TOUT EST DIT

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vendredi 10 septembre 2010

Leçons de mineurs

À 700 m sous terre et à des milliers de kilomètre de chez nous, trente-trois mineurs attendent d'être délivrés du piège dans lequel les a enfermés l'éboulement d'une galerie. Par un conduit minuscule, le contact est maintenu avec eux. De l'air leur est envoyé sous pression pour renouveler l'atmosphère de leur réduit où la chaleur est supérieure à 30°. Par ce même conduit, une minicaméra a été passée qui permet non seulement de donner des nouvelles en images, mais aussi d'aider les médecins qui les suivent d'en haut. On a fait aussi passer de quoi les aider à tenir physiquement et psychologiquement.

Rien n'est assuré, mais une chose est certaine : l'issue de cette bataille dépend, en grande partie, de la volonté personnelle de chacun de ces mineurs. Leur épreuve est rude et il est difficile à ceux qui vivent à la surface d'imaginer ce que peut signifier cette vie confinée où le mental joue un rôle primordial, mais où il faut se coltiner avec des réalités des plus triviales, dans une angoisse qui doit être constante.

Que quelques-uns craquent et le refuge peut devenir un véritable enfer. De la capacité de ces hommes à se supporter, tels qu'ils sont, avec leurs défauts, leurs limites, leurs obsessions, leurs manies, dépend largement l'issue du drame. Or, rien n'exacerbe plus le caractère insupportable de tel ou tel trait personnel que le confinement. Les marins le savent qui disent qu'en mer, il arrive que l'on se fâche avec ses meilleurs amis, faute de pouvoir prendre une distance suffisante.

Ce qui se passe à la mine chilienne donne à penser plus largement. Quand on parle de la crise, on se demande souvent quand nous verrons « le bout du tunnel ». Comme les mineurs chiliens, notre capacité d'en sortir dépend en bonne partie de notre aptitude à nous supporter mutuellement, dans tous les sens du terme. Comme les équipes qui travaillent à San José pour aider les mineurs à tenir, il revient aux dirigeants du pays de veiller à la cohésion sociale, de prévenir tous risques de dissension, d'éviter de dresser les uns contre les autres. Il faut associer tout le monde à la résolution des problèmes et faire de cette collaboration le tremplin pour un nouveau départ. Quant à nous, il nous revient de prendre chacun notre part de l'effort pour tenir ensemble.

Mais cette leçon dépasse la seule dimension d'un pays. La Terre, dit-on parfois, est la cabine spatiale de l'humanité, lancée dans la traversée de l'univers. Avec le progrès technique et l'accroissement de la population, cette cabine s'est comme rétrécie. Nous en voyons les limites, bien plus que par le passé. Nous éprouvons notre interdépendance. Il ne suffit pas d'exporter les problèmes hors de ses frontières pour vivre mieux. Et nous percevons enfin que les ressources communes ne peuvent être consommées sans mesure. Qui peut croire que c'est en dressant les peuples les uns contre les autres que le vaisseau humain pourra voyager longtemps ? Notre manière de gérer les problèmes doit changer, dépasser l'échelon national.

Ces remarques de simple bon sens sont plus faciles à énoncer qu'à mettre en oeuvre, nous le voyons chaque jour. Les mineurs de San José nous en rappellent pourtant toute l'importance. Ils nous disent aussi que le combat pour la survie de tous commence au plus près de chacun. Le seul miracle à attendre, c'est celui de la solidarité. Les tentatives de passage en force sont purement suicidaires.

(*) Écrivain et éditeur.

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