Anne Hidalgo, premier adjoint au maire de Paris, a décrété
clairement et publiquement une complicité de Marine Le Pen et de son
parti avec les nazis qui occupèrent la France, trente ans avant la
création du FN. Encore un symptôme, grossier en l’occurrence, de cette
manie insane de manipuler l’Histoire aux fins de néantiser l’autre.
Les nazis en usèrent en leur temps – et on ne saurait trop
conseiller à Mme Hidalgo de consulter des textes de leur propagande.
Elle s’aviserait peut-être que la gauche française perçoit les gens du
FN à peu près comme les nazis définissaient les juifs : des êtres a priori moralement
inférieurs. Une analyse sémantique circonstanciée prouverait que la
démonologie médiévale s’est recyclée dans le patois médiatico-politique
contemporain pour clouer le FN au pilori d’un manichéisme infantile. On
imagine l’élan de solidarité de la classe politique, gauche et droite
confondues, si un cinglé s’était risqué à présumer une connivence de
Mme Hidalgo avec l’hitlérisme ou ses fondés de pouvoir. On peut
regretter par le fait que l’honneur de Mme Le Pen, qui a porté plainte,
n’ait été défendu par personne. Qu’à ses débuts le parti fondé par Le
Pen ait recyclé des nostalgiques du pétainisme, c’est un fait. Il y en
eut aussi dans le RPF de De Gaulle, et pareillement à la SFIO.
Mais Mme Hidalgo n’a cure des réalités historiques, à supposer
qu’elle en connaisse les rudiments ; son amalgame grotesque vise à
dénier à Marine Le Pen toute dignité, pour ne pas dire toute humanité,
en sorte que chacun de ses propos soit tenu pour injustifiable par
principe. Ainsi fonctionne la pensée totalitaire, et aussi celle des
paranoïas dans les maisons de santé ad hoc. Ça fait un peu froid
dans le dos, s’agissant d’une dame qui peut-être sera un jour maire de
Paris. Je n’ai jamais voté pour le FN, qui de père en fille a servi
sans désemparer la soupe au PS. Mes différends avec ce parti sont
nombreux, certains portant sur la forme, d’autres sur le fond. Mais je
ne puis accepter qu’un pharisaïsme haineux affecte à ses dirigeants et
ses militants un coefficient moral négatif. Je les considère comme des
adversaires politiques “normaux”, pas comme des bannis ou des
hors-castes. Question de probité… morale élémentaire. Si le FN est
“antirépublicain”, comme l’a affirmé Mme Hidalgo, qu’on l’interdise !
Encore faudra-t-il que l’on sache qui mérite le brevet de
républicanisme, qui ne saurait y prétendre, et en vertu de quoi. Nul ne
se hasarde à expliciter le distinguo, et pour cause.
Si j’avais un reproche à adresser à Mme Le Pen, ce serait
plutôt d’en rajouter dans un anticléricalisme évocateur des débuts de
la IIIe République avec son dégagement contre les signes religieux dans
“l’espace public”. En poussant aussi loin le bouchon d’un laïcisme
passablement rétro, elle rejoint une fois de plus Mélenchon et mon fond
religieux s’insurge ; je ne souhaite pas que la piété soit mise au
rancart, sous réserve évidemment qu’elle ne soit pas manipulée par des
candidats au terrorisme.
Comme on le voit, je suis en désaccord avec Mme Le Pen sur la
nature de la menace – réelle – que fait peser sur la France l’ampleur
des flux migratoires et l’acculturation subséquente de plusieurs
millions de Français. Pour autant, je ne la juge pas moins
“républicaine” que Mme Hidalgo. Pas moins respectable. La diabolisation
de son parti ne serait que l’octroi gratis d’une bonne conscience aux
gogos s’il ne rémunérait en outre un cynisme récurrent depuis feu le
régime de Mitterrand. C’est pourquoi il serait sain – et moralement
souhaitable – que l’on en finisse avec cette triche.
vendredi 5 octobre 2012
Terrorisme sémantique
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire