mardi 19 mars 2013
Qui est responsable de la zombification du PS ?
Thomas Guénolé : Quand un parti remporte les élections reines – présidentielle, législatives –, il a tout de suite trois problèmes.
D’abord, un problème d’audibilité. Sa parole a en effet moins d’importance politique que celle du président de la République, du Premier ministre, du porte-parole du gouvernement, des ministres têtes d’affiche, des présidents des assemblées, etc. Par exemple, ce n’est jamais le parti qui annonce de nouvelles réformes politiques : ce sont toujours les membres du parti occupant des postes institutionnels d’Etat.
Ensuite, un problème d’autocensure. Le parti est là pour soutenir en tout le gouvernement et sa majorité parlementaire, quand bien même il y aurait des courants en interne qui seraient plus critiques. Dans la sélection médiatique des messages politiques, la parole officielle du parti a donc peu voire pas d’intérêt, puisqu’elle se résume le plus souvent à dire systématiquement que l’action du gouvernement et de la majorité, c’est bien ; que les critiques de l’opposition, c’est mal. Ainsi, quand vous trouvez des exemples de parti au pouvoir très audible, c’est parce que son chef se met à critiquer le président de la République et à exprimer son propre message politique : Nicolas Sarkozy quand il avait quitté le gouvernement du second mandat de Jacques Chirac, par exemple.
Enfin, un problème d’autorité. Sauf conflit, le véritable chef du parti, c’est le président de la République lui-même. Il est alors l’arbitre en dernier ressort des désaccords internes ; c’est de lui, et dans une moindre mesure de Matignon, que le parti prend ses instructions. De fait, dans sa parole publique, le parti devient une annexe de la communication élyséenne.
L’UMP avait d’ailleurs le même triple problème pendant la précédente législature.
Dans ce contexte, si le Parti socialiste est désorganisé comme au temps où François Hollande était premier secrétaire, c’est simplement parce que François Hollande est actuellement son véritable premier secrétaire ; et parce qu’un parti victorieux aux élections reines est de suite affaibli par l’autocensure et par sa transformation en relais de communication de l’Elysée.
En aucun cas il n’est en train de tuer le PS : quand un parti a survécu au congrès de Rennes, à la déroute des législatives de 1993, et au coup de tonnerre du 21-Avril, il prouve qu’il peut surmonter bien des difficultés. En revanche, oui, François Hollande, puisqu’il est le véritable chef du Parti socialiste, est responsable, mais pas forcément coupable, de sa désorganisation croissante.
Non, il avait eu en son temps d’autres problèmes avec le parti. D’abord, il avait dû faire face aux contestations de l’aile gauche lors du « tournant de la rigueur » de 1983. Ensuite, il avait dû assister sans pouvoir l’endiguer à la montée en puissance des rocardiens dans l’appareil du parti et à leur alliance progressive avec les jospinistes. Enfin, en 1990, à l’occasion du célèbre congrès de Rennes, il avait dû subir la mise en minorité de son candidat au poste de premier secrétaire, Laurent Fabius, par l’alliance jospino-rocardienne. S’il a pu réaffirmer son leadership au moment de la présidentielle de 1988, il le doit d’ailleurs, en fait, à sa gestion de la cohabitation avec la droite de 1986 à 1988, qui a resserré les rangs socialistes autour de sa candidature comme meilleur rempart de la gauche face à Jacques Chirac ou à Raymond Barre.
François Hollande fait face, lui aussi, à des tensions internes au parti : par exemple entre l’aile sociale-démocrate dont il procède et l’aile socialiste qu’incarne Arnaud Montebourg. Cependant, le problème central reste ce retour aux conflits internes larvés entre coteries, qui avait déjà caractérisé la période où il était premier secrétaire.
Contrairement à son prédécesseur socialiste, François Hollande semble davantage s’inscrire dans la tradition de la IVe République que dans celle de la Ve. Cela peut-il expliquer certaines difficultés. Peut-on le comparer à Guy Mollet, secrétaire général du Parti socialiste (SFIO) de 1946 à 1969 et président du Conseil (février 1956-juin 1957) ?
François Hollande a effectivement été souvent comparé à Guy Mollet : un adepte des combinaisons d’appareil et des compromis entre courants, destinés à perpétuer son leadership par consensus a minima, quitte à figer des désaccords et des clivages qui exploseront plus tard. Les motions de synthèse systématiques entre courants du PS quand il en était premier secrétaire, et l’épilogue violent du congrès de Reims, semblent conforter cette grille de lecture. Pour autant, au vu de l’image laissée dans les mémoires par le fonctionnement de la SFIO sous la IVe République, qualifier cette méthode de « méthode Guy Mollet », c’est clairement choisir pour la désigner une formule connotée péjorativement.
Non, ce n’est pas le facteur décisif. Dans les mairies où le sortant socialiste se représente et a un bilan apprécié, le risque de défaite est faible : Gérard Collomb à Lyon, par exemple. Dans les mairies où le sortant socialiste a un bilan apprécié mais ne se représente pas, l’alternance peut jouer par effet d’usure : par exemple Paris, sauf bien sûr si l’UMP locale relance ses violents conflits internes jusqu’à la nausée. Dans les autres mairies, cela dépend de la sociologie électorale locale, qui crée le rapport de forces initial ; de l’existence d’une poussée suffisante du FN pour tarir les réserves de voix de la droite au second tour ; et bien sûr, de l’ampleur du vote-sanction national contre le gouvernement de François Hollande.
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