Mauvaise nouvelle pour Bruxelles - et pour
François Hollande.
Vingt ans après Maastricht, le référendum qui avait tant divisé les
Français serait perdu s'il avait lieu aujourd'hui. C'est l'un des grands
enseignements du sondage Ifop pour Le Figaro. Le 20 septembre 1992,
les Français avaient ratifié d'extrême justesse le traité européen,
avec 51 % des voix contre 49 %. Ceux qui ont voté à l'époque - qui sont
donc nés avant 1974 - choisiraient le non à 64 %. Et ils sont
désormais 67 % à dire que l'Union européenne va «plutôt dans la
mauvaise direction» depuis la ratification de Maastricht. En 1999, ils
étaient 53 % à estimer qu'elle allait «plutôt dans la bonne direction».
La plupart des réponses confirment ce rejet grandissant à l'égard du
projet fédéral européen. Au moment où la question d'un pas
supplémentaire vers l'interdépendance paraît s'imposer, à la demande
d'Angela Merkel mais surtout pour confirmer les engagements pris par la
Banque centrale européenne, la France paraît s'installer durablement
dans une attitude eurosceptique. Les Français ne semblent plus croire
en l'intégration européenne, qu'on leur avait présentée comme le
bouclier qui les protégerait des vents du large.
Le clivage révélé par le référendum de 2005 s'est durci
En premier lieu, c'est l'euro, créé par le
traité de Maastricht,
qui est dans le collimateur des Français. «La monnaie unique est un
très mauvais agent recruteur pour l'Europe, surtout dans les classes
populaires», constate Jérôme Fourquet, directeur du département opinion
de l'Ifop. Quarante-cinq pour cent des sondés pensent que l'euro a été
un handicap face à la crise. Ils n'étaient que 34 % à le penser en
août 2010. Ouvriers et professions intermédiaires sont les plus opposés à
l'euro. Mais la France active dans son ensemble porte aussi un
jugement très négatif sur la décision la plus audacieuse d'union
monétaire de l'histoire économique du XXe siècle. Les femmes sont plus
sévères: 50 % y voient un handicap, contre 41 % pour les hommes. Les
plus de 65 ans sont plus cléments: 41 % considèrent que c'est un atout,
30 % un handicap.
Pis, les Français jugent que le passage à
l'euro a eu des conséquences négatives sur la compétitivité de
l'économie (61 %), le chômage (63 %) et le niveau des prix (89 %). Le
camp de ceux qui souhaitent majoritairement moins d'intégration a
progressé de 12 points, à 60 %. Et ils sont 64 % à juger «peu probable»
l'émergence d'un «État européen unique». Le clivage révélé par le
référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen s'est donc
durci: les deux France, celle des cadres supérieurs et celle des
classes populaires, se regardent en chiens de faïence. Pour Jérôme
Fourquet, «la France est vraiment coupée en deux. La crise de 2008 a
accentué les fractures à l'intérieur de la société française».
» La valeur en euros des francs (Le Particulier)
Les Français ne veulent donc pas d'un rétropédalage
C'est
une tendance de fond et un enjeu de longue durée pour les hommes
politiques. Dans les semaines qui viennent, cela place aussi François
Hollande dans une situation inconfortable, au moment où il doit faire
ratifier le traité européen sur la zone euro, signé par son prédécesseur
Nicolas Sarkozy en
mars 2012. Hollande, déjà traumatisé par le référendum de 2005 qui
avait failli avoir raison de l'unité du Parti socialiste, se retrouve de
nouveau face à l'impopularité de l'Europe, notamment dans son propre
camp. Les électeurs de droite sont en effet plus proeuropéens que ceux
du PS: 39 % des électeurs de Sarkozy pensent que l'euro a été un atout
face à la crise, 24 % seulement au PS. Certes, les Français ne sont pas à
un paradoxe près, et ils ne jettent pas tout par-dessus bord. Ils
restent favorables au principe d'une union politique européenne: 47 %,
contre 27 %, jugent qu'il est dans l'intérêt du pays de rester associé à
l'ensemble politique européen. Le projet souverainiste d'un retour à
la France d'avant le traité de Rome n'est pas jugé crédible. Les sondés
restent lucides sur le coût d'un retour au franc: 65 % rejettent cette
perspective, contre 35 %. Mais le camp des partisans du franc a fait
en trois mois un bond de 9 %: en juin, ils étaient 26 %.
Historiquement, ce n'est pas le point le plus haut: ils étaient 38 %,
en mai 2010. Mais bien plus que les 18,3 % de Marine Le Pen à la
présidentielle.
Les Français ne veulent donc pas d'un
rétropédalage, mais encore moins d'une accélération ou d'un
élargissement. «L'opinion est mûre pour une déflagration qui
profiterait aux partis protestataires, mais l'agenda politique ne leur
donnera pas l'occasion d'en profiter. En profondeur, nous dansons sur
un volcan», conclut Jérôme Fourquet.
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