jeudi 6 février 2014
Qu’est-ce que nous arrive, Monsieur Valls ?
Cette question, je me la pose tous les matins : qu’est-ce que nous arrive? Pourquoi nous sommes devenus comme ça ? Pourquoi nous sommes obligés de déballer les questions les plus intimes sur la place publique ? Un doute commence à se tortiller dans nos esprits, accompagné d’une très grande question encore… question de sens de ces manifestations. On crie à n’en plus pouvoir… et on ne nous entend toujours pas !
Les pouvoirs ne nous entendent pas.
Il y a un moyen le plus simple de faire taire un adversaire : lui coller une étiquette. Faire dévier la discussion – rien n’est plus simple pour celui qui possède l’art creux du rhétorique. Je suis contre le mariage homosexuel – Tu es homophobe. Je suis contre la procréation médicalement assisté – Tu es rétrograde et conservateur. Je pense toujours que l’histoire du prince charmant qui sauve la princesse est bonne pour mes petits-enfants. – T’es contre l’égalité des chances Prince-Princesse. Je porte un manteau matelassé. - T’es un bourge.
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a dénoncé dans « Le Journal du dimanche » l'apparition d'un « Tea Party à la française » et appelle la « droite républicaine » à s'en « démarquer clairement ». Il explique le danger de l’apparition de ce Party et en dénonce sa plateforme « négationniste » Il a raison de pointer du doigt sa fragilité face à la possible récupération par des mouvements extrémistes. Ses attaques font apparaitre clairement que « trop de messages » équivaut « l’absence de message », il vaut mieux séparer le bon grain de l'ivraie.
Ce qui ne voit pas Monsieur Valls, c’est que curieusement, il rejoint là-dessus l'ancienne égérie de la « Manif pour tous », Frigide Barjot, qui a appelé sur BFMTV à ne pas se joindre à la manifestation du dimanche 2 février. Elle a dénoncé une manif fourre-tout aux mots d'ordre radicaux et qu’«on ne peut pas mélanger les droits de l'enfant et la fiscalité » Dans son petite intervention sous la pluie battante de Paris, elle fait référence à la rencontre entre le président Hollande et Pape François, qui ont parlé, entre autres, de la dignité humaine. L’énoncé de Madame dite Barjot est plein de paradoxes : « La dignité humaine ne se défend pas dans la violence et dans les cris C’est pour cela qu’on demande que ça ne soit pas dans la rue, mais à des manifestations pacifiques, manifestations de dialogue » Reste à savoir ce qu’elle sous-entend en parlant de « manifestations de dialogue »
Ce que Monsieur Valls ne voit pas (ou s’obstine à laisser croire qu’il ne le voit pas)… ce qui ne voit pas non plus Monsieur Valls, c’est ce qu’il appelle « le tourment de la société » n’est pas agité par les forces sombres. Encore une fois on retrouve une étiquette bien collée peut faire dévier la discussion, et boucher la voie pour les « manifestations de dialogue » dont s’inquiète tant Madame Frigide Barjot.
En parlant du Jour de colère le ministre a évoqué « une fronde des « anti » : anti-élites, anti-Etat, anti-impôts, anti-Parlement, anti-journalistes... Mais aussi et surtout des antisémites, des racistes, des homophobes... Tout simplement des antirépublicains ». Et, tout de suite après, il a jugé le climat comparable avec celui des « années 1930 ». Curieuse affirmation, surtout si on connait un peu l’histoire de la France. Effectivement, les années 1930 peuvent avoir une certaine ressemblance avec nos jours. La France est lourdement touchée par la crise économique d’après la Grande guerre. Et même si le pays entre assez tardivement dans la crise, dont, apparemment, il a été protégé durant quelques années, la France est touchée par la Grande Dépression en 1931. La crise entraîne une baisse assez longue de la production industrielle, entre les années 1929 et 1935 la production industrielle recule de 25 %. Elle commence plus tard à en sortir, et en 1938 n’a toujours pas retrouvé son niveau de production d’avant la crise. Et là, c’est le tournant assez révélateur : en 1936 la France se dote d'un gouvernement de gauche qui instaure, entre autres de nombreux droits sociaux. La production n’a pas encore remplis les caisses, et on commence déjà à partager les bénéfices… Autre détail similaire est que le gouvernement est impuissant face aux bouleversements européens de l’époque, ce gouvernement a entamé un large politique d'alliance qui ne mène la France nulle part. Non-intervention à la guerre d’Espagne, signature de l’accord de Munich… jusqu’à la collaboration pendant la Seconde Guerre Mondiale et le Gouvernement de Vichy…
Ce n’est peut-être pas le hasard que cette déclaration de Manuel Valls intervient la veille du 60ème anniversaire de la manifestation antigouvernementale du 6 février 1934. C’est peut-être à cet évènement organisé par des groupes de droite et d’associations d'anciens combattants à Paris qu’il pense en parlant de « forces sombres » Mais il est difficile d’associer cette manifestation qui tourna à l'émeute sur la Place de la Concorde faisant 15 morts [et plus de 2 000 blessés, au défilé de la «Manif pour tous», hétéroclite mais pacifiste.
Le contexte est tout autre !
Il ne s’agit pas de provoquer la chute du gouvernement, mais de lui faire entendre la raison. « C'est la France qui est visée dans son idéal », annonce Monsieur Valls, en nous mettant en garde suite aux interpellations lors du Jour de Colère. Mais, visiblement, il n’a pas des mêmes idéaux que ceux de la «Manif pour tous». De tous ceux qui essayent de faire entendre raison, de stopper l’invasion rampante du gouvernement dans le comportement de tous et du chacun, dans l’éducation d’enfants, dans toute sorte de questions…. qui… auparavant… se réglaient tout simplement dans la famille.
Ni Dante, ni Shakespeare, ni Dumas n’ont suivi des cours de sensibilisation à l’égalité de chances, on ne leur a pas « enseigné » que tout le monde a droit d’aimer… Cela ne leur ait pas empêché de créer les œuvres au nom de l’Amour qui vivent dans l’esprit et les cœurs.
Et pourquoi ne pas se préoccuper de ces sentiments qui élèvent, plutôt que coller les étiquettes ?
Qu’est-ce que nous arrive, Monsieur Valls ?
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