Tandis qu’UMP et PS s’écharpent à l’Assemblée autour du « mariage pour tous » en s’envoyant noms d’oiseaux et triangles colorés, toutes ces histoires de bagues au doigt, de PMA, de GPA et d’identité sexuelle à la carte nous ont inspiré une saillie toute chiraquienne. Y a-t-il dans ce pays une fracture sociétale ? Deux France s’affrontent bel et bien, nous dit notre rédactrice en chef Elisabeth Lévy, « non pas celle du mouvement et celle du changement, mais celle qui croit que le changement est désirable en soi (…) et celle qui demande à choisir ». France d’avant et France en mouvement « se ressemblent plus que ce qu’elles croient » et rejouent le même match Moderne contre Moderne (Muray ©) en usant du même babillage : « papa et maman » areuh areuh !
mardi 19 mars 2013
La fracture sociétale, ça va faire mal !
Le hasard fait si bien les choses que chacune des deux icônes de ces deux France ont accepté de témoigner dans Causeur. Ainsi, la ministre du droit des femmes, porte-parole du gouvernement et fervente partisane du mariage pour tous Najat Vallaud-Belkacem a courageusement répondu aux questions sans concessions d’Elisabeth Lévy. « La parenté biologique existe, mais c’est une erreur de surinvestir cette dimension » car « ce qui fait filiation, c’est le parent social » explique-t-elle, non sans citer les modèles de familles recomposées, pour défendre et illustrer la loi Taubira. Le mariage pour tous n’enlève aucun droit à personne, conclut-elle, inutile de paniquer !
La pétulante Frigide Barjot n’est pas de cet avis. Pour notre catho branchée, le mariage pour tous est l’application pure et simple de la théorie du genre au mariage, qui prive les enfants de père et de mère. Et Barjot de se défendre d’incarner l’aile catho de la droite ; elle en veut pour preuves les renforts inattendus du couple Jospin, d’un député marxiste antillais et compte bien gagner les classes populaires à sa cause.
Ni pro ni anti mariage gay, la France populaire s’en contrefiche, nous indique cependant le géographe social Christophe Guilluy. Quoi qu’en disent les ténors du PS, l’électorat de Hollande n’a pas « voté pour ça », comme dirait Audrey Pulvar. Surtout pas la frange antillaise et musulmane qui vota à gauche contre le « raciste » Sarkozy au printemps sans partager l’imaginaire sociétal de l’actuel gouvernement. Si fracture il y a, Guilluy la trace entre les gagnants de la mondialisation et les petites gens demandeurs de frontières économiques, culturelles et identitaires.
C’est que le sociétalisme est la chose actuellement la mieux partagée, droite et gauche confondues, pain au chocolat contre vote et mariage à tous les étages, ainsi que je le démontre aux côtés de Jérôme Leroy. Chacun dans leur veine, Jacques de Guillebon et Romaric Sangars s’affligent de la propension contemporaine à l’ubris démocratique, où l’égalité confine à l’indifférenciation, la technique s’allie à la marchandise pour accoucher d’une morale qui « repose uniquement sur une préoccupation de décuplement de la jouissance dont elle fait croire qu’elle n’a pas de négatif » dixit JG. Même les abstinents revendiqués du mouvement asexuel réclament leur affiliation au courant LGBT, on croit rêver ! Notre invitée du mois Marie-Noëlle Tranchant s’insurge d’un tel confusionnisme à fondement artificiel : faut-il « inscrire dans nos lois que seuls les produits humains finis, dûment labellisés « culture et société » ont droit de cité » ? Avec sa critique du livre-pamphlet contre le droit des vote des étrangers que publie Cyril Bennasar aux éditions Mordicus, Jérôme Leroy nous prouve enfin que le sociétal n’est pas qu’une affaire de braguettes. Ouf, on respire !
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