lundi 28 octobre 2013
Parler immigration
Parler immigration
Le site Atlantico m’a sollicité à plusieurs reprises ces derniers jours pour parler de l’immigration. Ne reculant pas devant le débat de société et donnant la parole à tout le monde – par exemple quand il m’oppose à l’expert de « Terra nova » et à un sociologue de sensibilité socialiste (je crois), il incarne un journalisme moderne et vivant. En revanche, il y a quelques années, à la suite de mon départ de l’Elysée, un grand ponte d’une chaîne de télévision nationale m’avait convié, en tant qu’ancien de l’équipe Sarkozy, à un échange discret avec la rédaction de cette chaîne pour « essayer de comprendre » notre position. Trois semaines plus tard, il m’avait rappelé, tout penaud, en s’excusant de ne pouvoir donner suite à sa démarche compte tenu d’un mouvement de protestation du personnel contre ma présence. Sans la moindre rancune, je lui avais dit : « Ne vous en faites pas, les cons et les lâches, j’ai l’habitude. » Il m’avait répondu fâché : « Moi, je ne suis ni con, ni lâche… » « Bien sûr, avais-je précisé, je ne parlais pas pour vous ! » Le sujet est extrêmement complexe à aborder, écartelé entre une dimension ultra-passionnelle et un caractère particulièrement technique. Parler d’immigration expose à se faire traiter de fasciste ou de raciste par les uns, de mondialiste minable par les autres. Les politiciens jonglent avec ce sujet explosif dans la seule perspective de leur intérêt électoraliste. Sur le droit du sol, par exemple, comment réussir à faire comprendre que sa suppression, explosive sur le plan du symbole, n’aurait strictement aucun intérêt pour la résolution de nos difficultés ? Il bénéficie aujourd’hui chaque année à 30 000 personnes nées et ayant vécu en France qui ne repartiront pas de toute façon, pour 140 à 160 000 acquisitions de nationalité française annuelles au total, dont une majorité par décret de naturalisation, c’est-à-dire par décision du gouvernement sans aucune condition de naissance en France. Que veut-on: déchirer encore davantage la société française ou tenter de régler les problèmes? La vérité, c’est qu’il faut impérativement parvenir à maîtriser et réduire sur le long terme un flux actuel d’environ 200 000 personnes chaque année, en facilitant les créations d’emplois dans les pays d’origine et en contrôlant mieux les frontières. Je regarde l’immigration comme un sujet essentiel pour l’avenir, bien qu’à mille lieues de mes centres d’intérêt personnels. Ce que j’écris est d’ailleurs répétitif et d’une confondante banalité : un pays ne peut pas recevoir un flux migratoire excédant ses capacités d’accueil (notamment sur le marché du travail, avec 3 à 5 millions de chômeurs ) sans s’exposer à la fragmentation, c’est-à-dire la catastrophe. C’est aussi banal que de dire, en matière économique, qu’une nation ne doit pas consommer plus qu’elle ne produit sauf à tomber dans la dépendance. Mais voilà qui est nettement moins étincelant que de fustiger le droit du sol. Le système politico-médiatique préfère donner la voix aux positions extrêmes, sensationnelles et coupées du réel qu’aux tenants de la banale réalité. La banalité, par sa proximité d’avec la vérité, est en effet bien plus subversive que l’extrémisme sous toutes ses formes.
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