TOUT EST DIT

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samedi 30 octobre 2010

Georges et le kitsch

Georges Frêche a échappé aux cons qui le chassaient à courre, lui qui s’amusait à en être un autre, de con, et un sévère parfois, pour exaspérer ses ennemis.
Georges conjuguait ses horreurs pour leur dire un peu plus qu’il les méprisait, tous ceux qui dénonçaient son racisme, son antisémitisme, sa vulgarité. Georges ne voulait pas en souffrir, d’être pris pour ce qu’il n’était pas, il préférait le tonitruer.

Il poussait son immense carcasse, le corps et la canne raides comme ses saillies; il conchiait un adversaire en proclamant qu’il l’avait jadis cocufié - et ravi d’avoir choqué, rebondissait en parlant d’histoire, du mouvement de sa région, de son Montpellier assoupi devenu le partenaire de la Chine, de Shanghai! De son Languedoc, il voulait saisir le monde, lui qu’une gauche étriquée n’avait jamais fait ministre en France. Dans ses ambitions et ses outrances, Georges se rendait odieux à ceux qui l’avaient négligé: c’était tragique et superbe à la fois, de le voir défier l’époque et son kitsch dans un combat forcément perdant.

C’est Kundera qui a le mieux décrit cette passion convenable: "Le kitsch, c’est la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l’émotion." Transmuter l’antiracisme en lapidation d’un progressiste, c’était l’idiotie des anti-frêchistes. Il y aurait eu mille manières de le contester: ce politique novateur était devenu, vieillissant, l’élu des parvenus du Sud-Ouest, infichu d’entraîner les Maghrébins ou les Gitans de la Paillade et autres cités du soleil… Cet échec-là - Frêche le bâtisseur finalement encalminé dans sa sociologie - était réel : sa diabolisation fantasmatique salit ceux qui lui ont survécu.

On pense à Frêche et au kitsch au moment où une poignée d’indignés kitschissimes tambourinent pour que Guerlain soit boycotté afin que la marque expie un vieil homme venu du passé. Ce qu’a fait l’inventeur de Samsara sur France 2 tient moins de l’offense contemporaine que d’un éclairage historique, quand les bourgeoisies gloussaient sur la paresse des nègres… Jean-Paul Guerlain atteste notre sale Histoire, pas notre présent. Le racisme anti-Noirs ne se nourrit pas aujourd’hui de Tintin au Congo mais de peurs sociologisées sur les violences des banlieues, des cadenas de l’Europe, des logements insalubres et qui brûlent parfois, de la blancheur verrouillée des élites. C’est là qu’il faut combattre, et laisser en paix d’aimables fragrances qui n’y sont pour rien.

Le kitsch, si l’on ose compléter Kundera, est une manière de se tromper de cible ou d’abîmer ses combats en quelques mots de trop. On le sent monter ces jours-ci, dans les proclamations de certains confrères sur les "guerres" que le pouvoir mènerait contre les journalistes, dans un pays en quasi-dictature. Les vols des ordinateurs de nos amis du Point et du Monde, le cambriolage de nos amis de Mediapart, sont des faits suffisamment inquiétants pour qu’on s’épargne le kitsch des conclusions sans preuve. La vigilance n’est pas une griserie.

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