Cette histoire se déroule ces jours-ci et soulève un très classique débat. Celui entre ce que les uns appellent la défense des intérêts industriels de la France et ce que les autres dénoncent comme du protectionnisme. L’entreprise dont il s’agit, c’est Ingenico. Son nom ne vous dit peut-être rien, sauf si votre œil tombe sur lui quand vous prenez de l’argent dans un distributeur de billets ou quand vous tapez (dans un magasin) votre code de carte bancaire sur un terminal de paiement. Ingenico est le numéro deux mondial de ce type de terminaux, n° 1 en Europe, n° 2 en Chine et aux Etats-Unis. C’est une belle entreprise de 2.800 salariés, dont la stratégie actuelle est de se diversifier des matériels vers les services (la sécurité des transactions).
C’est une si belle société qu’elle suscite des convoitises. A tel point que le cours de l’action a « explosé » de 60% depuis le début de l’année. Et du coup, soit parce qu’ils se sont dits que c’est le bon moment pour réaliser une bonne opération, soit pour des raisons stratégiques (se développer avec quelqu’un qui a plus de moyens), les actionnaires et les dirigeants d’Ingenico ont eu envie de vendre. Ils ont reçu, ont-ils annoncé vendredi, une grosse offre d’un concurrent américain, en l’occurrence Danaher.
… et c’est là que l’Etat intervient. Selon nos informations, il a décidé de bloquer. L’Etat qui a non pas un mais deux moyens de pression pour empêcher la cession d’Ingenico. Le premier est simple : 22% du capital sont détenus par le groupe aéronautique Safran, lui-même contrôlé par l’Etat. Safran aurait voulu se débarrasser de cette participation chez Ingenico pour engranger du cash, l’Etat lui a dit, ce week-end, non. Safran n’étant plus vendeur, la pression devrait diminuer. Quand on est américain, avoir l’Etat français sur la chaise d’à côté dans un conseil d’administration n’est pas tentant !
Mais le gouvernement a un autre levier. Depuis 2006, il peut s’opposer à la vente d’entreprises dont les métiers sont stratégiques. Or, Ingenico fournit à Safran une technologie de cryptologie ultra pointue. Mais tout ceci, le rôle de l’Etat, n’est bien sûr pas évoqué dans le communiqué publié dimanche soir.
L’Etat a-t-il raison de vouloir que la société reste française ? Débat éternel ! A priori, si Renault rachète Nissan puis Dacia, si EDF rachète les centrales nucléaires de British Energy, si GDF-Suez rachète (la semaine dernière) le tout aussi britannique International Power, on ne voit pas pourquoi la France interdirait la vente d’Ingenico. Les distributeurs de billets, ce n’est pas la défense nationale ! Cela étant, l’Etat est dans son droit le plus absolu d’actionnaire même si c’est un peu bizarre de contrôler les DAB.
Eric Besson, le nouveau ministre de l’Industrie, envoie un signal clair : le patriotisme économique est de retour et les investisseurs étrangers seront, si c’est nécessaire, reconduits à la frontière !
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