Il y a 26 siècles, la démocratie directe est née en Grèce. Hier, sa lointaine héritière parlementaire y a sombré. Au moment où un nouveau jour se lève, nul ne sait dans quel état elle le finira. Que peut bien signifier un vote de confiance égaré dans un bazar aussi délétère ? Le Premier ministre qui le demande ne sera peut-être même plus là quand il faudra le soumettre ce soir au parlement d’Athènes. Au moment même où le salut du pays devrait passer par l’unité nationale, le gouvernement, lui-même, se déchire. Comme si un maléfice poussait inexorablement cet Etat de presque 10 millions d’habitants vers la faillite.
Les élus français ont beau jeu de railler le spectacle de la classe politique grecque mais la condescendance affligée avec laquelle ils le font n’est guère plus glorieuse. En pareille situation pourtant, l’atmosphère du Palais Bourbon ne serait peut-être guère plus flamboyante. Le spectacle désolant de cette panique n’est qu’un des visages, hideux, de la crise. L’avatar d’un sauve-qui-peut auquel aucun peuple ne peut prétendre échapper.
Pauvre peuple décidément. Considéré comme quantité négligeable par le duo franco-allemand des mentors de la zone euro, le voilà insulté par ses propres dirigeants prêts à renoncer à un référendum que personne ne demandait à leur Premier ministre d’organiser. Ou comment se torcher avec l’expression de la volonté populaire… Les voisins des Grecs parlent depuis bien longtemps d’un grand peuple dirigé par une classe politique minable (à l’inverse, ajoutent-ils, perfides, des Turcs). On pensait qu’ils exagéraient mais la réalité, hélas, semble bien rattraper la caricature. Le système qui porte au pouvoir les descendants des mêmes familles - Papandréou, Caramanlis et Venizelos par exemple - laisse entrevoir les tares de la consanguinité.
Pas de tragédie grecque, non. Une simple bouffonnerie à l’italienne. Tristes funérailles des idéaux démocratiques nés au lendemain de la dictature des colonels en 1974. Le drame qui se joue n’en est que plus pathétique. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les « grands » Européens sont les co-réalisateurs de cette représentation indigente qu’ils contemplent en se bouchant le nez, les yeux et les oreilles. Comment la droite française, par exemple, a-t-elle été incapable de ramener à la raison une opposition proche de ses couleurs pour la contraindre à jouer le jeu de l’union sacrée ? L’esprit européen, avec tout ce qu’il suppose de partage et de cohérence, a montré des frontières bien étriquées.
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