Fort de ses liens avec l'armée égyptienne, Washington espère être enfin écouté au Caire.
Opportunité pour la démocratie
Le président américain avait-il tenté de forcer la main à son allié en s'engageant autant ? Le pied de nez de Moubarak a en tout cas suscité des questions à la Maison-Blanche, notamment sur le rôle flottant des agences de renseignement américaines. Déconcerté par l'obstination de Moubarak, Obama avait dû publier jeudi soir un message de fermeté, appelant le pouvoir égyptien à faire plus.Cette insistance a-t-elle fini par jouer? Sans doute à la marge, même si les experts reconnaissent que c'est la rue égyptienne, et elle seule, qui a eu raison du régime. Mais les Américains semblent persuadés que le départ du président ouvre une formidable opportunité pour une démocratisation du monde arabe. Même si rien n'est joué.
Les 18 derniers jours ont été rudes pour les responsables américains, forcés de réévaluer les fondamentaux de leur politique égyptienne. Adeptes de la «stabilité» du régime pour assurer leurs intérêts stratégiques, ils ont fini par reconnaître, avec retard, que celle-ci n'était plus assurée par Moubarak. A commencé alors un jeu hésitant, visant à démontrer le soutien des États-Unis au mouvement démocratique du Caire, tout en jouant parallèlement la carte d'une transition progressive, gérée par les militaires. Ce double jeu a condamné l'Administration à être critiquée de toutes parts. Son allié israélien et ses partenaires arabes, qui dansent sur un volcan de frustrations populaires, ont condamné un lâchage trop clair de Moubarak, tandis que maints experts jugeaient au contraire le soutien d'Obama aux protestataires trop mesuré. Mais au bout du compte, force est de constater que la Maison-Blanche n'est pas en trop mauvaise posture, alors que s'ouvre une période très incertaine. Les relations étroites que le Pentagone entretient avec le chef d'état-major des armées, Sami Annan, supposé plus proche des militaires américains que des vieux généraux égyptiens formés en URSS, représentent «un atout indéniable», note l'expert militaire Andrew Exxum.
Le jeu n'en reste pas moins risqué, les intentions réelles de l'armée demeurant incertaines. Les militaires joueront-ils leur rôle de facilitateur de la démocratie ? Ou seront-ils tentés de récupérer la mise? Spécialiste de l'armée égyptienne, Joshua Stacher, notait récemment dans Foreign Affairs que les militaires, élément clé du système précédent, n'iraient pas nécessairement vers une authentique démocratisation. Il ne faut pas sous-estimer la persistance des régimes autoritaires, expliquait-il. «On sait que les révolutions peuvent manger leurs enfants» , a renchéri ce vendredi l'ex-patron de la CIA, James Woolsey, évoquant les révolutions française, russe et iranienne .
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