jeudi 6 février 2014
Reniements, renoncements, changements de cap : quel capital politique reste-t-il encore à François Hollande ?
Si la désertion du PS sur les sujets sociaux et économiques ne date pas d'hier, la récente reculade du gouvernement sur la PMA/GPA représente un sérieux camouflet pour la gauche "culturelle" qui reste convaincue du bien-fondée de son projet de société. Un fait qui diminue encore le bien faible soutien populaire à l'actuel locataire de l'Elysée.
Jérôme Sainte-Marie : La première conséquence négative est bien entendu d’installer l’image d’un pouvoir faible, prompt à retirer ses projets face à la rue. Ceci entre en résonance avec une perception dominante de l’opinion, installée avant l’élection de François Hollande, et confortée par différentes affaires dont celles de l’écotaxe ou du salaire des enseignants des classes préparatoires. En second lieu, un électorat motivé par les « questions de société », c’est à dire en clair une inflexion libertaire des modes de vie, est indisposé. Ses effectifs ne sont pas infinis, mais il est fortement installé dans les villes-centre et constitue une ressource militante du Parti socialiste. En outre, cela popularise l’idée que tant la PMA que la GPA étaient des projets gouvernementaux, alors même qu’elles sont désapprouvées majoritairement par l’opinion publique.
Le dévoilement de la politique économique et sociale du gouvernement, dans une logique tout à fait différente du discours de campagne de François Hollande, aura nécessairement un coût politique et électoral. Dans son électorat, la discussion sur le bien fondé de la réduction de la dépense publique est nécessairement biaisée par le fait qu’une bonne partie en bénéficie. Par exemple, les trois quarts des fonctionnaires ont voté au second tour pour le candidat socialiste. En outre, la politique de redistribution génère une forme de clientélisme électoral, ce qui rend tout retour en arrière difficile politiquement. L’inconnue principale réside dans la force qu’aura l’argument de l’emploi, très présent dans le discours présidentiel, et qui pourrait faire accepter cette logique de compétitivité.
La campagne des municipales l’illustre, les logiques d’appareil l’emportent, à court terme, sur la cohérence politique. C’est ainsi que l’on voit le Front de gauche divisé à Paris, avec le ralliement des communistes, dès le premier tour, aux listes Hidalgo. Les partis satellisés autour des socialistes sont pour l’heure discrets. L’intérêt électoral d’un accord coûte que coûte avec le PS sera moindre pour les élections européennes, mais lors de ce scrutin les électeurs de la gauche de la gauche ont tendance à plus s’abstenir que les autres. Il faut également mentionner un obstacle idéologique majeur : lorsque les principaux tenants d’une politique de gauche y renoncent ouvertement, la crédibilité de celle-ci est directement atteinte. Par rapport à cela, le thème de la trahison convainc peu les Français.
Il y aurait là un paradoxe bien improbable. François Hollande est l’antithèse de Jean-Pierre Chevènement. Très attaché à l’Europe, fervent partisan du oui en 2005, il s’apprête à accentuer une politique bien davantage appréciée à Bruxelles ou à Londres que parmi ses électeurs peu dotés en capital économique ou social. Je crois que l’on sous-estime le choc que constituera la réduction forte et rapide de la dépense publique. Nous entrons dans une période sans précédent depuis la guerre, où l’Etat, dont on critique la difficulté à protéger complètement les Français, va assumer une volonté de moins protéger. Il y aura sans doute, et cela a déjà commencé, une réaction « patriote » et « sociale », mais il est douteux qu’elle puisse être dirigée par un Président ayant affiché une toute autre logique.
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