Après la nuit blanche, la colère noire, forcément. Lorsqu'un phénomène climatique exceptionnel dérègle à ce point nos activités humaines si bien ordonnées, si peu accoutumées à l'imprévisible - une chute de neige l'est par excellence -, notre inclination naturelle est de rechercher, à défaut de coupable, un responsable. Cette fois, ce n'est pas un mais trois fautifs que désignent les milliers de Franciliens contraints, par d'abondantes chutes de neige, de passer la nuit de mercredi dans leur voiture, à leur bureau ou dans un centre d'hébergement d'urgence : le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, les services de l'Etat, les municipalités.
Pourtant, aussi difficile cela soit-il à admettre par ceux qui ont vécu des heures éprouvantes, aucun de ces trois protagonistes n'est à incriminer principalement. Le tort de Brice Hortefeux ? Avoir assuré, à 16 h 40, hier, qu'il n'y avait pas encore de « pagaille ». Une heure plus tôt, c'était encore vrai. Il est tentant de voir dans un mot envolé la preuve accablante, nouvelle, d'un éloignement des réalités du quotidien. L'opposition, c'est heureux, s'est bien gardée d'emprunter cette piste glissante du populisme ordinaire.
L'essentiel, hier, était ailleurs : le ministre de l'Intérieur venait, en l'absence de ses collègues en charge des Transports (Nathalie Kosciusko-Morizet, à Cancún, et Thierry Mariani, en partance pour Moscou), de préparer les Franciliens à de « sérieuses difficultés », les invitant à ne pas prendre leur voiture. La réaction de l'Etat n'a peut-être pas été optimale, mais plus rapide qu'en ce début de janvier 2003, lorsque 60.000 automobilistes étaient restés bloqués vingt-quatre heures sur l'autoroute A13. Des leçons ont bien été tirées, mais que pouvaient huit unités de forces mobiles réduites à l'immobilité ? En quelques minutes, le piège blanc s'est refermé sur elles comme sur les civils, soudain coupés de la civilisation.
Quant aux maires, si souvent accusés d'impéritie, plusieurs ont été aux avant-postes. Dans les Yvelines, enneigées comme jamais depuis quinze ans, les villes de Versailles et de Vélizy ont ouvert en un temps record des hôtels de campagne. De cette nouvelle exception climatique nous devrions tirer, plutôt que des accusations individuelles, deux leçons collectives. La première est d'adapter nos propres comportements aux conditions extérieures, de nous soumettre, lorsqu'il le faut, aux lois incoercibles de la nature. La deuxième, plus prosaïque, est de saisir l'intérêt majeur que représentera, dans l'exception comme au quotidien, un Grand Paris des transports publics.
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