TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 10 mars 2011

Les vertus de la prudence en politique

Tout comme la France, l'Allemagne a été marquée par la démission récente d'un des membres les plus éminents de son gouvernement. Ministre de la Défense, Karl Theodor Zu Guttenberg, étoile montante de la famille chrétienne-démocrate, a été contraint à quitter le gouvernement d'Angela Merkel. Un professeur de droit de Hambourg a en effet démontré qu'une grande partie de la thèse de doctorat en droit, soutenue par le jeune ministre à l'université de Bayreuth, était purement et simplement du plagiat.



A priori, l'affaire semble très différente du cas de l'ancienne ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, qui a été obligée de démissionner parce qu'elle avait passé des vacances avec des proches de l'ex-président tunisien Ben Ali, alors que les soulèvements populaires avaient commencé en Tunisie.

Ces deux événements rejoignent une même interrogation, très ancienne dans la philosophie occidentale : pourquoi convient-il d'être prudent ? La prudence avait déjà été largement pensée par les Grecs anciens, et en particulier par Aristote. Pour ce dernier, « la vertu morale assure la rectitude du but que nous poursuivons, et la prudence celles des moyens pour parvenir à ce but ». L'homme prudent est ainsi celui qui délibère sur les moyens nécessaires pour parvenir à une fin qui est droite.

Lorsque l'on est un personnage public dans une société libre, que ce soit en politique ou dans d'autres fonctions, la rectitude et la prudence doivent s'imposer, plus que pour tout autre homme, comme un devoir. L'oubli de ces vertus ne peut conduire qu'à la sanction de la cité.

Pour Karl Theodor Zu Guttenberg, c'est le but de la rectitude qui a été oublié. On ne saurait acquérir le titre de docteur en droit, parce que le « Herr Doktor » confère du prestige en Allemagne, en bafouant les règles de l'université. Pour Michèle Alliot-Marie, c'est le moyen de la prudence qui a été omis. Lorsque l'on est une responsable politique, on fait attention aux amis que l'on fréquente et aux privilèges matériels que ceux-ci pourraient vous offrir (fut-ce un voyage en avion privé).

Notre société de l'action rapide tend à faire oublier la vertu de la prudence. Plus exactement, elle la réduit trop facilement à la seule habileté. Or la prudence n'est pas l'équivalent de l'habileté. Ponce Pilate, préfet de Judée, était un homme habile, mais non prudent lorsqu'il se disait « innocent du sang du juste » Jésus.

Les politiciens ne peuvent pas être à l'abri des erreurs. Les sociétés démocratiques ont cependant le droit de leur rappeler que, parce qu'ils ont été choisis pour défendre le bien commun, leur comportement doit être exemplaire. Il s'agit là d'un enjeu important pour nos démocraties, car n'oublions jamais que certains partis politiques aiment utiliser le thème « tous pourris » pour faire campagne. En France, ceux-là se placent particulièrement bien dans les sondages, alors qu'ils ne sont souvent ni droits ni prudents, et qu'au final ils n'aiment pas beaucoup la démocratie. Il est donc préférable d'éviter de faire leur lit.



(*) Directeur du Centre d'études et de recherches internationales à Sciences Po Paris.

0 commentaires: