint-Fulbert tout est vert» avant d’aller planer, comme l’âne assonancé de Bashung, «autour des tours» de Fessenheim.

Dans son vol dominical, il a télescopé une actualité régionale qui, elle-même, avait largement décollé des bords du Rhin pour rejoindre un espace planétaire. Nulle autre région française, en effet, ne se sent aussi concernée par la tragédie de Fukushima que l’Alsace. Voilà tant d’années qu’elle s’interroge sur la sécurité nucléaire au rythme des incidents que collectionne la plus vieille centrale de France.

Aujourd’hui «Fessenheim» est devenue le double symbole d’une inquiétude et d’une attente. La question de sa fermeture - annoncée, repoussée, réclamée - coïncide avec la réouverture d’un débat fondamental sur l’avenir énergétique français. Selon un sondage récent (Ifop/ France Soir) plus de huit Français sur dix - dont 90% des sympathisants de gauche et 66% des sympathisants UMP! - souhaitent désormais que d’ici vingt ou trente ans, la France diminue de manière significative la part du nucléaire au profit d’autres sources d’énergies.

A Fukushima, le spectacle de l’impuissance d’une grande puissance à maîtriser les conséquences d’un accident nucléaire et la durabilité de ses dégâts, a instillé un doute nouveau, en même temps qu’on découvre que même les démantèlements les plus simples, comme à Brennilis, ne sont pas si évidents.

Les politiques ont été totalement pris de court par cette crise de confiance massive. En France, la question du nucléaire était quasiment classée, et même supplantée dans les thèmes écologistes par l’urgence climatique. Mis à part quelques centaines de militants verts ou alternatifs, et les élus locaux concernés, qui se souciait du scandale des trains chargés de déchets radioactifs traversant Strasbourg en pleine nuit?

Mais dans l’imaginaire collectif, le nucléaire a brutalement rejoint les hydrocarbures au registre des polluants dépassés dont il faut à tout prix apprendre à se passer. Sa contestation n’est plus assimilée à un archaïsme de pensée contre un progrès obligatoire. Quand le président de la République recourt à l’argument commercial de la sécurité technologique française et au prétexte éternel de l’incontournable - «sauf à dire aux Français qu’ils vont maintenant se chauffer et s’éclairer à la bougie...» - il peine à convaincre son propre camp. Quant au PS, qui a longtemps adhéré lui aussi à ce dogme consensuel, il hésite maintenant entre la fin du «tout nucléaire» et la sortie du nucléaire tout court.

Chacun pressent qu’un enjeu de civilisation surpasse les défis économiques les plus graves. Synonyme d’une fin, Fessenheim sera peut-être celui d’un commencement.

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