TOUT EST DIT

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lundi 19 avril 2010

L'Église mal aimée ?


En Europe et en France, l'Église catholique semble devenue l'objet privilégié des attaques contre les religions. Le pontificat de Benoît XVI est souvent résumé par une série d'initiatives et de propos qui ont attisé les critiques. Dans ce contexte dégradé, sont venues au premier plan les affaires de prêtres pédophiles, avec le paradoxe que le pape qui a le plus fait pour éradiquer cette horreur, finit par attirer sur lui les soupçons. Et le clair témoignage du cardinal Schönborn, primat d'Autriche, sur l'action du pape dès 1994, alors qu'il était cardinal et tenta de mobiliser le Vatican sur le drame des prêtres pédophiles, le prouve.

La série des scandales continue, les nouveaux réactivant les plus anciens, comme dans un engrenage infernal. Ainsi début avril, un prédicateur bien mal inspiré fit, au Vatican, un parallèle profondément choquant entre le traitement médiatique fait au pape et les souffrances dues à l'antisémitisme. Ce propos, bien que désavoué, est révélateur de la plus mauvaise réponse : placer l'Église en victime, ce qui choque, car les vraies victimes sont ainsi négligées. Plus récemment, le n° 2 du Vatican affirmait un lien ¯ démenti par tous les experts ¯ de cause à effet entre l'homosexualité et la pédophilie.

Ces critiques expriment aussi quelque chose d'important sur ce que le monde contemporain attend de l'Église. Pourquoi est-on plus sévère avec les prêtres pédophiles, que vis-à-vis de tous les autres cas de pédophilie, leur immense majorité ? C'est que croyant ou non, on attend des Églises beaucoup plus que d'autres institutions dépositaires du message du Christ ; on attend des institutions chrétiennes qu'elles témoignent par ce qu'elles sont, par ce qu'elles font. Bref, la virulence particulière de la critique est ici le signe d'une terrible déception par rapport à une institution qui devrait donner des garanties d'humanité plus fortes que d'autres.

La bonne réponse aux mises en cause devrait s'inspirer de l'éloge de la jeunesse de l'Église, qu'a formulé le cardinal Martini (1). Pensons aussi aux appels à l'ouverture de l'archevêque de Poitiers, Mgr Rouet, dans son livre revigorant (2). Pensons aussi à l'appel à une nouvelle inscription de l'Église dans la société sécularisée, que lance ce grand texte, proposé par les évêques de France, et publié récemment sous le titre « Entre épreuves et renouveaux, la passion de l'Évangile » (3). On y lit notamment : « Il n'y a aucune incompatibilité de principe entre la société laïque et l'inscription de l'Église dans cette société, mais il y a urgence à discerner quels déplacements doivent s'opérer dans la culture catholique, pour pratiquer effectivement ce travail d'inscription. »

Derrière la virulence de certaines critiques, l'Église devrait apprendre à voir, bien mieux qu'une volonté de dénigrement, l'expression d'une espérance déçue, d'un appel à plus d'humanité au nom de l'Évangile.

(1) Carlo Maria Martini, Le rêve de Jérusalem (DDB Éditions).

(2) Mgr Albert Rouet, J'aimerais vous dire (Bayard).

(3) Rapport de Mgr Claude Dagens à l'assemblée des évêques, Entre épreuves et renouveaux, la passion de l'Évangile (Bayard, Cerf, Fleurus-Mame).

(*) Philosophe, auteur notamment de Inscription chrétienne dans la société sécularisée (Parole et Silence).

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