TOUT EST DIT

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vendredi 29 octobre 2010

La paix des monnaies

Des bonnes nouvelles vraiment ? Le monde va-t-il réussir à s'épargner une quatrième crise : la crise des changes après la crise de la finance, la crise économique et la crise de l'emploi ? En ces temps où l'on doute de la qualité de la reprise en Amérique et en Europe, il faut y croire. Il faut s'accrocher à l'affirmation de Christine Lagarde dans nos colonnes (« Les Echos » du 26 octobre) selon laquelle : « l'esprit de coopération » a été retrouvé au G20, lors de la réunion des ministres des Finances en Corée.

La veille encore, les roulements des tambours de guerre allaient grossissant. En Amérique, les cris s'élevaient pour dénoncer une Chine « manipulatrice de sa monnaie » et des lois de rétorsion avaient pris leur place dans l'agenda du Congrès. Au Brésil, en Thaïlande, en Corée du Sud, une restriction des mouvements de capitaux a été décidée pour éviter un emballement des devises locales. Et partout montaient, et montent encore, les angoisses d'un monde trop ouvert qui détruit les emplois et ruine la classe moyenne. Le protectionnisme, que les responsables du G20 ont repoussé unanimement depuis le début de la crise, faisait son retour par la fenêtre monétaire : la « triche » pour dévaluer, gagner en compétitivité et gonfler leurs exports, c'est-à-dire leurs emplois au détriment des autres.

C'est fini ? Pas de guerre des monnaies ? On veut y croire puisque tout le monde y perdrait. Les gouvernements disent renoncer à la guerre et aux dévaluations compétitives. En gros, cela se traduira par une baisse progressive du dollar et, si les Chinois ne mentent pas, par une réévaluation du yuan. Si ce jeu de l'unité du G20 dure, les fluctuations des marchés autour de ces tendances pourraient être lissées, comme le note Laurence Boone de Barclays Capital, et cet ordonnancement évitera peut-être les pires mouvements spéculatifs, très meurtriers pour les entreprises.

Voilà beaucoup de si… Mais dans la catégorie des bonnes nouvelles, il faut ranger la déclaration, à la sortie du G20, des Américains et des Chinois qui disent avoir trouvé un compromis pour réduire progressivement leur déséquilibre commercial, trop de déficit ici, trop d'excédent là. Si les actes suivent les paroles, les gouvernements s'attaqueraient ici non pas seulement aux monnaies, « la surface » comme l'a dit un responsable de la Banque de Chine, mais à la racine de la crise. Car ce sont ces déséquilibres commerciaux qui sont à l'origine de tout le mal. Ils ont poussé la planète économique dans une spirale infernale désormais bien connue : les ménages américains vivent à crédit, les Chinois les financent en achetant leurs emprunts, Pékin garde cet argent et accumule des dollars (2.500 milliards actuellement), cette masse de liquidités inonde la planète, « crée de la monnaie », ce qui fait descendre les taux d'intérêt, les Américains trouvent à emprunter moins cher pour surconsommer, etc.

Comment arrêter cette spirale ? La première piste est d'installer un système de surveillance des déficits, au sein du Fonds monétaire international, dont c'est le rôle, en le dotant d'une voix qui porte. Dans la crise, le FMI a restauré une crédibilité en prônant une relance concertée mondiale mais ce n'est qu'un bout du chemin. Il lui faut convaincre la Chine et toute l'Asie qu'accumuler des réserves de dollars, comme ils le font depuis la crise asiatique de 1997, n'est pas du meilleur effet pour la croissance mondiale. Ils feraient mieux de consommer cet argent, donc de viser à réduire leurs excédents commerciaux et non pas le contraire. La réforme du FMI, qui est menée en parallèle, est fondamentale pour faire entrer au conseil les pays émergents, leur donner voix au chapitre, bref pour les amener à participer en responsabilité à la gestion du monde.

Ensuite ? Le FMI devra faire des propositions au printemps pour aller plus loin dans la réforme du système monétaire international. Les Droits de tirages spéciaux (DTS) peuvent-ils retrouver une place, comme les Chinois l'ont évoqué ? Il faudrait en réinventer les mécanismes, selon Jean Pisani-Ferry et Agnès Benassy-Quéré (« L'Economie mondiale 2011 », Cepii). Reste à s'accommoder d'un système multipolaire (dollar, euro, yuan, yen) en espérant vite réduire les trop grands déséquilibres entre régions. En clair, ôter les motifs de guerre aux grands fauteurs : l'Amérique doit produire plus et la Chine consommer plus. La Maison-Blanche a évoqué une barre de 4 % du PIB pour un déficit ou un excédent commercial. C'est aller dans la bonne direction. Si ensuite le FMI pouvait affiner cette directive, fixer des cibles des taux de change et faire la police…

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