samedi 2 novembre 2013
Et les pauvres alors ?
Et les pauvres alors ?
Pour la romancière, le psychodrame sur la taxation à 15,5 % de l'épargne a montré que la gauche n'aimait pas les classes moyennes ni les pauvres.
Il faut remonter au 19 septembre 2013. Il restera dans les mémoires comme une misérable fausse joie, l'emblème des entourloupes d'un gouvernement aux abois devant son incapacité totale à réduire notre dette abyssale, et même, en bouquet final, de l'avoir augmentée de 41 milliards d'euros au deuxième trimestre. Ce jour-là, déclaration solennelle de Pierre Moscovici : "La pause fiscale commence maintenant. L'effort de redressement sera réalisé à 80 % par la réduction des dépenses publiques. L'objectif, que les prélèvements obligatoires diminuent." Nous y avons presque cru six semaines. Nous en avions à peu près oublié la perpétuelle conduite marche avant, marche arrière de l'exécutif. Et puis, surprise, surprise, dans la nuit du 24 au 25 octobre, l'Assemblée, désertique, voire minable (84 présents pour un projet de loi de cette importance), adopte par 62 voix contre 22 "une mesure de justice sociale", l'uniformisation du taux de 15 % sur tous les produits d'épargne, sauf le livret A. Avec prélèvement rétroactif sur 15 ans. Du jamais-vu. Du scandaleux dans l'énoncé, cette mesure étant présentée comme "une harmonisation et une simplification" selon les différents produits, exonérés d'impôt ou pas.
53 nouveaux impôts et taxes cette année
Bien sûr, nous gardons confiance en notre président. Et nous savons que si nous braillons assez fort, il va reculer. Ce qu'il fit une fois de plus pour exclure les PEA et les PEL de cette nouvelle taxe. Mais ne nous avait-il pas dit, au lendemain de son élection, lorsqu'il était joyeux comme un vainqueur, que neuf ménages sur dix ne seraient pas touchés par la réforme fiscale ? Passons par pertes et profits les 53 impôts et taxes qu'il nous a fait avaler cette année. Et qui donc, aujourd'hui, matraque d'abord les plus modestes en raclant sur les pauvres économies réalisées pour l'achat d'un crédit sur un futur logement. Ou pour s'aménager une retraite avec l'assurance-vie, transmissible aussi aux enfants. De plus, pour éviter que les épargnants ne vident vite fait leur épargne, la mesure prend effet le jour de sa présentation publique, soit le 26 octobre. C'est rompre à jamais le contrat de confiance avec l'État. Tout au moins pour ce quinquennat. Parce que, comme aurait dit Coluche, ces gens-là, donnez-leur le Sahara, et en quatre ans, ils manqueront de sable. On nous raconte que sur les 600 millions ainsi récoltés, 450 seraient allés au redressement des comptes de la Sécurité sociale. Espérons que ce gouvernement ne nous fera pas le coup de la droite, autrefois, en augmentant le coût de la vignette automobile dont le gain devait aller aux vieux - qui n'en ont jamais vu la couleur.
La gauche a oublié ses fondamentaux
La droite a implosé, la gauche n'a plus de gauche que son comportement. La parole présidentielle est décrédibilisée. Même le rapporteur du budget, le socialiste Gérard Bapt, se désolidarise du gouvernement. Il demande que l'on "remette les choses à plat et qu'on évite d'inquiéter tous les titulaires". Car l'épargne salariale était dans un premier temps elle aussi touchée. Et voilà que dans son incroyable mansuétude, le projet de budget 2014 prévoit le lancement d'un contrat euro-croissance, pour inviter les gens à bloquer leur épargne, en échange de la promesse d'un bonus fiscal. Nous allons tous nous précipiter pour souscrire et, puisque l'argent corrompt tout, nous serons enfin assurés d'être tous purs. D'autant que nous allons encore être essorés de 14 milliards supplémentaires pour la nouvelle année. Espérons que l'imposition à 5,5 % des revenus annuels de 6 011 euros ne sera pas augmentée. La gauche a oublié ses fondamentaux. Elle louvoie, elle déguise, elle ne tient plus debout que par ses maroquins. Trente-huit ministres, dont nous ne connaissons qu'une douzaine, une presque majorité en désaccord avec la politique Hollande, et pas un pour démissionner. Ayrault aussi joue le jusqu'au-boutiste en chef quand il assure que la courbe du chômage va se renverser, à preuve, "le chômage augmente, mais moins vite". Autrement dit, beaucoup de gens se noient toujours, mais moins vite.
Qu'est devenue la République et sa devise admirable, Liberté, Égalité, Fraternité ? Moscovici, Cazeneuve, Sapin et compagnie devraient se projeter La guerre des boutons, film d'Yves Robert, 1962, à nouveau dans les bacs. Et graver dans leur mémoire ce bref dialogue entre le chef de bande et Petit Gibus, lorsqu'il s'agit de faire pot commun pour racheter les boutons sans lesquels leurs culottes ne tiennent pas. Comment réunir la somme ? "L'égalité, dit le chef, c'est quand tout le monde paye pareil." Petit Gibus est indigné : "Et les pauvres alors ? Tu fais honte aux pauvres, c'est pas républicain, ça !"
Mais c'est plus que jamais d'actualité.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire