TOUT EST DIT

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mercredi 19 février 2014

France en crise, Allemagne au top : et dans 20 ans ?


Le "modèle allemand" est devenu un véritable élément de langage de la vie politique française. Pourtant, toutes les spécificités françaises ne sont pas à jeter et, d'après les projections, l'Allemagne a davantage de raisons de s'inquiéter. Analyse des points forts et des points faibles de part et d'autre du Rhin et de ce que les deux pays pourraient devenir d'ici 20 ans.
Nicolas Goetzmann : Les modèles économiques de la France et de l’Allemagne sont régulièrement opposés, pourtant, dans un contexte mondial, ils sont plus proches qu’il n’y paraît. Une dette élevée, plus de 90% par rapport au PIB en France, contre un peu plus de 80% en Allemagne, un poids fiscal élevé, près de 45% pour la France contre 40% pour l’Allemagne, et un niveau de richesse par habitant très proche en parité de pouvoir d’achat, soit 42 000 euros par habitant en Allemagne contre 39 600 en France, selon les données Eurostat.
Ce qui diffère très fortement entre les deux pays, ce sont les tendances à long terme. En effet, selon un rapport produit en 2012 par la commission européenne, les projections de potentiel de croissance sont de 1,7 % pour le France, contre 0,8 % en Allemagne. Etant donné que les projections font état d’un horizon à 2060, la progression totale de l’économie française serait de 120%, contre 40% pour l’Allemagne. Cet écart, variant du simple (0,8%) au double (1,7%), est principalement la conséquence de l’évolution démographique des deux pays, et qui pourrait aboutir au dépassement de l’Allemagne par la France dès 2040, en termes de PIB.
Alors que la France peut compter sur le taux de natalité le plus élevé de la zone euro derrière l’Irlande avec plus de 12 naissances pour 1 000 habitants, l’Allemagne n’enregistre qu’un ratio de 8 naissances pour 1 000. Cet écart de 50% en faveur de la France provoque dès lors ce très fort écart de potentiel de développement. Et les conséquences sont lourdes.
Tout d’abord du point de vue du budget de l’Etat, car un Etat qui ne peut croître qu’à un rythme de 0,8% ne peut dépenser autant qu’un Etat dont la croissance est bien supérieure. En tout état de cause, l’Allemagne a besoin de se restreindre bien plus que la France. Il ne peut y avoir de convergence réelle sur ce point, car les problématiques sont presque opposées. En tenant compte de l’inflation, la France peut supporter un peu plus de 3% de déficit par an sans que le poids de la dette ne soit impacté, alors que l’Allemagne ne peut tolérer un niveau déficit supérieur à 1,5%.
La situation de l’Allemagne pose un problème supplémentaire, car sa population vieillit et que les dépenses de santé et de retraites vont également aller en s’accentuant, et ce alors même que sa population active va subir des coupes franches. En 2011, la population active allemande comptait plus de 49 millions de personnes, elle est attendue à 33 millions en 2060, soit une baisse de plus de 16 millions de personnes c’est à dire 30% de moins. Comparativement, la France aura une population active stable d’environ 38 millions de personnes. Cette dynamique fait que l’Allemagne va devoir s’ajuster à un doublement du nombre de retraités par rapport à sa population active. Le ratio de dépendance démographique (nombre de personnes au-delà de 65 ans par rapport au nombre de personnes entre 15 et 65 ans) va ainsi passer de 30% à 60%, contre 45% en France d’ici à 2060. Le rapport de la commission fait ainsi état d’un accroissement du taux de dépenses relatif aux pensions dans le PIB de 24% pour l’Allemagne contre une hausse de 3% pour la France.
De plus, il faut bien constater que la France dispose d’un important potentiel d’amélioration de sa situation, justement parce que l’Allemagne a déjà entrepris de nombreuses réformes : elle n’a ainsi que peu de potentiel pour améliorer son sort. Au contraire, la France dispose de moyens pour relever ce potentiel de développement, notamment sur l’âge de départ à la retraite : en Allemagne le départ se fait à 67 ans, contre 62 ans en France.
Ainsi, bien que les deux pays puissent trouver des points de convergence sur leurs politiques économiques respectives, il serait difficile de ne pas constater les différences fondamentales entre les deux pays, car l’Allemagne se trouve être dans une situation bien moins favorable si l’on veut bien tenir compte des projections à long terme.

Le système social

Isabelle Bourgeois : On peut dire que les modèles de protection sociale français et allemand sont bien plus comparables que ce que l’on pourrait penser, le système français s’étant notamment inspiré en bonne partie des bases posées par Bismarck à la fin du XIXe siècle. Dans les deux cas il s’agit effectivement de structures de redistribution basées sur le facteur travail, puisque les salariés cotisent. Néanmoins, l’arrivée du chômage de masse à partir des années 1970 a amené ces deux systèmes à évoluer dans des directions séparées.
Pour ce qui est de l’Allemagne, le principal point fort du système social est évidemment le fait qu’il soit finançable jusqu’à l’horizon 2020 au minimum. Cela n’était évidemment pas le cas au début des années 2000 mais les différentes réformes d’ajustement ont permis de corriger cela.
Tout d’abord, les mesures adoptées sur l’assurance chômage, souvent décriées dans l’Hexagone, ont été bien pensées sur le plan technique, bien que leur coût social ait été important au départ. Si l’on peut le déplorer, il ne faut pas oublier en parallèle que le système social est toujours vu comme quelque chose d’adaptable plutôt que comme un Graal figé. Lorsque la conjoncture est mauvaise, les Allemands choisissent ainsi de reculer pour mieux sauter. Cette logique cherchait à éviter le développement d’un déficit massif de l’assurance chômage face à la hausse de l’inactivité, alors que le système hérité des années 1960 reposait initialement sur un ensemble d’aides souvent inconditionnelles dont le financement était simplement devenu impossible. Cela a donné lieu concrètement à une réduction de la durée de versement des allocations (percevables seulement sur 12 mois à l’exception des seniors) accompagné d’un système de requalification pour faciliter le retour des chômeurs sur le marché du travail.
Quant au système de retraites, le système de financement devra en toute logique être revu d’ici une dizaine d’années, en particulier si l’on prend en compte le vieillissement démographique allemand, qui est particulièrement important. Il sera ainsi nécessaire de revoir la part de la capitalisation dans un système de moins en moins viable en termes de fonds. Le développement de l’épargne retraite semble ici préférable, puisqu’une hausse continue des cotisations finira par avoir des impacts évidents sur l’emploi.
Enfin, l’autre force du modèle allemand en la matière est sa capacité à se repenser en dehors du monde politique, puisque la base des réformes Schröder s’est constituée autour des réflexions entre syndicats et milieux patronaux sur la flexibilité interne à l’entreprise.  
Le système français est à l’inverse, comme chacun sait, beaucoup plus généreux en termes de montant et de durée des allocations. S’il est fondamentalement bien pensé, son financement devient toutefois de plus en plus problématique, en particulier sur le plan de la protection chômage. De bonnes idées ont aussi vu le jour dans l’Hexagone, notamment le plan RSA activités (qui est versé aux personnes exerçant une activité professionnelle lorsque leur revenu est inférieur au « revenu garanti », NDLR) bien que des corrections soient encore souhaitables. Néanmoins, ce type de mesures, initialement plutôt bien conçues, n’ont qu’un impact très limité si le marché de l’emploi fonctionne mal et manque de souplesse. Ce manque de recul typiquement français finit malheureusement par provoquer comme on le voit bien une marginalisation continue de millions de travailleurs(le taux de chômage étant de 10.4 % au 2e trimestre 2013, NDLR). Un fait d’autant plus inquiétant lorsque l'on sait que le filet de la protection sociale est financé en grande partie par la dette, qui tourne actuellement autour de 95 % du PIB en France contre 82 % en Allemagne. On en arrive ainsi à une situation où les candidats aux aides sont trop nombreux en proportion des cotisants qui alimentent le système. Sans une meilleure santé financière, il sera ainsi bientôt difficile de vanter le « modèle sociale que tout le monde nous envie », pour reprendre une expression consacrée.

L’organisation de la vie politique

Christophe Bouillaud : Tout d'abord, les points forts allemands : 
Le système électoral représente  toutes les sensibilités idéologiques importantes du pays, et aussi a assuré - jusqu'ici tout au moins -  la formation de gouvernements stables. Tous les partis fonctionnent sur des règles de démocratie interne sans équivoque : par exemple, les militants du Parti social-démocrate ont eu la possibilité de voter sur le contrat de coalition qui vient d'être signé avec la CDU-CSU à l'automne dernier. Les fédérations régionales de ces partis fonctionnent elles aussi sur ce modèle de démocratie interne. Même s'il est dominé l'exécutif (la Chancellerie), les deux chambres (le Bundestag et le Bundesrat) restent des lieux de pouvoir et permettent un certain contrôle de l'action de l'exécutif de la part des parlementaires.
Le niveau de sensibilité du public et des médias à la révélation d'actes de corruption de la part des politiciens est extrêmement élevé : il est impossible de rester à son poste si l'on est soupçonné d'une malversation. Le fédéralisme permet non seulement de respecter quelques spécificités locales, mais aussi d'expérimenter des politiques publiques ou des alliances inédites au niveau des Lander. La société civile est forte et structurée, ne serait-ce que parce que les Eglises catholique et protestante gardent un financement et un rôle social important. Jusqu'aux dernières années, la presse disposait de vrais bases économiques, ce qui lui permettait de prendre une attitude parfois fort critique vis-à-vis du pouvoir. Plus généralement, le système de décision publique oblige à de nombreux compromis entre les deux grands partis et entre les différentes régions du pays. C'est compliqué au possible quand on entre dans les détails, mais cela permet de lisser les oppositions au fil des discussions. 

Les points forts français :
Encore plus avec l'instauration du quinquennat, le pouvoir exécutif dispose de tous les moyens de faire plier sa majorité parlementaire et d'imposer ses vues.Le système politique français reste bâti autour de la possibilité de mener une grande politique en opposition aux partis (y compris de la majorité présidentielle de départ) et aux intérêts particuliers à partir de l'Elysée. Cette possibilité, qui certes n'a pas été une réalité dans les dernières années, suppose cependant une "force d'âme" peu commune de la part du Président pour donner toute son ampleur au système.
Le Président peut recourir à l'arme du référendum et s'appuyer sur le peuple s'il le juge nécessaire. L'absence de réforme territoriale (avec le maintien des 36 000 communes) permet un maillage du territoire national qu'on ne trouve nulle part ailleurs désormais en Europe. Ce maillage permet d'assurer la continuité  de la démocratie aux yeux de nombreux citoyens, alors même que ces derniers sont méfiants envers les partis politiques, les syndicats, le Parlement. Les élus locaux - comme on va le voir aux municipales - forment encore aujourd'hui la base de la République. Par ailleurs, l'absurdité même de vouloir gérer une grande ville et une petite commune sur le même modèle institutionnel souligne aussi l'égalité des Français.
Plus généralement, comme l'a montré le résultat du référendum alsacien sur la fusion des deux départements d'Alsace,  les Français sont attachés aux vieilles structures territoriales du pays. Bien que la France ne soit pas un pays fédéral comme l'Allemagne, la vie collective dispose ainsi de territoires pérennes, dont on aurait tort de négliger l'importance. Un certain archaïsme, qui n'empêche pas les adaptations pragmatiques, est une force ignorée du pays, alors même qu'on l'admire parfois chez nos voisins britanniques. Quoique la plupart des Français de métropole l'ignorent, la République française est aussi ancrée sur l'ensemble du globe par ses départements et territoires d'Outre-Mer. Cet ancrage ultra-marin oblige finalement à avoir une vision moins "européo-centrée" de l'évolution du monde. 
Gérard Bossuat : Les points forts du système politique allemand relèvent de la stabilité politique et de l’excellence économique. Malgré les déstabilisations terroristes de la Fraction armée rouge dans les années 70-80, le système politique hérité de la construction fédéraliste de l’Etat ouest-allemand, à l’initiative des alliés occidentaux (États-Unis, Grande-Bretagne et France), a donné satisfaction. La RFA a gagné la confiance de ses alliés et voisins. Elle a pratiqué une démocratie parlementaire qui a garanti l’alternance politique ou la constitution de grandes coalitions SPD, CDU et Libéraux (FDP). Le bilan est impressionnant car depuis Adenauer (CDU) l’Allemagne a gagné la bataille mondiale de la croissance économique, réconcilié le peuple allemand avec la France entre 1950 et 1963, fait une Ostpolitik avec Willy Brandt (SPD), réussi la réunification des deux Allemagnes le 3 octobre 1990 et est devenue le premier partenaire économique dans l’UE. Le fédéralisme règle le partage des pouvoirs entre le Bund et les Länder. Il remonte à une longue tradition de balance des pouvoirs au sein du Saint Empire romain germanique. Il est intimement lié aussi à l’histoire dramatique du XXe siècle car la loi fondamentale allemande a pour but de prévenir le retour d’un nouvel Hitler.
L’observateur français de l’Allemagne contemporaine est frappé par la succession d’élections régionales et nationales, le coût financier de la démocratie (16 länder et un gouvernement fédéral), les dysfonctionnements de la subsidiarité. La  politique étrangère et de défense de l’Allemagne est bridée par la Loi fondamentale.
Le jeu des acteurs politiques allemands est fascinant pour les Français. Si la violence verbale ou les coups bas existent, il est toujours étonnant de constater qu’un accord peut intervenir entre les grands partis. En décembre 2013, un accord de gouvernement a été signé entre Angela Merkel, chancelière, (CDU), et  Sigmar Gabriel (SPD), vice chancelier et ministre de l’économie et de l’énergie. Un tel fonctionnement est inconnu en France où, sauf en temps de guerre, on pratique tout au plus l’ouverture à l’adversaire.
Faut-il admirer le système allemand  et en faire un modèle ? Il a fonctionné remarquablement, parce qu’il était adapté à l’histoire troublée de ce pays et aux contingences politiques depuis 1945. Le système politique des autres pays européens ne peuvent être définis par rapport à un modèle allemand qui n’a rien d’universel. Toutefois la capacité allemande à pratiquer la subsidiarité est un moyen de donner plus de responsabilités aux citoyens et aux élus locaux et régionaux.
Si l’on en vient maintenant au système politique français, au moins celui de la Ve République établi en octobre 1958 et révisé en 1962 pour permettre l’élection au suffrage universel du président de la République, il a facilité la stabilisation gouvernementale sur la durée du septennat puis du quinquennat. Il est facile de voir que les gouvernements de la Ve République durent plus longtemps que ceux de la IIIe et de la IVe République. Le suffrage universel direct, uninominal, majoritaire, à deux tours a donné des majorités stables.
Le système français est très différent du système allemand. L’organisation de la vie politique française est centralisée au sein de deux assemblées : l’Assemblée nationale et le Sénat, contre-pouvoir législatif et d’un gouvernement fort. Les principe de la République viennent de la Révolution de 1789 qui a mis fin d’une part à l’absolutisme , modéré par la coutume, de la monarchie et, d’autre part, fondé la société démocratique française moderne. La Révolution française a voulu légiférer pour le monde et pour l’éternité, ce qui a provoqué des réactions variées. Le système politique français est issu d’une histoire qui est celle de la Nation en un temps où elle était menacée par l’étranger, prussien, autrichien et anglais. Le roman national l’a légitimé et il est délicat de toucher aux principes fondateurs. Ainsi l’unité nationale est-elle un absolu parce qu’elle résulte d’une réunion volontaire des peuples du royaume, sanctionnée par la Fête de la Fédération de 1790 et surtout par la mort du roi. Les abandons de souveraineté au titre de la subsidiarité, notion mal connue, au profit des régions ou de l’Europe semblent faire planer une menace sur l’unité nationale. Qui nie ce roman risque de renier sa citoyenneté.
Le système politique français s’enracine donc dans l’image historique de la France : les Départements expriment la recherche de l’égalité entre Français; les communes, trop nombreuses, symbolisent le respect des libertés locales, l’Ecole publique et laïque témoigne du vivre ensemble en France malgré les croyances, les langues et les statuts différents.
Mais la prégnance de l’histoire est telle que de nombreux inconvénients se manifestent après plus de 2 siècles de convulsions politiques. Le système politique français n’est pas le moins bon des systèmes s’il convient aux citoyens ; le système administratif établi pour gouverner les Français est appelé à être réformé et démocratisé pour être plus efficace et d’un moindre coût. La crise de la représentation politique, c’est-à-dire le manque de confiance dans les élus du peuple, est liée aux transformations rapides de nos sociétés qui ont retiré aux élus le monopole de la transformation économique et sociale, car ils doivent le partager avec des sociétés multinationales redoutables, avec des entités politiques supérieures aux Etats et des réseaux sociaux qu’ils ne maîtrisent plus.
Quel que soit le système politique considéré, l’allemand ou le français, l’essentiel est de le rendre toujours plus démocratique.

La vision de l'Europe

Christophe Bouillaud : Les points forts de l'Allemagne :
L'Allemagne étant un pays fédéral, il n'est pas étonnant que l'idée d'un fédéralisme européen soit mieux comprise de l'autre côté du Rhin qu'en France. Les autorités allemandes de droite comme de gauche ont déjà proposé au cours des années 1990 un saut fédéral européen, et il semble que le gouvernement Merkel soit disposée à réitérer ce genre de propositions dans un avenir proche.
Par ailleurs, en pratique, les partis politiques allemands ont bien compris l'importance contemporaine du Parlement européen, et disposent ainsi d'un canal d'influence et d'information sur l'Europe communautaire.
Enfin, avec la crise des dettes souveraines, on a pu voir que l'Allemagne dispose désormais de ses alliés privilégiés dans l'Union avec les autres pays "créditeurs" de la zone Euro (Finlande, Autriche, Pays-Bas), et dans les relations internationales, l'Allemagne a bâti des relations privilégiées avec la Russie et la Chine, (re-) donnant une envergure mondiale à sa politique.
Par contre, il faut souligner que, sur l'avenir de l'Union, la vision des autorités n'est peut-être pas sans hypocrisie ou sans irréalisme. Les propositions fédéralistes semblent parfois faites dans l'espoir que les autres pays les refusent. Surtout, il n'est pas du tout dit que les électeurs allemands dans leur ensemble soient aussi prêts que cela à voir disparaître l'Allemagne dans une fédération européenne de plein exercice. Le jugement de la Cour constitutionnelle allemande de juin 2009 sur le Traité de Lisbonne a clairement posé le problème : s'il s'agit d'aller vraiment plus loin dans la fin de la souveraineté allemande au profit de la fédération européenne, il faudra donner la parole au peuple allemand.Or il y a tout de même un écart perceptible entre la position des autorités et l'expression de l'opinion publique. Personne ne sait trop en fait ce qu'il en ressortirait. 

Les points forts de la France :
Sur l'avenir de l'Union, la France ne peut pas accepter d'aller officiellement vers une fédération européenne de plein exercice, en effet la souveraineté nationale française doit apparaître comme intangible aux yeux des Français, mais, en pratique, les différents gouvernements qui se sont succèdés depuis 20 ans ont toujours été ouvert aux progrès vers l'intégration européenne accrue et souvent ont été moteurs de ses avancées. Cela choquera sans doute d'y voir un point fort de la France, mais, comme le montrent les exemples, aussi bien de N. Sarkozy avec le Traité de Lisbonne, que celui de F. Hollande, avec le TSCG ("Traité budgétaire"), les partis au pouvoir ont toujours été prêts  à avancer dans l'intégration européenne en dépit même de l'opinion majoritaire du peuple français. L'Etat français est pleinement européen, et accepte de décevoir le peuple français sur ce point.
Sur la place de l'Europe dans le monde, du point de vue géopolitique, la France poursuit sa politique de petite "puissance mondiale", et refuse totalement l'idée que l'Union européenne pourrait être une "grande Suisse". La doctrine reste ainsi : "si l'on ne s'intéresse pas aux affaires du monde, de toute façon, les affaires du monde s'intéresseront à nous", il faut donc ne pas les négliger, y compris sur le plan militaire. Cela devient de plus en plus théorique en raison des difficultés budgétaires du pays qui rendent difficile d'assumer seul une telle tâche, d'où l'appel pressant aux autres Européens. 
Gérard Bossuat : Entre la France et l’Allemagne il existe une histoire commune de désunion et de construction européenne. Nous sommes dans la seconde phase et tout le monde souhaite y rester.
Cela pose le problème du contenu à donner à cette construction. Beaucoup a déjà été fait depuis le 9 mai 1950 et même depuis l’appel de Briand à Stresemann en 1929 à la tribune de Genève. Les traités européens de Paris, de Rome, de Maastricht, de Lisbonne fruits du travail commun et singulièrement du travail franco-allemand ont tracé les directions à suivre. Pourtant il est de la responsabilité des Européens d’aujourd’hui à la veille d’une rencontre franco-allemande que l’on croit importante, de dire ce qu’ils attendent. Plus modestement j’aimerais insister sur plusieurs points. L’offre d’Europe est faible de la part d’Angela Merkel, tant en politique étrangère et de sécurité qu’en termes économiques et budgétaires. Les Français ont confiance dans la chancelière en taisant cependant leurs doutes concernant la politique économique en Europe. Il n’y a pas eu de relance commune, ni de projet d’innovation technologique commun. Français et Allemands sont concurrents, du moins est-ce ainsi que la relation économique franco-allemande est perçue. Sans doute est-ce un bien aux yeux des libéraux ; est-ce un bien pour l’avenir de nos pays dans l’Union européenne ? Il ressort actuellement de l’Europe  de l’euroscepticisme, du nationalisme, du repli sur soi, de la méfiance, du protectionnisme économique et culturel. Cette Europe semble bien en déclin.
Il revient à François Hollande et à Angela Merkel, à l’image des « couples » franco-allemands, bi-partisans antérieurs, Schmidt et Giscard d’Estaing, Mitterrand et Kohl, de donner un programme d’approfondissement européen fort, décisif. Il est urgent de faire des avancées : établir une union politique et budgétaire, réformer les institutions européennes actuelles qui génèrent de l’euroscepticisme par des interventions mesquines, créer un impôt commun et pour cela créer une chambre parlementaire votant l’impôt et contrôlant un ministre des Finances européen. Ces propositions viennent de la partie la plus décidée de l’opinion publique franco-allemande, puissent-elles être relayées par le président français et la chancelière allemande.

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