Ce n'est pas une surprise. Le président de la République n'avait pas d'autre choix. Malgré le pape. Malgré les réserves de plus en plus nombreuses au sein de sa propre majorité. Malgré les commentaires sévères du Times ou des quotidiens américains... Que pouvait-il faire d'autre que de soutenir bruyamment les mesures sécuritaires de Brice Hortefeux et les expulsions de Roms ? S'il ne le faisait pas, s'il avait choisi la discrétion, s'il avait seulement montré l'ombre d'un doute, il était laminé : cela équivalait à l'aveu d'un excès. D'un abus. Impossible.
La stratégie qu'a choisie le chef de l'État l'oblige à aller toujours plus loin, toujours plus en avant, pour justifier le démantèlement musclé des camps et le ciblage d'une communauté parmi d'autres. Voilà maintenant que l'Élysée met sur la table des statistiques spectaculaires sur l'augmentation phénoménale des délinquants roumains. Et tant pis si la divulgation de ce genre de comptage par nationalité est inédit ! Elle apportera un élément de preuve irréfutable.
Car il en va, en effet, de la « loi », qui doit être respectée. Personne n'a prétendu qu'elle ne devait pas l'être mais on fera comme si. Nicolas Sarkozy fait semblant de ne pas voir que c'est l'esprit des reconduites à la frontière, et les méthodes employées, plus encore que les mesures elles-mêmes, qui choquent et provoquent une large réprobation. Cette - comment dire - « instrumentalisation » de faits bien réels pour flatter les réflexes xénophobes d'une partie de l'opinion, qui provoque « une certaine inquiétude » de la commission européenne, saisie, pourtant, par le Premier ministre lui-même.
A Bruxelles comme ailleurs, personne, pourtant, ne doute de la réalité du dossier Rom. Si l'Europe ne peut pas non plus se contenter de déclarations d'intention, elle rappelle sagement que rien ne pourra être réglé par des coups à l'emporte-pièce avec des dispositifs estivaux aussi imprégnés de manifestes arrière-pensées électorales qu'inopérants.
Le niqab au printemps, les Roms à l'automne. Les urgences élyséennes sont tout de même très sélectives - un segment étroit, diraient les gens du marketing - dans une période où la France doit faire face à des défis autrement plus décisifs pour son avenir. Le président préfère entretenir sciemment cette polémique interminable. S'il savait comme on préférerait parler d'autre chose.
Olivier Picard
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