TOUT EST DIT

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samedi 30 octobre 2010

Comment BlackBerry a séduit ados et étudiants

Le spécialiste des smartphones pros, menacé sur le segment des entreprises, s’est lancé dans le mobile grand public. Et vise les jeunes avec un impressionnant arsenal marketing.

Elle a 16 ans, vient d’entrer en première et piaffe devant une boutique de téléphones, près de l’Etoile, à Paris… «Le blanc, là, il est bombesque !» La jeune fille désigne du doigt le BlackBerry Curve 8520, un gros smartphone à clavier. A part la couleur, le modèle ressemble à ceux que l’on voit vissés à l’oreille des cadres en costume-cravate dans la rue, à l’extérieur du magasin. Mais l’adolescente n’en démord pas : «Il est vraiment trop classe, et pas cher. Et au lycée toutes mes copines en ont un.» Le phénomène a surpris le constructeur lui-même.

Coqueluche. Depuis deux ans, ses BlackBerry, réputés pour leur gestion des e-mails et destinés aux entreprises et aux particuliers aisés, sont devenus la coqueluche des jeunes. D’abord dans les arrondissements chics de Paris, où les ados récupéraient le vieux «BlackBé» de papa, puis dans toutes les villes de France. C’est le grand clavier azerty, pratique pour les SMS, et la messagerie instantanée BlackBerry qui les attirent. L’objet confère également un statut flatteur. «Il vient du monde pro, donc il fait mature, alors que l’iPhone d’Apple sert à se donner une image plus jeune», décode Laurent Lamé, le directeur marketing de SFR. Research In Motion (RIM), le fabricant canadien de BlackBerry, a tout de suite compris l’intérêt de surfer sur cette vague.
Cet engouement des jeunes tombe en effet à pic pour le fabricant de smartphones. Depuis 2006, ce dernier cherche en effet à compenser la perte de son hégémonie chez les pro (lire l’encadré page 28) en attaquant le marché des particuliers. Moins rentable, critiquent les analystes. Mais tellement plus vaste, avec ses 50 à 60 millions d’unités vendues chaque trimestre. Pour coller à cette nouvelle clientèle, BlackBerry a donc affiné sa stratégie. Avec succès : les 15-25 ans représentent désormais la moitié des nouveaux clients de la marque, estiment les opérateurs français. «Prenez le 8520 : chez nous, c’est le téléphone le plus acheté par les moins de 26 ans», constate-t-on au marketing d’Orange.
Résultat, le géant de Waterloo, dans l’Ontario, a gagné sa place auprès du grand public et a vendu plus de 36 millions de téléphones au total, pour plus de 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur le dernier exercice (fin février). Et si ses parts de marché sur le segment des smartphones reculent un peu aux Etats-Unis sous les coups de boutoir d’Apple, en France elles ont progressé de 12 à 19%. En un an.
Le look et l’équipement. Le premier réflexe de BlackBerry a été de concevoir des mobiles plus adaptés à cette clientèle en jean-baskets. Avec le lancement du Pearl en 2006, son premier modèle pour particuliers, le fabricant a introduit une interface bien plus ergonomique, avec appareil photo, flash, baladeur MP3, jeux et applications grand public. Les derniers modèles sont parfois disponibles en cinq coloris différents, du classique blanc à l’inattendu lavande. «A chaque nouvelle teinte, on double les ventes», assure-t-on chez Orange.

RIM a également tenté de lancer son propre écran tactile, inspiré de celui de l’iPhone. Mais faute d’une technologie suffisamment au point, son premier modèle à en être équipé, le Storm, a fait un flop en 2009. «Surtout, les jeunes voulaient de l’azerty!» analyse Stéphane Dubreuil, du cabinet Sia Conseil. Le BlackBerry Torch, lancé aux Etats-Unis cet été – cet automne en France – dispose des deux : un écran tactile et un clavier coulissant au-des-sous. Entre-temps, le BlackBerry Curve 8520 continue à être champion des ventes chez les ados et les étudiants.
Pourtant, il n’a ni GPS, ni flash, ni connexion 3G. La clé de son succès ? Son prix. «Les jeunes y sont très sensibles, explique Karine Dussert-Sarthe, directrice marketing chez Orange. Avant, les BlackBerry coûtaient jusqu’à 500 euros avec des abonnements plutôt onéreux. Avec le 8520, la barrière tarifaire est tombée pour le téléphone et pour le forfait.» L’appareil basique a un coût de production de 103 dollars, selon le cabinet d’études iSuppli. «Nous l’achetons 150 euros pièce, contre 450 pour l’iPhone», détaille Vincent Leclerc, le directeur des achats du réseau The Phone House. Résultat : après subvention des opérateurs, le Curve 8520 est commercialisé à partir de 1 euro en boutique.
Forfaits jeunes. «RIM a également fait le forcing pour être associé à des forfaits bon marché», glisse un expert du secteur, selon qui les formules pour iPhone coûtent une dizaine d’euros de plus, environ. Parmi les arguments avancés par le fabricant canadien : ses flux de données, très compressés, consomment trois à huit fois moins de bande passante que le smartphone d’Apple. Les opérateurs, trop contents d’aiguillonner la marque à la pomme, ont joué le jeu. Et accepté, notamment, de ne pas ou peu répercuter dans leurs tarifs les frais mensuels que BlackBerry facture en moyenne pour l’utilisation de ses serveurs (e-mails et messagerie instantanée).

Pour une heure de communication, plus Internet et des courriers électroniques illimités, il faut compter 24,90 euros chez SFR, 28,90 euros chez Bouygues Telecom et 30,90 euros chez Orange, pour deux ans d’engagement. Seule condition, chez Orange et SFR : avoir moins de 26 ans. De son côté, RIM s’est plié de bonne grâce aux exigences commerciales des opérateurs. Les réseaux de boutiques étant fans d’exclusivités et de séries limitées, BlackBerry a commercialisé son modèle mauve en avant-première chez The Phone House. Le fabricant a aussi loué des stands réservés à ses modèles dans les boutiques SFR, offert des primes, classiques dans le secteur, pour chaque appareil vendu. Par ailleurs, des dizaines de consultants et de cadres du siège ont été envoyés chez les opérateurs pour former les vendeurs aux spécificités de ses terminaux.
Messagerie vedette. Mais c’est avec son énorme plan marketing que RIM a tapé le plus fort. Marché de masse oblige, la firme canadienne a fortement augmenté ses dépenses publicitaires. Rien qu’en France, son budget a triplé cette année, atteignant 13 millions d’euros brut (avant remise) au premier semestre, indique l’institut Kantar Media. Dans sa communication, BlackBerry a pris soin de s’adresser aux jeunes sans bousculer sa clientèle d’entreprise.
Si ses pubs ne mettent plus en scène de PDG vedettes mais des jeunes hilares, le noir et blanc leur donne un côté rétro, et les textes sont rédigés dans un style plutôt soutenu. Le fond, lui, se concentre sur la messagerie instantanée BlackBerry Messenger, plébiscitée par les ados, et astucieusement rebaptisée BBM pour l’occasion. Le système ne fonctionnant qu’entre téléphones BlackBerry, la marque joue à fond la carte communautaire.
L’effet stars. Le reste de son budget est englouti dans une gigantesque opération de sponsoring. Cible prioritaire : les vedettes de la musique, qui séduisent surtout les jeunes, surconsommateurs d’albums et de MP3. BlackBerry est ainsi le partenaire officiel de U2 pour la centaine de dates de sa tournée, comme il l’a été en 2010 pour le concert des rappeurs de Black Eyed Peas. Dans un de ses derniers clips, Will.i.am, le leader de ce groupe, chante d’ailleurs plus de 1 minute dans son téléphone BlackBerry, sur les quatre que dure la vidéo.
Pas très subtil, mais efficace. Comme lorsque les smartphones de RIM se retrouvent dans les magazines people entre les mains de vedettes telles que Paris Hilton, Rihanna, Lily Allen ou Emma de Caunes. Les stars reçoivent en général ce genre de produit gratuitement, et ne se privent pas d’en faire la promo. «Cela renforce le sentiment d'appartenance à une tribu analyse Stéphane Dubreuil, de Sia Conseil. Exactement ce que recherchent les jeunes.

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