TOUT EST DIT

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jeudi 12 août 2010

"Vie de meuf", miroir de l'inégalité professionnelle hommes-femmes

"Premier jour dans mon nouveau boulot, ma collègue m'accueille par cette remarque : 'vous avez de la chance d'être là, au début, ils ne voulaient pas de femmes parce que ça tombe enceinte. Mais finalement ils ont changé d'avis : les hommes ça coûte trop cher.'" Cette anecdote est tirée du site Vie de meuf, lancé il y a un mois par le collectif Osez le féminisme pour fêter à sa manière le 27e anniversaire de la première loi sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Une égalité encore bien utopique. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans sa revue du mois de juillet, l'écart des rémunérations atteint une moyenne de 19 %. Chez les cadres, les différences de salaire entre hommes et femmes dépassent les 30 %.
Vie de meuf est construit sur le modèle du site humouristique Vie de merde, où chacun est invité à raconter en une ou deux phrases ses mésaventures au quotidien. Pourtant, la lecture de Vie de meuf ne prête pas vraiment à rire : les près de quatre cents histoires répertoriées à ce jour évoquent pêle-mêle les collègues moins diplômés mais mieux payés, les entretiens d'embauche très poussés sur la vie privée, les mises au placard au retour de congés maternités, ou les emplois refusés par peur que la candidate ne tombe enceinte rapidement.

GARE AUX ENFANTS !

Laetitia, qui débute dans la vie active, raconte ainsi la confession de son manager : il ne l'aurait jamais engagée si elle avait été un peu plus âgée, car "avec une femme de 28-30 ans, à l'embauche on sait qu'elle risque d'être absente deux ou trois fois six mois pour congé maternité".

"Tout se passe comme si les femmes qui n'ont jamais eu l'intention d'interrompre leur carrière n'ont pas pu envoyer un signal crédible aux employeurs sur leur engagement à long terme", indique l'étude de l'OFCE. Cette dernière souligne ainsi qu'avoir ou non des enfants a peu d'influence sur le salaire horaire. Mais gare à celles qui envisagent d'avoir des enfants. Pour avoir évoqué la possibilité d'avoir des enfants dans les cinq ans à venir, Marie n'a pas eu le poste convointé. "Avoir des enfants avant 35 ans est un signe de manque d'ambition flagrant", lui aurait rétorqué la DRH.

"Mon supérieur direct n'a jamais employé le terme de congé de maternité mais celui de 'convalescence' ! Je lui ai fait remarquer à plusieurs reprises que je n'étais pas malade mais enceinte", déplore de son côté Eve.

PEU DE SANCTIONS

Estelle se fait elle embaucher sans souci en étant enceinte. Mais pas pour les raisons qu'elle imaginait. "Je finis par apprendre que j'ai été embauchée parce que j'étais enceinte, pour faire chier le remplaçant du recruteur... Et mon bac +8 alors, il compte pas ?" Sophie Ponthieux, co-auteur de l'étude de l'OFCE, résume la situation au Parisien : "l'idée qu'on puisse être une mère ou une future mère et une salariée comme les autres n'est toujours pas admise."

Selon la loi sur l'égalité professionnelle de 2006, les entreprises ont jusqu'au 31 décembre 2010 pour ouvrir des discussions sur le sujet. "Aujourd'hui, quatre ans après la loi et six mois avant la date butoir, seules 8 % des entreprises ont signé un accord avec les partenaires sociaux", expliquait Caroline De Haas du réseau Osez le féminisme, dans une tribune au Monde.fr. Quelles seront les sanctions pour les entreprises récalcitrantes ? La loi renvoie au projet de réforme des retraites, où la question de l'égalité professionnelle apparaît dans l'article 13.

"Les sanctions qu'il prévoit sont en réalité largement en deçà de celles prévues en 2006. Elles seront appliquées uniquement aux entreprises de plus de trois cents salariés – moins de 36 % des emplois – et porteront non pas sur l'absence de négociations mais sur l'absence de publications de chiffres sur l'égalité", explique Caroline De Haas. "Pour échapper aux sanctions, il suffira aux entreprises de commander un rapport sur l'égalité professionnelle. Que celui-ci donne lieu ensuite à des changements, peu importe…" Le site Vie de meuf a encore de beaux jours devant lui.

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