jeudi 20 septembre 2012
Ces écrivains qui crachent sur leur famille et qui croient découvrir la lune…
Récemment, un quotidien du matin titrait : « Secrets de famille. Le
nouveau filon des écrivains. Inceste, abandon, amitiés suspectes… La
trame des nouveaux romans tourne autour de sujets intimes et autrefois
tabous (sic). » Des sujets tabous comme quoi ? Comme l’histoire d’Œdipe
(qui n’est pas un perdreau de l’année), par exemple ?
Revue de détail(s). Lionel Duroy, issu d’une famille nombreuse,
catholique, de droite et qui, de roman en roman largement
autobiographiques (Priez pour nous, Le Chagrin), n’en
finit plus de régler ses comptes avec ses parents, ses frères et ses
sœurs (avec lesquels il est brouillé, ce dont il se félicite). Nathalie
Rheims, avec Laisse les cendres s’envoler, explique quant à elle que sa mère ne s’est pas occupée d’elle. Christine Angot, dans Une semaine de vacances, racontait, descriptions sordides à l’appui, une relation incestueuse père-fille. Avec L’Inceste,
elle va encore plus loin (si faire se peut). Ou encore Alexandre
Jardin, écrivain de série Z, petit-fils du « Nain jaune », bras droit de
Laval, qui a renié salement son aïeul dans Des gens très bien et Le Roman des Jardin.
Et puis, plus récemment, voilà Ludovic Chancel qui, dans Fils de…,
balance sa mère, la chanteuse des années yéyé Sheila. Et aussi Félicité
Herzog, fille de Maurice Herzog, le vainqueur de l’Anapurna, qu’elle
fracasse dans Un héros. Pour diverses raisons et notamment pour
ses amitiés lepénistes. Agé de 93 ans, grand résistant pendant
l’Occupation, Maurice Herzog a préféré ne pas répondre à ce méchant
déballage.
Pierre Assouline, biographe talentueux, dénonce les côtés trash de
ce lavage de linge sale qui n’est désormais plus programmé en famille,
mais hors famille, en public : « Il y a quelque chose de déplaisant, peu
ragoûtant, vraiment pas aimable dans cette façon de cracher sur les
siens ad hominem. »
Et puis quelle est cette invraisemblable prétention à s’enorgueillir
de parler de « sujets autrefois tabous » ? On a évoqué Œdipe. Mais on
pourrait parler aussi de nombreuses pièces de théâtre grecques. Ou
encore de Jean-Jacques Rousseau qui, dans ses Confessions, narre par le menu ses relations sado-masochistes avec Mme de Warens, ou sa rencontre avec un « chevalier de la manchette »…
N’a-t-on jamais lu Poil de carotte de Jules Renard ? A-t-on
oublié les charges furieuses d’Hervé Bazin contre sa famille en général
et contre sa mère, Folcoche, en particulier ? Quid, encore, des Lauriers du lac de Constance
(Seuil, 1974) où Marie Chaix disait sa honte d’être la fille
d’Albert B. (père également de la chanteuse Anne Sylvestre), membre du PPF de Doriot ? (1)
Baudelaire, a-t-il été tendre avec son beau-père de général ? Et
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, avec son riche bourgeois de père,
tapissier valet de chambre du Roi ? Et Verlaine avec sa mère. Et Proust
avec toute sa parentèle ?
Face à ces écrivains « modernes » (Delphine Le Vigan, Lionel Duroy,
Christine Angot, Féliclté Herzog et tutti quanti), on nous permettra de
préférer lire et relire Albert Cohen (Le Livre de ma mère), Marcel Pagnol (Le Château de ma mère, La Gloire de mon père) et célébrer avec Victor Hugo Mon père, ce héros au visage si doux…
(1) Elle remettra ça dans L’Eté du sureau où elle charge encore plus la mule…
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