TOUT EST DIT

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samedi 12 décembre 2009

La résistance opiniâtre des dissidents chinois

Un an après le lancement de la Charte 08, initiative politique en faveur de la démocratie la plus significative de ces dernières années, le mouvement de défense des droits de l'homme en Chine donne l'apparence d'être en pleine déroute. Liu Xiaobo, celui des initiateurs de la Charte que la Sécurité publique avait choisi d'arrêter, pour donner l'exemple, deux jours avant la publication en ligne du document, vient de se voir signifier, après un an de détention, le crime dont on l'accuse : incitation à la subversion de l'Etat.
Le rapport d'enquête remis par la Sécurité publique au parquet insiste sur le fait que Liu Xiaobo "s'est livré avec d'autres à l'acte criminel majeur de rédiger la Charte 08". Cette formulation pourrait ouvrir la porte à des ennuis de tout ordre contre les 300 signataires initiaux, voire les 9 000 autres qui ont ajouté leurs noms à la déclaration qui continue de circuler en ligne, selon l'ONG China Rights Defenders, basée à l'étranger.

Selon Mo Shaoping, l'un des avocats de M. Liu, le tribunal a au maximum un mois et demi pour ouvrir le procès : "Je vais plaider l'innocence de Liu Xiaobo en m'appuyant sur les lois chinoises, et j'ai confiance de pouvoir en théorie faire valoir ses droits, nous dit-il. Mais dans la pratique, ni le juge ni le président du tribunal ne sont responsables de l'issue du procès. Non seulement on n'a pas de soutien des médias, mais le système judiciaire en Chine est dépendant du pouvoir politique", reconnaît ce vétéran des procès de dissidents. Un de ses confrères explique qu'il s'agira de démontrer que ni l'acte ni le mobile ne justifient l'accusation de subversion, et que l'intellectuel, déjà plusieurs fois emprisonné par le passé, ne fait qu'user de sa liberté d'expression, garantie par la Constitution.

Nombreux à avoir signé la Charte 08, les avocats des droits de l'homme voient s'accumuler les tracasseries dans l'exercice de leur profession. La visite en Chine du président Obama mi-novembre les a déconcertés : "Il est non seulement président des Etats-Unis, mais lauréat du prix Nobel. Or, l'absence de soutien explicite en faveur des droits de l'homme ne correspond pas à l'esprit du Nobel. Je suis non seulement déçu, mais en colère", dit l'ex-avocat Teng Biao, signataire de la Charte 08, et interdit d'enseignement en raison de son engagement.

Pourtant, tout porte à croire que le mouvement démocratique et la société civile qui le nourrit, n'ont pas dit leur dernier mot. Depuis les Jeux olympiques, la succession de dates sensibles (les 20 ans de Tiananmen en juin, puis les 60 ans de la Chine en octobre), prétexte à des mesures extrêmement liberticides, a pris fin. Le Parti communiste en a certes profité, notent les observateurs, pour perfectionner son système de "prévention et contrôle" des débordements, avec l'instauration de comités de stabilisation à différents niveaux, et la rénovation de son système de surveillance et d'espionnage.

Mais la formidable capacité d'adaptation de ce que le chercheur Nicholas Bequelin, de l'ONG Human Rights Watch, décrit comme le premier "parti léniniste darwinien" de l'histoire, est de plus en plus mise au défi, soutient-il, par des citoyens mieux informés et revendicatifs, face à des conflits d'intérêt impossibles à dissimuler et un passif socio-économique qui s'alourdit.

Les signes d'insoumission, et leur théâtralisation par l'Internet, ont le vent en poupe : à Shanghaï, le jeune écrivain et blogueur Han Han, au statut de pop star, a pris fait et cause pour une famille expulsée - sujet autrefois tabou. Le sort des pétitionnaires, les violences dans les prisons, et les atteintes à la liberté d'expression, qui interpellent depuis longtemps la presse étrangère, gagnent tout à coup la conscience collective chinoise, et font débat, via les médias les plus audacieux, dont l'Internet. Feng Zhenghu, un activiste de Shanghaï muni d'un passeport chinois, mais bloqué depuis le 4 novembre à l'aéroport de Narita à Tokyo, car la Chine refuse de le laisser rentrer, bénéficie d'un soutien croissant sur le Web chinois. Vêtu d'un tee-shirt où il a écrit qu'il veut "rentrer à la maison", il s'exprime via le site de microblogs Twitter sur lequel il décrit son quotidien de réfugié et la lâcheté du gouvernement chinois. Il parvient à embarrasser comme personne l'hôte de l'Exposition universelle prévue à Shanghaï en 2010.
Brice Pedroletti

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