TOUT EST DIT

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jeudi 1 avril 2010

Le pouvoir a besoin de crédit


La débâcle des régionales a deux conséquences inattendues : elle libère la parole des députés de droite qui craignent pour leur réélection. Et elle fait germer l'idée, très nouvelle, que Nicolas Sarkozy ne serait plus le candidat unique et automatique à sa succession.

La désacralisation du dogme élyséen et les critiques du style présidentiel, du mode de gouvernance et de la hiérarchie des réformes nourrissent une fronde emmenée par trois anciens Premiers ministres et par les présidents de groupes. Elle se cristallise autour de mesures fiscales, considérées comme indécentes après dix-huit mois de crise.

Il fallait être naïf pour penser que le Président ferait plaisir à la gauche au point de renoncer au bouclier fiscal. Les députés, reçus hier soir à l'Élysée pour « clore le deuil » électoral, en ont vite eu la confirmation à travers un long exercice de justification. Effacer LE « marqueur » du quinquennat aurait été contraire à la psychologie de Nicolas Sarkozy. Abandonner un symbole aussi fort aurait valu aveu de faiblesse, au risque de compromettre la suite des réformes ¯ fiscalité écologique, procédure pénale, collectivités locales... ¯ d'encourager les ardeurs rivales et d'éloigner l'électorat le plus fidèle.

Mais ce bouclier fiscal est devenu à la fois un message politique et un luxe budgétaire indéfendables. On imagine mal, au milieu des gravats sociaux de la crise, l'État signant, sans rien faire d'autre, un chèque de 337 000 € à chacun des mille plus gros contribuables. L'Europe ne comprendrait pas que l'on laisse dériver des comptes que la moindre hausse des taux d'intérêts rendrait ingérables.

Mais on focalise beaucoup sur cet arbre symbolique qui cache l'immense forêt des réalités. Ce ne sont pas ces 600 millions de manque à gagner qui expliquent les 145 milliards de déficit public et les 1 490 milliards de dette. Les élus de droite s'interrogent ¯ ou ne s'interrogent déjà plus ¯ sur l'efficacité des milliards offerts aux restaurateurs, aux utilisateurs d'heures supplémentaires, aux héritiers dispensés de droits de succession... Autant de cadeaux qui n'ont pas même déclenché de reconnaissance électorale.

Pour réparer la panne de crédit politique et financier, il faudra envoyer des signes et trouver de l'argent. La réduction de la dépense publique, confirmée hier soir, ne suffira pas. La réforme des retraites, même en ayant le courage d'aligner le public sur le privé et d'en finir avec les régimes de complaisance, ne réglera pas tout.

La France ne s'en sortira pas sans toucher à tout ou partie des 50 milliards d'exonérations qui font de sa fiscalité un gruyère. Elle devra rendre ses barèmes supportables par les classes moyennes qui concentrent la charge de l'impôt. Elle devra taxer davantage les plus-values, voire fixer un plancher qui éviterait qu'un riche ne paie rien. Pour financer la dépendance autrement que par l'assurance privée, il faudra sans doute augmenter la CSG et la CRDS, hausse dont sont protégés les 16 000 bénéficiaires du bouclier.

L'alternative, pour Nicolas Sarkozy, est de plus en plus la même : sauver son avenir en refusant un plan d'austérité, ou celui du pays en réduisant une dette qui coûte plusieurs points de croissance. L'enjeu dépasse de loin le bouclier fiscal, politiquement explosif, mais budgétairement anecdotique.

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