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vendredi 5 avril 2013

Le polar qui nous venge de la crise

Le polar qui nous venge de la crise

ÉCOUTEZ. Des banquiers décapités dans Athènes ! "Liquidations à la grecque" de Pétros Márkaris est le Prix du polar européen du Point 2013.

Au festival Quai du polar de Lyon, nouvelle Mecque planétaire du roman noir, dont Le Point est partenaire, on pouvait croiser P. D. James, Harlan CobenHenning Mankell ou encore l'Américaine de Venise Donna Leon. Et puis Pétros Márkaris le Grec, 76 ans, star dans son pays, grand humaniste, scénariste du réalisateur Théo Angelopoulos, spécialiste de Bertolt Brecht, traducteur de Goethe et immense auteur de polars.

Fantasme n° 1 de la Grèce 

Son dernier polar justement, Liquidations à la grecque, on l'a pris comme une balle en pleine tête. Parce qu'il nous plonge au coeur de la crise qui ravage l'Europe, dans cette Grèce à genoux qui va relever le menton avec ce livre qui réalise ce qui doit être le fantasme n° 1 en Grèce. Pensez, un ancien banquier est retrouvé décapité, la tête tranchée au sabre ! Et ce n'est pas fini : après le banquier, c'est un directeur d'agence de recouvrement de crédit qu'on étête, puis un responsable de hedge funds, tandis que dans la ville, placardées par un mystérieux "Robin des banques", des affiches incitent les citoyens à ne plus rembourser leurs dettes.
L'État est sur les dents. Le commissaire Kostas Charitos aussi, sorte de Maigret hellène qui a pourtant d'autres chats à fouetter - et à Athènes, des chats, il y en a beaucoup... -, notamment marier sa fille.

Comment les Grecs se sont illusionnés

Souvenons-nous d'Horace McCoy et de son On achève bien les chevaux, qui nous faisait plonger dans l'Amérique de la Grande Dépression, ou de Chester Himes, dans les années 1950, qui évoquait la vie misérable des Noirs de Harlem dans La reine des pommes, par exemple... Souvenons-nous de Simenon, qui, à travers les enquêtes de Maigret, racontait à sa manière la vie quotidienne des Français d'en bas... Le polar est bien, et ceLiquidations à la grecque le prouve, le genre parfait pour se cogner au réel. Au volant de sa Seat, Charitos mène l'enquête dans cette Athènes dévastée par la crise. On y est, on vit les manifestations quotidiennes qui bloquent les rues d'Athènes, on jure devant les diminutions des pensions, l'essence plus chère, les commerces en faillite...
Ce qui est plaisant chez Márkaris, c'est que ce n'est pas manichéen : l'écrivain montre comment les Grecs se sont illusionnés, souligne avec dépit la volée délirante de crédits qui se sont abattus sur la péninsule, la période de l'argent facile, et la mauvaise grâce légendaire des Grecs à payer l'impôt. Ce qui est bien aussi, c'est qu'on révise nos leçons économiques : les victimes étant issues de la banque ou des agences de crédit, et le commissaire Charitos ayant un peu de mal avec tout ça, il fait office de Candide, demande des explications, et ça devient limpide... Notamment quand il fait dire à une commerçante grecque qu'"au train où vont les choses, les mendiants devront bientôt, eux aussi, régler la TVA"...
"Liquidations à la grecque" de Pétros Márkaris ,édition Seuil Policiers, 336 p., 21,50 euros. 

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