En des jours difficiles, le président le plus détonnant de la Ve République traîne une méchante cote dans l'opinion. Son impopularité est d'ailleurs singulière qui tient moins à ce qu'il fait qu'à ce qu'il est ou paraît. Les épreuves nouvelles inspireront-elles un jugement où la forme n'écraserait pas le fond ? Pour l'heure, Sarkozy, qui débuta sous les fleurs, chemine dans les ronces.
Son image publique reflète, bien sûr, les traits de sa nature. Mais il n'a pas choisi à l'aveugle de lâcher bride à son exposition publique. Sa conviction fut qu'elle afficherait, à son avantage, un exercice iconoclaste de la présidence. Lourde faute d'appréciation sur l'état de l'opinion française ! Et sur la représentation, tant culturelle que politique, que notre monarchie républicaine se fait de la fonction présidentielle. Elle veut pour le rôle un autre maintien.
Il y a certes de l'injustice à enfermer l'homme d'action dans une comédie dégradée ; à oublier des réformes soit accomplies, soit engagées et dont on mésestime l'entrain. De l'ingratitude à gommer les atouts d'une énergie inventive qui nous sauva des gouffres lors du cyclone financier. Reste que les images traînent et s'impriment. Pour avoir livré, au jour le jour, une flopée de saynètes, annonces prématurées et algarades incongrues, il subit des retours de bâton. La crise - il n'y peut rien ! - dévalue à elle seule les promesses inaugurales. Mais combien de dégâts qu'un peu de contenance et de laconisme eût évité !
Ah, ce Fouquet's ! Sarkozy s'y afficha, dans l'euphorie, et à l'américaine, avec des pointures de la mode ou des affaires : une équipée qui retombe aujourd'hui en pluies acides. Ce copinage d'argent l'empêtre : il a beau s'acharner contre la cavalcade bancaire, il se trouve épinglé en complice de l'anarchie financière. Et les socialistes l'accusent de déficits publics... hérités, pour l'essentiel, de trente années d'incurie.
Le voici rivé à ce fichu Fouquet's, scotché au yacht de son escapade, sites présumés du veau d'or, tandis que l'opinion dégouline de nostalgie pour la longue sieste nationale des règnes Mitterrand et Chirac. Deux monarques, nullement hostiles aux commodités d'argent mais qui paradaient, eux, à la Roche de Solutré et au Salon de l'agriculture, reliquaires benoîts de la France profonde.
Ajoutez, chez Sarkozy, que le souci de proximité populaire, cette accointance familière, hélas gâtée par le trivial, aura moins séduit sa gauche qu'elle n'aura heurté sa droite. Et qu'enfin l'addiction à la vitesse et à l'ubiquité aura rogné les temps de réflexion.
Bref, l'impopularité du président pèse lourd. Evitons tout de même l'hystérie qui l'attise et vire au pilori ! Sarkozy peut, avec la réforme des retraites, emporter la Bastille des 60 ans et montrer contre l'adversité une fermeté que l'enjeu exige. Il peut, en octobre, sortir de son chapeau un gouvernement chambardé, plus neuf et carré. Sans le chiqué de quelques silhouettes d'ouverture dont le savoir-faire et l'atout politique furent médiocres. Il peut aussi " faire " un peu plus président...
L'offensive sécuritaire ? Elle expose, une fois encore, comment des vices de forme nuisent au fond. Si le pouvoir avait pris soin de démontrer l'illégalité individuelle des clandestins et l'établissement délictueux des campements roms, si le verbe n'avait pas frôlé de fâcheux amalgames, le pouvoir eût évité le fiel d'une bien-pensance qui, depuis cinquante ans, nous bassine avec Vichy et le nazisme. L'Eglise eût prêché, c'est son rôle, la charité sans délirer jusqu'à comparer le sort de nos Roms avec celui des juifs de l'Holocauste. Car, quant au fond, l'immigration clandestine reste un fléau. Contre elle, Hortefeux et Besson font résolument ce qu'ils ont à faire. Céder aux faussaires de l'antiracisme, c'est peupler les squats, remplir les prisons et nourrir, pour finir, le racisme.
L'affaire Bettencourt-Woerth, elle, n'a pas fini de faire payer au pouvoir le cumul, intenable de nos jours, d'une trésorerie de parti avec un ministère exposé. Il ne se trouve plus de signature du ministre, avalisant des arbitrages de Bercy ou des faveurs plus ou moins banales, qui ne nourrisse la suspicion. Et ne rabote, au pire moment, sa réputation de bon et solide ministre. Quelques acharnés espèrent que l'affaire Bettencourt, par sa nuisance symbolique d'argent et de pouvoir, emportera le sarkozysme comme l'affaire du collier de la reine emporta jadis l'Ancien Régime. Mais c'est monter un peu vite le bourrichon à l'Histoire...
Quant aux spéculations sondagières sur 2012, elles ne valent pas tripette (à vingt mois d'une élection présidentielle, le pronostic - en 1981, 1995 et 2002 - désigna le vaincu). L'avenir de Sarkozy se jouera sur deux fronts. L'économie, qui reste, pour l'essentiel, sur les genoux des dieux. Et les réformes, pour lesquelles il fut élu. Et dont il ne peut ni ne doit démordre
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