C'est une véritable plongée au coeur du mal français. Dans son rapport consacré aux niches fiscales sur l'épargne, qui tient en 43 pages, l'Inspection générale des finances montre comment une volonté politique mal appliquée peut déboucher sur un formidable gâchis. Des objectifs mal définis au départ. Une absence d'évaluation au final. Entre les deux, une sédimentation de dispositifs concurrents -ou contradictoires. Des dispositifs inefficaces, comme la vingtaine de niches qui attirent des montants dérisoires vers les placements en actions. Des effets pervers. Une effroyable complexité, qui fait par exemple que des dizaines de milliers de contribuables se précipitent chaque année sur un prélèvement libératoire qui leur coûte in fine plus cher que le régime commun. Une industrie financière qui s'en met plein les poches au détriment des particuliers et de l'Etat. Et au final, une addition salée : les cinquante niches explorées par les hauts fonctionnaires de Bercy ont coûté 11 milliards d'euros aux finances publiques en 2008, un chiffre à rapprocher des 200 milliards d'euros épargnés par les Français cette année-là. Tout se passe comme si l'Etat devait dépenser un euro pour convaincre un Français de mettre 20 euros de côté. Ce rendement de l'incitation fiscale à épargner est pitoyable. Il l'est d'autant plus que les Français placeraient tout de même beaucoup d'argent sans cette longue rangée de niches, car beaucoup d'entre elles exercent leurs effets non sur les montants épargnés, mais sur leur affectation.
Si le gouvernement voulait vraiment lutter contre le mal français, s'il en avait les moyens, il tirerait les conséquences de ce rapport qu'il a lui-même commandé. Il définirait trois ou quatre objectifs -l'encouragement de l'épargne retraite, le financement des PME, les missions allouées au Livret A (seul dispositif trouvant grâce aux yeux des rapporteurs). Il supprimerait dans la foulée 8 ou 9 milliards d'euros d'allégements fiscaux, en passant outre aux aboiements des « teneurs de niches ». Et si d'aventure l'épargne baissait, il s'en réjouirait, car cela signifierait que les Français consomment davantage. Mais il n'est hélas pas impossible que ce document aille s'entasser dans l'immense bibliothèque des rapports qui auraient pu sauver la France. Sans que l'on sache si cette mise au rebut vient d'une équipe gouvernementale trop affaiblie pour lancer une réforme fiscale après trois ans au pouvoir, ou de la volonté de préserver les centaines de milliards placés par les Français dans leur dette publique.
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