Commençons par décrire la structure de son économie avant l’arrivée de la crise. L’Islande avait misé sur le secteur bancaire et des politiques d’inspirations néolibérales qui lui ont assuré un fort développement économique et une élévation du niveau de vie. Mais cette évolution est en fait virtuelle car ce secteur financier demeure hypertrophié en comparaison de l’économie réelle. La croissance économique ne repose alors sur rien de concret mais uniquement sur des capitaux investis par des étrangers dans ce que l’on considère comme un nouvel El Dorado financier.
C’est pourquoi, en 2008, lorsque la crise financière américaine devient contagieuse, le pays est très durement frappé. Rapidement, les trois principales banques du pays (Kaupthing, Landsbanki et Glitnir) furent incapables d’y faire face, n’ayant pas conservé suffisamment de fonds propres par rapport aux montants colossaux de leurs prêts (équivalents à 11 fois le PIB de l’Islande !)
Mais « l’exception islandaise » est caractérisée par un comportement unique en Europe qui consiste purement et simplement à laisser couler les banques, considérant que ce sont des organismes privés et que le contribuable islandais n’a pas à payer les dettes des banquiers à leur place. Ce sont les actionnaires, majoritairement étrangers, qui ont dû supporter les pertes des banques, tandis que les dépôts islandais ont été garantis par l’Etat.
L’Etat a ensuite nationalisé les banques (ce qui lui a coûté tout de même 80% de son PIB), tout en dévaluant la couronne islandaise de 60% de sa valeur en six mois. Les ménages qui avaient contracté des prêts immobiliers en masse, dont les taux d’intérêt étaient indexés sur la valeur de la livre sterling ou de l’euro, ont vu leurs mensualités exploser. Le système entier s’est alors grippé et l’Etat islandais est entré en faillite.
Cependant, très vite, le FMI, la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et l’Allemagne ont débloqué un prêt de près de 8 milliards de dollars en contrepartie d’une cure d’austérité pour un assainissement des finances publiques islandaises.
Le gouvernement, alors de couleur sociale-démocrate, a su rester fidèle au principe de différence de John Rawls, qui demande à ce qu’on vienne en aide en premier aux plus démunis d’une société. En effet, l’Etat a par exemple trouvé la force de rallonger la durée du versement des allocations chômage de 3 à 4 ans. La mise en place en parallèles des efforts de rigueur et de la dévaluation compétitive de la couronne islandaise, ont permis à la balance commerciale de redevenir excédentaire et à la croissance économique de revenir. En revanche, si l’Etat a garanti les dépôts islandais, il ne l’a pas fait pour les avoirs étrangers. Ce qui a donné lieu à l’affaire « Icesave ».
Cette affaire a démontré le courage des citoyens islandais qui ont refusé à 93% au cours d’un référendum de rembourser à la place des banquiers les déposants britanniques et néerlandais d’Icesave, filiale de Landsbanki. Après de fortes tensions entre les Etats concernés, le gouvernement islandais parvient à recapitaliser et à reprivatiser les banques de l’île, qui ont ainsi pu commencer à rembourser elles-mêmes leurs déposants à partir de décembre dernier.
L’Etat islandais aura ainsi tenu tête aux marchés et aux pressions internationales à la fois. Le résultat est sans appel. La croissance islandaise pour 2012 est prévu à 3%, lorsque la croissance dans la zone euro est de -0,3%. Son taux de chômage a perdu un point entre 2011 et 2012, lorsque celui de la zone euro continue de grimper. Son déficit public va même passer sous la barre des 3% du PIB. Enfin, l’Etat a réussi à rembourser en avance une partie de sa dette !
Les financiers responsables de l’effondrement du système financier islandais ont pour la plupart été rattrapés par la justice islandaise, même hors du territoire national, apportant encore une dimension morale et juste à cette sortie de crise, décidément bien originale.
Certes, ce modèle de sortie de crise n’est pas transposable à la zone euro, à cause de l’importance des banques européennes dont la faillite serait dévastatrice pour l’économie mondiale. Certes, les institutions européennes nous interdisent de dévaluer la monnaie unique et de faire jouer à notre banque centrale le rôle de prêteur en dernier ressort. Mais force est de constater que ce furent pourtant des armes essentielles pour l’Islande dans sa bataille contre la crise…
Le cas islandais nous aura appris qu’un Etat peut sortir de la crise en sauvegardant les intérêts de sa population et en tenant tête à ses créanciers, tout cela, dans le respect de principes sociaux-démocrates ; priorité aux plus démunis et égalité des chances pour tous. Nous pouvons les remercier de la leçon et prendre bonne note.
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