Au soir du congrès de Reims, en novembre 2008, personne n'aurait parié un caramel (mou) sur l'avenir de Martine Aubry à la tête du PS. Victorieuse par défaut, elle semblait avoir perdu toute chance de redresser la barre du bateau ivre qu'était devenu le parti. C'était compter sans le caractère de la maire de Lille.
Vingt mois plus tard, celle que la droite se plaît à nommer « la dame des 35 heures », pour mieux la marginaliser, s'est imposée à la fois comme la principale opposante du pouvoir, mais surtout comme la patronne des siens, le second défi étant bien plus périlleux à réussir que le premier... C'est bien elle qui, aujourd'hui, fait triompher sa règle du jeu. Pas de primaires avant le congrès et plus de cumul des mandats. En principe... Il lui a bien fallu, en effet, lâcher du lest pour calmer « ses » sénateurs vent debout contre une réforme qui, à leurs yeux, pourrait leur coûter la prise historique du Palais du Luxembourg aux sénatoriales de 2012. Un gros recul par rapport à sa position radicale, même s'il a les apparences d'un petit retrait. Mais c'était le prix à payer que cette professionnelle de la politique accepte froidement de payer.
En dépit d'une carrière déjà longue, la première secrétaire du PS croit pouvoir incarner la rénovation qu'elle propose aux socialistes. Étonnant exercice dialectique, tout de même, pour cette routière aguerrie que de porter le renouvellement d'un socialisme mitterrando-jospinien dont elle reste l'héritière. Un archétype.
Évidemment, elle ne désespère pas d'aller jusqu'au bout de sa logique. La présidentielle. Ceux qui imaginent encore qu'elle pourrait laisser gentiment la place de candidat à un DSK au nom de l'efficacité se mettent le poing dans l'oeil jusqu'à l'omoplate. Avec beaucoup de sang froid, elle ne s'affole pas de la popularité du président du FMI parce qu'elle la sait cosmétique : elle ne résistera pas au grand lessivage que constitueront les primaires.
Ce que veut Martine Aubry, c'est arriver en position de force, voire dominante, à ce rendez-vous décisif. Si elle l'aborde en tenant la maison de la rue de Solférino, elle bénéficiera d'un avantage stratégique et logistique dont elle saura se servir, avec l'habileté parfois meurtrière qu'on lui connaît. Distancée dans les sondages - et même à l'intérieur de la gauche - par son vieil adversaire, elle est décidée à l'attendre de pied ferme. Au discours plutôt libéral et subtilement moderne de « Dominique », « Martine » oppose une approche plus classique, plus rugueuse, plus compatible avec la gauche de la gauche et les Verts, mais plus idéologiquement marquée, aussi. Elle s'accroche aux fondamentaux de l'opposante intransigeante jusqu'à la facilité. Au risque de limiter la liberté de conception de l'autre France qu'elle prétend imaginer.
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