Une partie de la famille du fondateur d'al-Qaida serait détenue par Téhéran.
La fille d'Oussama Ben Laden embarrasse l'Iran. Vendredi, le ministre des Affaires étrangères lui-même, Manoucher Mottaki, a dû l'admettre à la télévision nationale : il y a quelque temps, l'ambassade saoudienne à Téhéran lui a annoncé qu'Imane Ben Laden, 17 ans, fille du terroriste du 11 Septembre, s'était réfugiée dans ses locaux. «Elle pourra quitter l'Iran dès que l'on aura confirmé son identité», a déclaré le ministre. Ce qui ne semble pas faire de doute : «L'ambassade dit que c'était bien elle», a ajouté Mottaki, qui dit ne pas savoir «comment elle a pu pénétrer dans l'ambassade, ni même en Iran, pour commencer».
C'est la première fois qu'un officiel iranien confirme, certes du bout des lèvres, les certitudes des biographes de Ben Laden, selon qui, après le 11 Septembre, une partie de la famille du chef d'al-Qaida s'était réfugiée en Iran. Ils y seraient apparemment toujours. Détenus au secret dans un complexe surveillé par les autorités, tels des «masques de fer» modernes.
Imane Ben Laden a réussi il y a un mois à appeler au moins trois de ses demi-frères : Omar, qui vit au Qatar, Abdulrahmane et Abdallah, installés en Arabie saoudite, leur pays natal. Les récits faits par les trois hommes au Times de Londres, à la chaîne de télévision panarabe al-Jazira et au journal al-Sharq al-Awsat coïncident : Imane leur a affirmé avoir faussé compagnie à ses gardiens lors d'une des rares sorties autorisées pour faire du shopping. Tous les trois disent avoir conseillé à Imane de se rendre à l'ambassade saoudienne.
Prison secrète
La fugue de la jeune fille pourrait lever l'un des mystères entourant Oussama Ben Laden. Dans la prison secrète se trouveraient toujours, outre Oum Hamza, l'un des femmes du terroriste, six de ses enfants et onze de ses petits-enfants. «Je ne savais même pas s'ils étaient vivants», a déclaré Omar Ben Laden. Selon Imane, le groupe a quitté l'Afghanistan, alors repaire d'Oussama, juste avant les attentats du 11 Septembre. Ils auraient marché jusqu'à la frontière iranienne, où les autorités les auraient embarqués vers un complexe immobilier surveillé, où ils sont bien traités. Mais interdits de communication avec le reste du monde, l'Iran ne sachant pas trop quoi faire d'eux.
Bien des questions restent posées. D'après la jeune fille, deux des fils les plus âgés d'Oussama Ben Laden, Mohammed et Saad, se trouveraient au nombre des captifs. Des plages d'ombre subsistaient dans le destin de la famille du fondateur de la nébuleuse terroriste. Au fil des ans, la plupart des femmes et certains des quelque 23 enfants du terroriste l'avaient quitté, fatigués par leur vie d'errance, tel Abdallah, qui dirige une société de relations publiques en Arabie saoudite, ou Omar, aujourd'hui entrepreneur et marié à une Britannique.
Mais en 2001, nombre des fils et filles vivaient encore avec leur père en Afghanistan, partageant sa vie spartiate, et, selon Omar, parti en 2000, recevant une éducation limitée à l'apprentissage du Coran.
À l'approche du 11 septembre 2001, il a voulu les mettre à l'abri, raconte le journaliste américain Steve Coll, auteur d'un livre non traduit en français (The Bin Ladens, Oil, Money, Terrorism and the Secret Saudi World). «Les fils se sont divisés en deux camps», écrit Steve Coll. Une partie a décidé de rentrer en Arabie saoudite pour «mener la vie privilégiée du reste de la famille» propriétaire du plus grand groupe de BTP saoudien. Les autres «restèrent combattre avec lui» ou «se dévouèrent à sa cause depuis leur exil iranien, séparé et ambigu». La fuite solitaire d'Imane mettra peut-être fin à cette ambiguïté.
samedi 26 décembre 2009
Iran : l'étrange évasion d'une fille de Ben Laden
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