TOUT EST DIT

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jeudi 6 février 2014

Vie privée-vie publique : une distinction inadéquate


Il n’est pas sûr que la distinction vie privée-vie publique, qu’on nous ressort constamment aujourd’hui en forme de séparation absolue, notamment au sujet des frasques du Président, soit la plus adéquate. Il en existait jadis une autre, sans doute plus opportune : for interne et for externe.
Les frontières entre privé et public ne sont pas, en effet, aussi tranchées. La famille, qui est par excellence le lieu de rencontre de la morale et de la politique, en est un exemple flagrant comme matière mixte. Un crime commis dans la vie privée reste un crime public. Et, même s’il n’y avait pas mort d’homme, il fut un temps où l’adultère pouvait être passible de la justice à certaines conditions. Certes, Jean Madiran aimait à dire que la loi politique ne peut et ne doit imposer de façon coercitive que ce pourquoi l’Etat peut requérir les « gens d’arme », et il ne faut pas en abuser. Elle touche le for extérieur dans des limites raisonnables, impuissante quant au for interne et incompétente en ce qui concerne une grande part du privé. L’autorité ne peut décemment envoyer les gendarmes « tenir la chandelle », selon l’expression populaire, pour voir ce qui se fait ou non dans le lit conjugal.
Immunité de contrainte
C’est assurément le droit du citoyen au respect de son intimité et à une certaine immunité de contrainteen matière morale et religieuse dans de justes limites. A moins d’un totalitarisme insupportable à la mode d’Orwell, pas plus que dans le sanctuaire de la conscience le pouvoir politique ne peut s’ingérer dans le « sanctuaire familial ». Il doit respecter l’exigence de l’amour des époux et leur autorité sur leurs enfants. Ailleurs, la politique n’est pas non plus la morale, même si elle est y ordonnée. Une certaine tolérance légale est de mise selon l’état des mœurs de la société : « C’est pourquoi la loi n’impose pas d’emblée à la multitude des imparfaits ce qui est le fait d’hommes vertueux, à savoir de s’abstenir de tout mal. Sans quoi les imparfaits, n’étant pas de force à porter de tels préceptes, tomberaient en des maux plus graves, selon le dire des Proverbes : “Qui trop se mouche, fait jaillir du sang” » (Somme théol., I-II, 96, 2).
La loi réfrène seulement les actes extérieurs « autant que leur malice peut troubler l’état de paix de la cité », explique saint Thomas d’Aquin. Lequel ajoute qu’il ne serait pas plus raisonnable pour la loi deprohiber tous les vices que de prescrire toutes les vertus, devant seulement le faire pour ceux et celles qui touchent essentiellement au bien commun : « La loi humaine ne prohibe pas tous les vices dont les vertueux s’abstiennent mais seulement les plus graves, dont il est possible à la majeure partie des gens de s’abstenir, et surtout ceux qui tournent au détriment d’autrui, sans la prohibition desquels la société ne saurait se maintenir. »
Le baiser qui tue
Un fait divers récent illustre les limites de la politique ou du moins son décalage avec la morale : cette plainte pour empoisonnement déposée par une malade du sida contaminée par son compagnon qui ne l’avait pas informée de sa séropositivité par soi-disant « pudeur » (cf. Présent du 29 janvier). Si elle n’apporte pas la preuve (au for externe) de la volonté de cet homme d’attenter à la vie de sa compagne, la justice ne pourra sans doute conclure qu’à un non-lieu dans une affaire aussi intime et personnelle qui concerne précisément la vie privée. Devant certaines formes de conduite (im)morale, la politique, ses lois et sa justice demeurent sans effet. Le baiser qui sauve (celui de saint François au lépreux) ou le baiser qui tue (celui de Judas à Jésus) échappent à leur ordre…
On ne demande pas, en somme, à la politique de se mêler directement, intimement, de la vie privée et sexuelle des gens. On lui demande, comme médiation nécessaire, de prendre en compte, favoriser et défendre institutionnellement la seule forme de vie commune, sexuellement et moralement indispensable au bien commun, qui est le mariage. Le devoir politique n’est pas d’abord de guérir la luxure mais de la réfréner, de l’obliger au moins à se dissimuler. Aussi bien dans sa politique que dans sa vie privée, François Hollande manque totalement à ce devoir, lésant aussi bien, au for externe, la dignité de sa fonction que celle de sa malheureuse concubine. Il est en cela doublement condamnable et la procédure de destitution engagée contre lui légitime.

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