jeudi 23 décembre 2010
Avis de sévérité
«Quand il est pris dans la nasse, le poisson commence à réfléchir». Ce pragmatique proverbe africain a inspiré la Banque mondiale : elle serre la vis autour de Laurent Gbagbo dans l’idée de le faire plier par des voies pécuniaires là où la diplomatie a jusqu’ici échoué.
Cette sanction accentue l’isolement du président battu mais ne change rien à court terme à la difficile mise en œuvre de la démocratie en Côte d’Ivoire, où organiser un scrutin ne dit rien de ce qui se passera ensuite. On est loin des règles sophistiquées du suffrage universel, exercice hautement ritualisé où celui qui est déclaré battu s’efface discrètement même s’il se sent lésé. George W. Bush n’a vraiment gagné l’élection de l’an 2000 que quand son rival Al Gore a admis l’arrêt de la Cour suprême qui lui était défavorable.
Dans les démocraties balbutiantes en revanche (et sous réserve que le vote ait été sincère), on n’est jamais sûr que le perdant acceptera sa défaite. En Afrique ou ailleurs, trop de candidats ne consentent à la liturgie électorale que parce qu’ils tablent sur leur victoire, une jolie victoire ornée du brevet de modernité politique décerné par une «communauté internationale» ravie de voir s’éloigner l’ère des coups d’État et des révolutions de palais. Combien d’anciens putschistes se sont-ils ainsi recyclés ?
Hostile aux scrutins qui lui nuisent, Gbagbo s’en tient à la conception antique du duel où le perdant est celui qui a physiquement touché terre. On lui dit qu’il a perdu, il s’en moque puisqu’il est encore debout... C’est tout le problème de l’Union européenne, des États-Unis, de l’ONU, du Fonds monétaire international, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest, tous désireux de voir Alassane Ouattara présider, mais réticents à engager des opérations militaires à hauts risques.
Gbagbo mise sur cette inaction pour se maintenir. Cynique, il s’empressera d’accuser l’Union européenne et plus encore la France d’ingérence néocoloniale si jamais les casques bleus de l’ONUCI s’avisent de faire contre lui usage de leurs armes.
Il joue la montre, convaincu que la faible capacité opérationnelle de l’ONUCI, ajoutée aux atermoiements ou scrupules des diplomates, qu’ils soient européens ou africains, est son meilleur atout. En cas de bain de sang, celui qui sera soupçonné d’en être responsable aura perdu. D’où la nécessité que les sanctions financières ouvrent une issue rapide. Il faudra pour cela qu’elles pèsent plus lourd que le trésor de guerre amassé depuis dix ans par Gbagbo, lequel a dans l’immédiat de quoi tenir grâce aux bénéfices accumulés autour du cacao, du café et des taxes portuaires.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire