TOUT EST DIT

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jeudi 10 mars 2011

Paysage français

Un paysage plombé par de gros nuages. Avec la présidente du Front national en tête des sondages pour 2012 et un ancien président de la République qui échappe, au dernier moment, au prétoire, la ligne d’horizon politique de la France a pris, tout à coup, une allure bizarre aux yeux des parlementaires européens. Aperçue depuis les rives de l’Ill et des halls paisibles du Parlement européen, Paris ne brûle pas, certes, mais son image s’est quelque peu lézardée.

Quand l’ultra droite progresse un peu partout dans l’Europe des Vingt-sept, « le pays des Droits de l’homme » envoie à son tour un message de vulnérabilité morale à ses partenaires. Il n’est pas le seul dans ce cas, certes, mais ce phénomène a un retentissement symbolique particulier. Les démocrates qui, comme en Hongrie, résistent à l’affermissement de régimes nationalistes musclés, voient d’un très mauvais œil la montée d’un populisme bleu blanc rouge.

Le malaise français est si perceptible qu’il dérange. Si la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle de 2002 pouvait encore apparaître comme un accident, le score flatteur de sa fille ravive les doutes sur la persistance d’un courant antieuropéen et xénophobe qui secoue l’une des nations fondatrices de l’Union.

Nos dernières péripéties hexagonales ne sont pas vues seulement comme des affaires internes. Elles posent, à l’extérieur de nos frontières, des questions sur notre modèle. Le report du procès de Jacques Chirac apparaît, notamment, comme la marque d’une incapacité de notre démocratie à faire le ménage dans le comportement de ses élites. L’ancien chef de l’État souhaitait être jugé une bonne fois pour toutes, nul doute qu’il aurait préféré en finir avec cette interminable procédure, mais l’habileté des avocats des co-prévenus en a décidé autrement…

Il est clair que la coïncidence de cet agenda judiciaire avec le sondage-choc de dimanche aura des effets dévastateurs. Le nouveau délai confortera les supporters de Marine Le Pen dans l’idée que « l’UMPS » -qu’ils raillent- est incapable de s’amender et que la République irréprochable n’est toujours pas à l’ordre du jour.

Ce discours anti-establishment est d’autant plus efficace que le Front national n’a jamais gouverné et en apparaît d’autant plus vierge. Le mouvement n’est pas plus « propre » que ceux qui l’attaquent pourtant. Il a aussi montré que ses rivalités internes pouvaient être encore plus violentes que dans les partis classiques mais elles sont seulement plus discrètes et moins médiatisées. Marine Le Pen a l’avantage de ripoliner la façade du FN dont elle fait oublier l’intérieur.

De son côté, l’équipe sarkozyste a quatorze mois pour redresser la barre. C’est très court pour obtenir le permis de bonne conduite qu’on attendait d’elle sur cinq ans.

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