TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 26 décembre 2009

Amnistier ou punir, que faire face à l'évasion fiscale ?

Les "performances" du fisc italien feront-elles réfléchir en France ? Mercredi 23 décembre, lors de sa conférence de presse de fin d'année, Giulio Tremonti, le ministre de l'économie, avait le visage ravi de celui qui vient de trouver un trésor. Un "trésor" de 80 milliards d'euros et sans doute davantage. Soit le montant des capitaux régularisés en Italie grâce à l'amnistie fiscale en vigueur depuis le 15 septembre, permettant aux "évadés" de rapatrier les biens (capitaux, titres, bijoux, yachts...) placés à l'étranger moyennant une taxe libératoire de 5 %. Ces estimations laissent même espérer un pactole encore supérieur, de l'ordre de 100 milliards à 110 milliards d'euros.
L'Etat italien a ainsi récupéré 4 milliards d'euros d'impôts, qui ont permis d'abonder pour moitié de la loi de finances 2010, votée définitivement en début de semaine. Les deux précédentes lois d'amnistie de 2000 et 2002 n'avaient rapporté que 2 milliards.

Devant ce succès, le gouvernement italien a décidé de prolonger cette mesure. "L'accumulation des capitaux rapatriés est allée au-delà de notre capacité à les traiter, c'est pourquoi nous avons été obligés de prolonger l'amnistie fiscale", a justifié le ministre. Mais le temps des soldes est terminé. Les prochains candidats au retour de capitaux devront acquitter une taxe de 6 % de la somme rapatriée jusqu'à la fin du mois de février, puis de 7 % de début mars à la fin du mois d'avril, date à laquelle la loi d'amnistie fiscale devrait prendre fin.

Cette mesure a été durement critiquée par l'opposition, qui y a vu une forme de "prime" à la malhonnêteté, dans un pays où chaque année, plusieurs centaines de milliards d'euros échappent au fisc du fait de l'évasion fiscale et du travail au noir. Mais pour M. Tremonti, la question n'est pas de savoir si la loi est "éthique ou non" mais si elle est efficace. Même si la mesure n'avait rapporté que deux euros, elle aurait été un succès, aime-t-il répéter.

QUELQUES "ACROBATIES"

Une démarche radicalement différente de celle employée en France, qui se veut plus "morale" et offensive... mais bien moins efficace. En août, Eric Woerth, le ministre du budget, a évoqué un fichier, issu de la banque HSBC en Suisse, de quelque 3 000 présumés évadés fiscaux, qui représenteraient des capitaux de l'ordre de 5 milliards à 6 milliards d'euros. Quant à la cellule de régularisation des avoirs dissimulés à l'étranger, ouverte en avril et jusqu'au 31 décembre, elle a, à ce jour, rapporté à l'Etat 500 millions d'euros d'impôts, indique-t-on à Bercy.

"En agissant ainsi, la France fait plus qu'une faute", estime Gérard de Bartillat, ancien président de la banque privée HSBC en France, favorable à une loi d'amnistie. "Nous allons perdre des dizaines de milliards, l'équivalent d'un gigantesque plan de relance", affirme-t-il. Selon lui, les capitaux illégalement exilés en Suisse représenteraient plus de 100 milliards d'euros, "dont au moins 10 milliards pourraient directement tomber dans les caisses de l'Etat grâce à une taxe appliquée sur le modèle italien". De quoi soulager un déficit public colossal.

La comparaison avec l'Italie est d'autant plus logique aux yeux de certains que la méthode française, même si elle se veut plus honnête, est juridiquement contestable. Pour Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, le ministre du budget a même sans doute fait quelques "acrobaties" au regard du droit. "On se demande encore si cette liste a été achetée, et comment elle a été obtenue", indique-t-il. Or, rappelle M. Daoud, "une obligation de loyauté s'impose à l'administration fiscale. Il est interdit de notifier un redressement fiscal en évoquant une preuve qui aurait été achetée ou provenant de source anonyme".

La démarche, d'ores et déjà à l'origine d'un incident diplomatique avec la Suisse, a obligé la France à s'engager, le 21 décembre, à remettre le fichier original contenant les 3 000 noms. Cette remise en question de la procédure pourrait, selon les experts, servir d'appui à la contestation d'autres procédures.

"Ce n'est que du bruit", estime pour sa part Eric Woerth. Selon lui, la procédure française est tout à fait légale et va se poursuivre. "Le fichier évoqué, transmis par la justice, est exploitable et sera exploité", assure-t-il. Selon le ministre, une amnistie fiscale n'était de toute façon "pas supportable socialement". "Notre démarche est différente de celle de l'Italie, précise M. Woerth, elle est plus juste et plus morale, même si elle est plus difficile."

"MACHINE À ÉVASION"

En outre, même si les 80 milliards d'euros italiens frappent les esprits, l'amnistie se révélera, selon lui, "une machine à évasion". Le dispositif provoquerait en effet une sorte d'aléa moral laissant penser que l'évasion fiscale n'est que faiblement, voire pas du tout, punie. Les 80 milliards rapatriés pourraient au final susciter d'autres fuites de capitaux. L'Italie en est d'ailleurs à sa troisième amnistie fiscale.

"La cellule de dégrisement est un échec, la méthode de M. Woerth empoisonne nos relations avec la Suisse, mais un vrai dispositif antifraude a été mis en place", juge aussi Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'économie. "La méthode italienne n'est pas un exemple, l'on ne peut "blanchir" des fraudeurs qui n'hésiteront pas à repartir", explique-t-il.

Et si la Suisse est ponctuellement ennuyée par le départ des capitaux italiens, estime M. Sapin, elle est sans doute plus inquiète de la menace française de lever le secret bancaire, qui pourrait mettre terriblement à mal sa réputation auprès des grandes fortunes.
Claire Gatinois et Philippe Ridet (à Rome)
LA CHASSE AUX SORCIÈRES FOMENTÉE PAR ERIC WOERTH NE RÉSOUDRA PAS LE PROBLÈME DE L'ÉVASION FISCALE, AU CONTRAIRE. LA SEULE MÉTHODE CONSISTE À RAMENER L'ASSIETTE À 40% POUR TOUS LES MÉNAGES

LES SPÉCIFICITÉES SOCIALES DOIVENT, ELLES AUSSI, ÊTRE PRISES EN COMPTE.

UN ÉTAT GLOUTON FAVORISE L'ÉVASION FISCALE.

0 commentaires: