Les objectifs de réduction des émissions de CO2 et de la consommation d'énergie fixés par l'Union européenne pour 2020 paraissent plus difficiles à atteindre que jamais. Les contraintes réglementaires imposées au secteur de l'énergie agissent comme un frein sur les investissements à réaliser pour parvenir à une consommation maîtrisée et raisonnée de l'énergie. Autres facteurs aggravants : la faiblesse de la croissance économique européenne et la diminution des dépenses publiques partout en Europe, qui limitera le soutien des Etats.
Pour atteindre les objectifs fixés, l'Europe aura besoin de près de 890 milliards d'euros en plus des investissements habituels. Par exemple, les aides pour la filière solaire et éolienne atteindront respectivement 85 milliards et 67 milliards d'euros au cours de la prochaine décennie, tandis que les coûts en crédits carbone pour la production d'électricité seront supérieurs à 200 milliards d'euros. Les nouvelles capacités de production représenteront 40 % des 890 milliards d'euros estimés, dont les deux tiers consacrés à l'éolien, au solaire à la biomasse et à l'hydraulique - la part des énergies renouvelables sera ainsi portée à 30 % en 2020. Au total, le coût global des objectifs de l'Union européenne pour 2020 se traduira par une augmentation moyenne de 25 % de la facture d'électricité des ménages européens.
Dans ce contexte, comment l'Europe peut-elle arriver à résoudre la difficile équation d'accélérer sa transition vers une économie décarbonée tout en en réduisant le coût ?
Depuis des années, l'Europe concentre son action sur la production et soutient massivement l'éolien, le solaire et le captage-stockage du carbone. Mais d'ores et déjà, dans certains pays comme l'Allemagne, les tarifs de rachat garantis pour cette électricité ont été revus à la baisse. Indépendamment de la question financière, ces nouvelles technologies ne suffiront pas à répondre à la demande avant une quinzaine d'années. C'est pourquoi il est temps d'envisager de nouvelles solutions.
Avant tout, il faut mieux utiliser l'électricité que nous produisons aujourd'hui. Nous gaspillons beaucoup trop d'électricité en périodes creuses et devons faire monter les centrales en régime en périodes de pointe. S'il était possible de stocker cette énergie non utilisée, nous n'aurions pas besoin de produire davantage lors des pics de demande. Le stockage d'énergie par air comprimé (Seac) représente une solution nouvelle et réaliste. Le principe consiste à utiliser l'énergie excédentaire pour comprimer de l'air, qui sera libéré pour faire tourner les turbines aux heures de pointe. Cette technologie simple peut être mise en oeuvre rapidement et dans la plupart des pays. Elle permet de limiter l'augmentation de la production du parc de centrales actuel et s'avère surtout moins onéreuse. Les installations de stockage à air comprimé coûtent près de deux fois moins cher à la construction que les centrales conventionnelles. Pourtant, il n'existe qu'une seule installation de ce type à ce jour en Europe.
Face aux résultats mitigés enregistrés du côté de la production, les efforts doivent également porter sur la demande. Ainsi, les compteurs intelligents seront déployés en Europe au cours des prochaines années, mais ne suffiront pas à eux seuls à réduire la consommation. Les acteurs de l'énergie doivent investir dans des techniques dites de « gestion de charge » afin d'inciter les consommateurs à éviter les périodes de pointe. En complément des compteurs intelligents, le recours à une tarification par plages horaires pourrait constituer un bon point de départ et amener les familles à faire tourner le lave-vaisselle la nuit et non juste après le dîner. Selon nos estimations, si 50 % des foyers et PME en Europe disposaient de compteurs intelligents en 2020, on observerait une réduction de 7 % de la consommation en période de pointe et de 5 % de la consommation globale. Ainsi, le besoin en capacité de production supplémentaire serait réduit de 10 à 19 %.
Ces deux solutions ne sont pas exhaustives, mais constituent des exemples de ce qu'il est possible de faire. A elles deux, elles pourraient conduire à une réduction de 5 % des émissions de CO2 et limiter l'augmentation de la facture énergétique des consommateurs à 90 euros au lieu de 120 euros, soit une économie de 26 %. Ces solutions, ainsi que toutes les autres, impliquent la participation active des producteurs et distributeurs d'énergie et des politiques plus innovantes de la part des gouvernements. Elles montrent qu'en élargissant le débat européen, actuellement focalisé sur les énergies renouvelables particulièrement coûteuses, aux méthodes plus immédiates et plus abordables, efficaces tant du côté de la demande que de la production, les objectifs de 2020 pourront être atteints plus rapidement et à moindre coût pour les consommateurs et les contribuables.
Jean-Marc Ollagnier
JEAN-MARC OLLAGNIER EST DIRECTEUR GÉNÉRAL DU SECTEUR ÉNERGIE ET RESSOURCES NATURELLES D'ACCENTURE EN EUROPE.
mardi 17 août 2010
Réduire le coût de la transition vers une économie décarbonée
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