TOUT EST DIT

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dimanche 3 mars 2013

La lutte des classes version XXIe siècle sera-t-elle une guerre culturelle ?


Dans un essai intitulé "La guerre culturelle aura bien lieu", le politologue Gaël Brustier décrit la montée en puissance en Europe d'une idéologie proche du "néoconservatisme américain". Dans un pays comme la France, où l'Histoire est très différente de celle des Etats-Unis, la guerre annoncée est-elle vraiment inévitable ?

Gaël Brustier publie un essai intitulé "La guerre culturelle aura bien lieu" dans lequel il décrit la montée en puissance en Europe d’une idéologie occidentaliste liée à la crise et proche du "néoconservatisme américain". D’où vient cette expression de "guerre culturelle" ?

Gaël Brustier : Antonio Gramsci, dans ses Cahiers de Prison, définissait la "Guerre de position", une Guerre visant imposer sa vision du monde. Cette "Guerre de position" est une Guerre culturelle, qui se mène par la "société civile". Evidemment, cette expression a voyagé, à gauche et à droite. Au point qu’il n’est hélas désormais plus surprenant de constater que certains à droite disent s’inspirer de Gramsci.
Buchanan, aux Etats-Unis, avaient enjoint son camp de mener la guerre culturelle contre les liberals en 1992. Le Parti communiste italien, qui était pourtant le plus brillant d’Europe, n’a rien fait pour permettre une exégèse précoce des Cahiers de Prison et donner à la pensée de Gramsci la place qu’elle méritait. Togliatti s’en est d’abord servi pour bâtir un mythe utile au PCI de l’après-guerre…
Aujourd’hui, le drame de la politique française c’est le syndrome "Gramsci ? connais pas !"...
C’est dans ce contexte que s’est développée l’idéologie de la crise. L’idéologie de la crise c’est l’occidentalisme, c’est elle l’idéologie hégémonique dans nos sociétés. Pendant quarante ans, elle s’est imposée avec la force de l’évidence. D’où la difficulté qu’il y a parfois à s’en défaire. C’est l’occidentalisme qui détermine pour l’heure la recomposition idéologique de nos sociétés et qui permet d’éviter d’aborder la question de fond : notre modèle économique. Ne perdez pas de vue cette réalité-là. Comme le dit Didier Motchane (qui cofonda le PS d’Epinay) : l’Occident est une euphémisation du capitalisme, de son monde et de son rêve. L’occidentalisme en est la version angoissée et paroxystique.
De fait, la prochaine guerre culturelle visera à sortir nos sociétés de l’obsession du déclin, de l’obsession de l’islam, de l’idée obsessionnelle d’un danger imminent menaçant nos sociétés… Il faut désamorcer les paniques morales qui animent nos sociétés. C’est un enjeu majeur pour la gauche et plus largement pour l’ensemble du pays, pour ne parler que de la France… Il faut que la gauche définisse un horizon intellectuel et politique, un horizon historique…
Guillaume Bernard : Le concept vient des Etats-Unis. Ceux-ci seraient divisés en deux selon une ligne de fracture idéologique et morale : il y aurait d’un côté les conservateurs (les « vrais américains ») et de l’autre les libéraux (déracinés) adhérant et promouvant des idées et des modes de vie inconciliables.

La situation de la France est-elle comparable à "la guerre culturelle" qui ravage les Etats-Unis ? Les "bobos", éduqué et plutôt riches, y sont pour le libéralisme social et culturel et votent massivement pour la gauche (les démocrates) tandis que "les petits blancs", hostiles aux "droits des minorités" sont plutôt pauvres et votent massivement à droite (républicain)… Dans un pays comme la France dont la construction et l’Histoire est très différente de celle des Etats-Unis, la guerre annoncée est-elle vraiment inévitable ?

Gaël Brustier : La situation française est très différente de celle des Etats-Unis. L’opposition bobos/ « petits blancs » tient de l’à peu près intellectuel, elle est extrêmement schématique, commode pour un débat public rabaissé. On suppose que les idéopôles, ces métropoles connectées à la mondialisation et bien définies par Mathieu Vieira et Fabien Escalona, rassemblent une population uniformément « bobo » et prospère et que les zones périurbaines ne rassemblent que des « petits Blancs ». C’est très réducteur et assez inepte.
Ce qui est vrai, c’est que, selon l’endroit du territoire où l’on habite et où l’on travaille on tend à traduire cette idéologie hégémonique de manière différente. On ne traduira pas intellectuellement ou électoralement l’idéologie de la crise de la même façon dans une métropole connectée à la globalisation ou dans une petite ville en voie de désindustrialisation. Entre la rue Montorgueuil et Florange, oui, il y a des différences. Cela explique, par exemple, les forces et faiblesses du vote Le Pen ou Sarkozy selon l’endroit où l’on se trouve.
 En France, le problème politique principal est la fracture électorale qui traverse les classes populaires. Les classes populaires sont aujourd’hui divisées électoralement. Plus qu’un basculement massif et univoque des classes populaires à droite, c’est surtout la modification de la carte électorale et l’importante fracture créée qui pose problème…La carte électorale du vote en faveur de François Hollande en 2012 n’est pas du tout la même que la carte du vote en faveur de François Mitterrand en 1981.
Guillaume Bernard : A propos de l’histoire de la classification des courants politiques en France à l’époque contemporaine, j’ai proposé, dans Les Forces politiques françaises, de distinguer trois périodes : la première va de la Révolution à la naissance institutionnelle de la troisième République (1875-1979), la deuxième va jusqu’à la fin des Trente glorieuses (milieu des années 1970), la troisième a débuté avec mai 68. Chacune a été caractérisée par un principal affrontement : le type de régime (monarchie ou république), le rôle de l’Etat (limité aux fonctions régaliennes ou interventionniste), le lien social (tant pour les questions d’identité que de mœurs ou de bioéthique). Aujourd’hui, l’opposition de fond se cristallise entre ceux qui préconisent une société s’inscrivant dans un ordre naturel des choses et ceux qui conçoivent tout corps social comme une construction artificielle. Il y a, par exemple, d’un côté, ceux qui défendent une identité traditionnelle de la France et, de l’autre, ceux qui acceptent ou préconisent le multiculturalisme.
Le débat parfois virulent  autour du mariage homosexuel peut-il être considéré comme le premier acte de cette guerre culturelle ?
Gaël Brustier : Je ne le pense pas. Il faut parvenir à s’émanciper un peu de l’actualité. Se focaliser sur cette question, c’est passer à côté de l’essentiel.
L’essentiel, quel est-il ? Il consiste en le développement d’une idéologie de la crise qui définit un Occident menacé dans son existence même. C’est contre celle idéologie qu’il faut lutter.
L’occidentalisme est hégémonique, il a contribué à reconfigurer les droites extrêmes, les droites conservatrices mais aussi la social-démocratie et une partie des mouvements sociaux comme le mouvement féministe ou le mouvement LGBT. Même la laïcité est détournée de son sens véritable en étant transformée en un vecteur de violence symbolique contre l’islam et éventuellement, mais de manière anecdotique, d’autres religions.
A certains égards dans cette affaire de mariage pour tous, il y a une forme de panique morale qui saisit une partie de la France à l’idée qu’un ordre symbolique soit bouleversé. Qu’il y ait une France conservatrice est un fait. C’est une réalité, ce n’est pas la seule. Il faut en revanche se défier de voir le combat culturel à mener comme une opposition entre une France des « bobos » ouverte sur les questions de mœurs et une France populaire conservatrice. Ce serait terriblement réducteur et faux. Ce n’est pas parce que les classes populaires ne placent pas le mariage pour tous en tête de leurs priorités qu’elles sont contre… Le débat fondamental ne se situe pas là…
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que la contestation tend à passer à droite. On le voit avec les Tea Parties aux Etats-Unis, on le voit avec la dernière campagne de Berlusconi. Mais cela tient surtout à la grande désorientation de la social-démocratie dans la mondialisation et à la difficulté de voir émerger des gauches radicales fortes…
Cela conforte aussi en partie l’hypothèse que je formule d’un « spontanéisme droitier ». Le « sens commun » est préempté par l’imaginaire de droite…
Guillaume Bernard : Le mariage homosexuel et l’adoption par des duos de même sexe sont particulièrement symboliques. Cependant, ce débat n’aurait pas vu le jour si, depuis les années 1970, ne s’était pas développée la théorie du genre. L’actuel débat politique n’est donc que l’aboutissement d’un affrontement intellectuel plus ancien qui s’est déroulé de manière presque invisible dans les cénacles universitaires. La guerre culturelle que vous évoquez a déjà très largement commencé. La pierre angulaire de ces questions de mœurs et de bioéthique reste l’avortement dont la dépénalisation est intervenue il y a trente ans sous un exécutif classé à droite.

Dans son livre, Gaël Brustier cite Antonio Gramsci. Pour le théoricien politique italien, toute classe qui vise à la conquête du pouvoir politique doit dépasser ses simples intérêts économiques pour prendre le leadership moral et intellectuel. A la faveur de la crise, la droite est-elle en train d’imposer son hégémonie culturelle en Europe ?

Gaël Brustier : Rien n’est acquis pour les droites. Rien n’est donc perdu pour la gauche...Néanmoins, la confusion dans laquelle se trouve la gauche au sens large, c’est-à-dire la social-démocratie et la gauche radicale également, est un facteur de ce qu’on appelle la « droitisation ». La force des droites, dans leur diversité, c’est de donner une explication du monde « du coin de la rue à Kaboul ». C’est simpliste mais il se vérifie que, dans tous les pays européens, les droites ont muté et acquis une forme de domination culturelle.
L’occidentalisme n’est pas qu’à droite mais il explique que les droites dominent puisqu’elles ont, de manière différente mais à chaque fois efficace, accompagné cette idéologie-là. La mutation du Front National est aussi liée à cette idéologie de la crise. Cela explique pourquoi l’antifascisme d’opérette est justement inopérant contre un parti qui est dangereux… différemment d’auparavant.
Guillaume Bernard : Il est certain que la prise du pouvoir politique nécessite la domination dans la production des références culturelles et « morales ». Or, la droite a d’autant plus laissé la gauche imposer ses valeurs à la société qu’elle s’est, elle-même, laissée en grande partie intellectuellement coloniser par la gauche. La reconquête doit donc être double : la droite doit renouer avec ses valeurs pour être capable de rendre à la société française son enracinement. Elle est tout de même assez loin d’y être parvenue. Cependant, le processus est en cours. Quoi qu’on pense de sa personnalité et de la manière dont il a exercé le pouvoir, la campagne de Nicolas Sarkozy pour l’élection présidentielle de 2007 a été le signe d’une droite qui s’assume de nouveau (une nouveauté depuis les débuts de la Ve République).
Parleriez-vous de droitisation de la société française et plus généralement occidentale ? Ce que l'on appelle "la droitisation" n'est-il pas tout simplement un moyen de parler aux angoisses des Français, notamment sur les questions de l’insécurité, de l’immigration et de l’islam ?
Gaël Brustier : Cette revendication de parler pour « la majorité silencieuse » est assez symptomatique des droites et de la droitisation. On voit se déchaîner des paniques morales. Les paniques morales, telles que définies par Stanley Cohen, ne naissent pas du néant. L’imaginaire collectif ne naît pas de rien. Mais les paniques morales sont des réactions disproportionnées et qui contribuent à nourrir la « droitisation ». Aujourd’hui, ces paniques morales se greffent essentiellement sur la question de l’islam, sur lesquelles la droite et l’extrême droite tentent de prospérer et sur la question duquel la gauche est mal à l’aise. On l’a vu au moment de la présidentielle lorsque Sarkozy a tenté de lier les problèmes du halal dans les cantines, des horaires réservés dans les piscines (qui n’existent pas), du voile et des mains coupées aux petites filles afghanes qui portaient du verni à ongles (histoire non vérifiée soit dit en passant).
La mondialisation, c’est un foisonnement d’identités comme le dit très justement Stuart Hall. Et face à ce foisonnement, il y a à la fois des renfermements et des paniques morales. Et puis il y a les exploitations qui en sont faites. Et il y a enfin ceux qui, à gauche par exemple, pensent qu’il faut se placer sur le même terrain que les droites pour continuer d’exister... Alors certains, à gauche, se mettent à professer un peu n’importe quoi sur les « petits Blancs », sur la « déchéance de la nationalité » ou écrivent des lettres bizarres à un patron hurluberlu américain, dont même le dernier réac' du Kansas considère que c’est un zozo. Tout ça, c’est le fruit de la confusion…
On ne défait pas un imaginaire en assénant des leçons de morale ni en niant quelque réalité que ce soit. Mais on ne défait pas non plus ce même imaginaire en tentant de le devancer, de le justifier ou de le capter. Ainsi, s’il ne s’agit pas de dire aux Français que ces problèmes sont un écran de fumée, il ne s’agit pas non plus de devancer toutes les paniques morales. Le combat culturel c’est aussi marcher sur un fil parfois !
Il existe toutes sortes de formes d’occidentalisme, des plus dégradées aux plus sophistiquées. Des chroniqueurs « néo-réacs » - ceux que j’appelle les « fachos Spontex » - à Norman Podhoretz, de l’électeur FN anti-hallal à certaines féministes anti-islam, l’éventail est vaste, très vaste mais c’est le propre d’un bloc historique majoritaire que de rassembler de larges franges de la société…
Il faut partir des réalités et bâtir un autre bloc historique. Pour cela, il faut s’émanciper de la dictature de l’immédiateté et du buzz… C’est un effort…
Guillaume Bernard : J’ai déjà eu l’occasion dans vos colonnes et dans une chronique pour votre confrère Valeurs actuelles, d’aborder cette question. Je pense que l’idée de « droitisation » n’est pas efficiente. J’ai proposé le concept de « mouvement dextrogyre », c’est-à-dire que, depuis la chute du mur de Berlin, la poussée intellectuelle vient par la droite. La « droitisation » laisse implicitement supposer que la gauche est encore au cœur de la novation des idées, ce qui n’est plus le cas : elle est en panne et son influence repose essentiellement sur des décennies d’abandon du terrain culturel par la droite. Mais, celle-ci reconquiert une partie du terrain perdu.
Les Français vivent dans une insécurité culturelle qui progresse. Elle est le résultat, d’un côté, d’un déracinement (en raison du nivellement des modes de vie par la mondialisation et d’une sorte d’endoctrinement idéologique confinant au masochisme notamment sur la question de la colonisation) et, de l’autre, d’un multiculturalisme (l’assimilation des populations d’origines étrangères ayant été un échec en admettant qu’elle ait vraiment été poursuivie). Dans la mesure où l’une des valeurs de la droite est l’idée d’héritage (et donc d’enracinement historique), elle est naturellement plus encline à défendre l’identité traditionnelle du corps social, alors que la gauche voudrait réduire cette dernière à la simple adhésion à des principes juridiques abstraits.

Aujourd’hui, la droite est accusée d’instrumentaliser les questions culturelles pour esquiver le débat économique et social. Mais d’un autre côté, la gauche n’a-t-elle pas manqué de courage sur les questions de citoyenneté et de laïcité, sur les valeurs républicaines ?

Gaël Brustier : En vérité, tout système économique crée son idéologie pour faire simple. J’émets au contraire une hypothèse, celui d’une forme de « césarisme » qui consisterait en l’application à la société d’un « verbalisme républicain » pour tenter de surmonter les contradictions de cette même société. L’usage récurrent, constant, répétitif des termes de « République », « vivre ensemble », « laïcité » etc. vise à nier un certain nombre de clivages internes à la société française et plaque une rhétorique républicaine sur une idéologie occidentaliste. Mais il s’agit, in fine, d’un verbalisme, d’une forme assez impuissante de républicanisme et pas du républicanisme… Il manque, pour l’heure, un vrai renouveau de l’idée républicaine en France. L’idée républicaine a pâti du « national-républicanisme » et, aujourd’hui, il semble qu’il faut préserver l’idée républicaine des impuissances de ce « verbalisme républicain », comme, à une époque, il a fallu, à gauche, libérer le socialisme du verbalisme molletiste.  
Guillaume Bernard : Bien qu’ils puissent naturellement être distingués, les différents aspects de la politique sont, sous l’angle philosophique, indissociables sauf à développer un discours schizophrénique. L’une des questions centrales illustrant, par exemple, la connexion de l’économie et de l’identité culturelle est la suivante : le corps social est-il un tout dépassant (et protégeant) les parties ou n’est-il que la somme des parties qui le composent ?
 Or, pour gagner une élection, un candidat ou un parti doit, d’une part, s’assurer de son électorat « déterminé » (celui qui vote sur clivage) et, d’autre part chercher à capter l’électorat flottant (celui qui se prononce en fonction des enjeux du moment). Cela conduit à segmenter le discours pour capter l’attention et l’adhésion d’un maximum d’électeurs. Il y a donc un risque non négligeable de tenir un discours global contenant sinon des contradictions flagrantes du moins des incohérences. Sur le long terme, cela peut être destructeur, les citoyens n’ayant plus de repères clairs et les partis ne jouant plus leur rôle quant à la structuration de l’opinion publique. Les hommes politiques ne seraient pas à la hauteur de leurs responsabilités s’ils ne faisaient pas l’effort, face à des enjeux d’une grande gravité (comme ceux de la démographie ou de la souveraineté) de rationaliser leurs programmes et de rappeler que les choix politiques se font en fonction de l’utilité publique et non d’intérêts particuliers.

Dans son livre Gaël Brustier évoque la « prolophobie » d’une certaine gauche. Celle-ci - et en particulier le PS - n’a-t-elle pas tout simplement abandonné le peuple ? Comment les partis traditionnels doivent-ils s'y prendre pour éviter cette fameuse guerre culturelle reconquérir l'électorat populaire qui se tourne de plus en plus vers des mouvements radicaux ?

Gaël Brustier : La « prolophobie », c’est ce réflexe qui consiste à voir dans les classes populaires un ensemble de « beaufs », racistes, homophobes, xénophobes… In fine, pour certains à gauche, il est urgent de se débarrasser d’eux… si ce n’est déjà fait. Mais il faut aujourd’hui aller plus loin que la polémique autour du rapport de Terra Nova, qui avait entériné (plus que prescrit) un changement de « coalition » électorale. C’est pour cela qu’il faut en venir au fond des choses, c’est-à-dire à la question de l’idéologie dominante et du combat culturel à mener…
Les partis de gauche doivent donc au contraire, plutôt que de le fuir, mener le combat culturel et enclencher sans attendre la guerre culturelle. Personnellement, je n’ai pas du tout envie que l’on évite cette guerre culturelle. Ce livre clame clairement « Vive la guerre culturelle ! » et l’appelle de ses vœux. C’est la condition du succès de la gauche dans la durée !
Il est courant désormais de considérer la politique, le champ électoral notamment, comme un marché. Or, le combat culturel ne consiste justement pas en l’exploitation de « l’opinion publique » et des sondages, ni en la conquête de segments d’un hypothétique marché politique…
Il consiste en l’élaboration et la diffusion d’un imaginaire alternatif. Il va surtout falloir donner un horizon nouveau : on ne peut pas mener le combat culturel contre la droite si on ne mène pas une politique économique différente de celle qu’elle entend mener ou qu’elle a mené...
La vérité est, pour l’instant, assez cruelle pour une grande partie de la gauche : elle part des mêmes postulats que les droites. Tous occidentalistes ? A bien des égards oui, même si, heureusement, il faut relativiser ce point de vue. C’est néanmoins le propre d’une pensée et d’une culture hégémoniques que d’avoir la force des évidences. C’est de cela dont il faut sortir… Et c’est un important travail pour la gauche, qui ne fait que commencer…
Guillaume Bernard : La base populaire du PS se rétrécit de plus en plus. Il semble même que celui-ci ait fait le choix, électoral et idéologique, de s’appuyer sur une mosaïque de communautés (d’où la promotion du mariage homosexuel, du droit de vote des étrangers ou encore du binôme paritaire pour les élections cantonales). Cette stratégie pourrait être interprété comme la manifestation de l’effondrement de l’idée d’intérêt général. Mais il est aussi possible de considérer que cela traduit, plus simplement, le socle idéologique de la gauche : le corps social est un artifice dont les règles de fonctionnement et de vie en son sein sont le fruit de la volonté de ceux qui le constituent.
L’artificialisme social rejette toute idée d’identité ontologique. Pour cette pensée moderne, la République, c’est la France, tandis que, pour la pensée classique, le régime politique est au service de la France. Le PS se détourne donc des classes populaires qui refusent de se laisser culturellement transformées (elles ont pu même être qualifiées de conservatrices) : elles ne peuvent plus constituer l’électorat de référence d’un mouvement politique qui se veut l’incarnation du progrès. Le problème pour la droite est de savoir si les hommes politiques qui l’incarnent ne seraient pas, en fait, pour un certain nombre d’entre eux, acquis à la même idéologie contractualiste que la gauche.

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