TOUT EST DIT

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jeudi 16 septembre 2010

La presse face au mur du péage

C'est la question que tous les journaux se posent : faut-il faire payer ses contenus sur Internet ? La plupart avaient pris le parti de la gratuité, misant sur leur audience pour capter des recettes publicitaires. Mais, depuis quelques mois, certains ont fait marche arrière et mis en place des systèmes de péage, les fameux « pay walls ». Le « Times » britannique, l'un des fleurons du groupe News Corp., a basculé au tout-payant sur le Web le 1 er juillet, et le « New York Times » a annoncé son intention d'introduire une formule payante début 2011 (lire ci-dessous).

En France, plusieurs quotidiens généralistes ont déjà sauté le pas. Avec des stratégies mixtes, dites « freemium » dans le jargon des éditeurs : une partie du site est restée gratuite, mais certains contenus sont devenus payants. En septembre 2009, « Libération » a ainsi fermé l'accès gratuit sur son site aux articles du quotidien papier : ils sont réservés à ses abonnés Internet. De même, LeFigaro.fr a introduit un système d'abonnement en février. Enfin, LeMonde.fr, l'un des premiers à avoir facturé des contenus en 2002, réserve depuis mars les articles du quotidien papier à la version payante.

Objectif : tenter de faire payer une audience qui a atteint plusieurs millions de visiteurs uniques mensuels (près de 5 millions, pour LeFigaro.fr et LeMonde.fr) et cesser de cannibaliser les contenus des versions papier. L'information hiérarchisée, vérifiée et enrichie coûte cher à produire, il s'agit donc de la faire payer.
Dans le monde de la gratuité

Mais où placer le curseur ? « Il est très difficile de vendre une information sur le Web : Internet, c'est le monde de la gratuité. On l'a oublié mais il y a dix ans, certains journaux comme l''‘Irish Times'' » ont tenté le modèle payant. Ce fut un échec retentissant, l'audience du site a plongé. Depuis, le modèle de la gratuité est devenu dominant », rappelle Patrick Le Floch, directeur de Sciences Po Rennes et spécialiste de l'économie des médias.

Avec une exception pour les titres plus ciblés. « La stratégie du payant a un sens pour la presse économique, comme le ‘‘Wall Street Journal'' ou ‘‘Les Echos'' . Les lecteurs sont plus captifs, et ont besoin de l'information à titre professionnel », poursuit-il. « Les Echos », qui ont adopté cette stratégie depuis longtemps, espèrent totaliser 50.000 abonnés à leurs contenus numériques fin 2010. Elle est plus risquée pour les titres grand public. « L'Express » a étudié avant l'été un passage au payant et a finalement reculé. Les revenus publicitaires en ligne sont certes insuffisants (13 millions d'euros pour LeFigaro. fr en 2009), mais il ne s'agit pas de les perdre. Le cabinet britannique Enders a publié il y a quelques jours une étude montrant qu'un abonné Internet rapporte à peine un quart à un tiers du revenu généré par un acheteur du journal papier. Or, selon Enders, les coûts physiques d'impression et de distribution représentent outre-Manche 25 % du total : on est loin du compte.

Pour les éditeurs, il s'agit donc de maintenir l'audience tout en séduisant des abonnés. Dans ce but, les quotidiens français ont renforcé à la fois leur offre gratuite et leurs contenus payants. La rédaction du « Monde » doit fournir 20 articles par jour au Monde.fr, en accès gratuit. « On y est presque », assure Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif. Ceux du « Figaro » produisent pour les abonnés 12 lettres hebdomadaires prospectives sur leur secteur (géopolitique, économie, culture…). « Nous n'avons passé au payant que les articles très identitaires pour « Le Figaro » : les tribunes, les portraits, etc. », explique Thomas Doduik, directeur des opérations du Figaro.fr.

Tous assurent que leur audience n'a pas pâti de leur nouvelle politique. « Elle a même augmenté depuis un an », indique Ludovic Blecher, responsable des éditions électroniques de « Libé ». Et les abonnés arrivent doucement, mais sûrement, notamment depuis la sortie de la tablette d'Apple. « Il y a eu un vrai effet iPad », poursuit Ludovic Blecher, qui annonce à ce jour 10.000 abonnés numériques, dont 5.500 à la formule « Web + print » et 4.500 aux seules éditions Web.

Au « Monde », Philippe Jannet revendique 110.000 abonnés, dont 40.000 aux seuls contenus numériques. « Le Figaro » communiquera sur ses résultats d'ici à la fin de l'année. Ils seront à coup sûr étudiés avec attention.

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