Le ministère de la Défense va examiner la demande de levée du secret défense demandée par Charles Pasqua dans l'affaire de l'Angolagate. Comment se déroule la procédure ? Qui décide? Explications.
• Les types de documents concernés. Selon l'article 413-9 du code pénal, présentent un caractère de secret de la défense nationale les «renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques ou fichiers qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion». La Présidence de la République, les services du premier ministre et tous les ministères peuvent être amenés à «classifier» des documents et non seulement le ministère de la Défense. Mais dans la pratique, l'Elysée, Matignon, les ministères des Affaires étrangères, de l'Intérieur, l'Economie ou la Santé sont principalement détenteurs de documents classifiés. Depuis juin dernier, le secret défense est également étendu à certains lieux.
• Trois niveaux de classification. «Très secret défense», «secret défense» et «confidentiel défense» : ces trois niveaux (par ordre décroissant d‘importance) sont matérialisés par l'apposition de tampons ou de marquages. Le premier ministre est l'autorité compétente pour définir les critères et les modalités des éléments classifiés «Très secret défense» qui concernent les priorités gouvernementales majeures de défense. La classification des autres éléments est de la seule responsabilité de chaque ministre, à l'intérieur de son département ministériel. Les éléments classifiés peuvent également être émis par d'autres autorités que des autorités administratives françaises. Il existe en effet des accords de sécurité liant la France à des Etats étrangers et des réglementations internationales qui permettent de classifier des éléments émis par des organisations internationales. Il s'agit notamment de l'accord de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) pour la sécurité de l'information du 6 mars 1997 ou de l'instruction 2100 d'application du règlement de sécurité du 19 mars 2001 du Conseil de l'Union européenne.
• La déclassification des documents sensibles. Seule l'autorité qui a ordonné de classer un document secret-défense peut en ordonner la déclassification. Toutefois, dans le cadre d'une information judiciaire, pour faire progresser son enquête, le juge d'instruction peut être amené à solliciter un ministère pour lui demander de lever le secret-défense sur certains documents. Le ministère concerné saisit alors pour avis la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), créée en 1998. Autorité administrative indépendante, elle compte cinq membres : deux parlementaires (un de la majorité et l'autre de l'opposition), un président, un vice-président, et un magistrat honoraire de la Cour de cassation.
La commission dispose alors de deux mois pour rendre un avis consultatif (déclassification totale ou partielle, maintien de la classification) sur chaque document. Les avis de la CCSDN sont publiés au Journal officiel dans les quinze jours suivants sa décision mais ne comportent pas les motivations de la commission. Chaque avis est accompagné d'un «relevé d'observations», réservé au ministre concerné. Il revient ensuite au ministre de décider ou non de déclassifier. Sur quelque 140 avis de la CCSDN, la quasi-totalité a été suivie par les autorités concernées.
La réforme de 2009 étend le secret défense à des lieux
Le projet de loi de programmation militaire (LPM) examiné en juin 2009 prévoyait d'étendre le secret défense à des lieux, et non plus seulement à des documents, au nom d'une clarification des règles. De quoi provoquer la colère des magistrats, qui y voyaient une restriction de leurs pouvoirs d'enquête. Jusqu'à présent, la loi ne prévoyait pas le cas - rare - où un juge d'instruction ou des policiers tombaient sur des documents classifiés lors d'une perquisition. N'étant pas habilités, ils pouvaient être poursuivis pour «compromission du secret de la défense nationale».
Le projet de loi visait à combler ce vide juridique. Dorénavant, ce ne seront pas seulement les documents mais les lieux mêmes les abritant qui seront classés secret défense. Lorsqu'un magistrat souhaitera effectuer une perquisition dans un lieu sensible, il devra demander à la Chancellerie si ce lieu est déclaré comme «abritant un secret de la défense nationale». Si c'est le cas, il en informera le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) qui l'accompagnera lors de sa perquisition. Les documents classifiés saisis seront placés sous scellés dans l'attente d'une éventuelle déclassification.
Le Syndicat de la magistrature est alors monté au créneau : selon lui le projet «a été conçu à la suite d'investigations qui ont semé l'émoi dans les milieux politiques et militaires. L'instruction de l'affaire des frégates de Taïwan, la perquisition à l'Elysée dans l'affaire Borrel et surtout celle dans l'affaire Clearstream au siège de la DGSE». Finalement, un compromis est trouvé à la dernière minute entre les députés, avec la bénédiction de Matignon. Les «lieux classifiés ne le seront ainsi que pour cinq ans, l'éventuelle prolongation de cette classification fera l'objet d'une nouvelle procédure et la décision de classification du premier ministre sera rendue publique».
mercredi 28 octobre 2009
Qu'est-ce que le secret défense ?
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