TOUT EST DIT

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jeudi 17 juin 2010

La fin d'un tabou


Ceux qui doutaient - non sans arguments - de sa vraie capacité à réformer devront sans doute se faire une raison. En sifflant la fin de la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy peut enfin espérer accrocher à son bilan une grande réforme emblématique. Quitte à renier au passage quelques solides engagements sur le statu quo de l'âge de la retraite, sur la non-augmentation des impôts, le maintien absolu du bouclier fiscal.

La réforme des retraites pour Sarkozy c'est, toutes proportions gardées, les 35 heures de la gauche... et de Martine Aubry. Un totem. Si l'essai est transformé à l'automne, le Président aura, enfin, le marqueur de rupture qui lui manquait, un bon viatique en tout cas pour mener campagne électorale. Car il ne faut pas s'y tromper. Cette réforme est aussi d'essence politique. Ce qui explique son ambivalence. Ses audaces symboliques : la fin des 60 ans. Ses timidités calculées : pas touche aux retraités. Ses ciblages opportuns : le coup de pouce aux petites retraites des agriculteurs. Et ses évidentes limites : la convergence privé-public reste largement au milieu du gué, le chantier d'un régime unifié des retraites hors sujet.

Prévendue à l'opinion avec un savoir-faire médiatique incomparable - les syndicats l'ont appris à leurs dépens - la réforme répond-t-elle aux objectifs d'efficacité et d'équité, fixés par ses propres concepteurs ? À voir. Sous réserve qu'elle ne soit significativement revue, la copie gouvernementale laisse encore beaucoup à désirer. Côté efficacité économique, elle s'appuie sur le scénario d'un reflux du chômage à 6,5 %, en 2018, qui paraît pour le moins optimiste. Jamais enregistré depuis pratiquement trente ans, peu réaliste dans le contexte de la compétitivité française, peu compatible également avec le manque de souffle des mesures en faveur de l'emploi, notamment des seniors.

Côté justice sociale, la réforme, en l'état, accentue la discrimination entre les populations épargnées - retraités et régimes spéciaux -, celles qui ne sont somme toute que peu sollicitées - hauts revenus, entreprises - et celles qui paieront plein pot : les salariés en général ; les métiers longs, précaires et pénibles en particulier.

Ainsi, le gouvernement trace hardiment sa route et sa réforme sans chercher à composer avec les forces réformistes du pays. Il peut en espérer un regain de crédibilité et de profit auprès de militants et de partisans parfois orphelins de politique de réforme. Il devrait en tirer aussi quelques dividendes de relative sagesse gestionnaire auprès de Bruxelles et des marchés. Pas vraiment inutiles par les temps qui courent.

Encore faut-il franchir tous les obstacles. À l'approche de l'été, les syndicats n'ont pas la main très ferme. Leur esprit de mobilisation semble, lui aussi, se préparer aux vacances. Alors que l'opposition socialiste, elle, a le plus grand mal à accorder ses violons sur une partition réaliste et renoue même parfois avec des accents idéologiques d'une autre époque. Le péril, si péril il y a, attendra sans doute l'automne. D'ici là, personne ne peut anticiper l'évolution d'une opinion qui semble aussi dubitative sur la réforme que résignée sur sa mise en oeuvre. Ni acquise, ni mobilisée. Suspense.
Paul Burel

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