Pas de pression politique eurosceptique pour le moment
Quelle est la portée de l’ultimatum finlandais qui a, dimanche, hautement irrité le président du conseil italien Mario Monti ? Elle n’est pas mince. Le veto finlandais bloque pour le moment toute avancée sur les rachats de dettes, mais aussi potentiellement sur l’union bancaire. Or, il est fort peu probable que Helsinki modifie sa position sur le sujet. Tout simplement parce que cette position n’est pas, de la part du gouvernement, un opportunisme quelconque, comme Angela Merkel le pratique si souvent, mais une vraie position de principe. Du reste, on se souvient qu’en 2011, le gouvernement précédent s’était montré déjà intransigeant suer la question des garanties particulières à apporter aux prêts accordés à la Grèce.
Le changement de majorité en juin 2011 n’avait pas modifié les exigences finlandaises. Enfin, l’actuel gouvernement de coalition, qui va de la gauche ex-communiste aux conservateurs, a été fondé sur la volonté de maintenir le pays dans la zone euro, notamment contre les Vrais Finlandais, parti eurosceptique qui avait fait une percée aux élections législatives de 2011. Or, depuis, les partis de la coalition ont tenu le choc et ne sont pas menacés de vague anti-européenne. Les derniers sondages sont encourageants. Il n’y a donc pas de pression politique plus forte qu’auparavant sur Jyrki Katainen, le premier ministre du seul pays nordique membre de l’euro.
Un choix européen qui n’est pas inconditionnel
Et c’est bien là que le bât blesse. A la différence du Danemark ou de la Suède, la Finlande n’a pas renoncé à entrer dans la monnaie unique. C’était pour elle, ancienne possession russe éloignée du centre du continent, une affirmation forte de son caractère européen. Mais elle pensait également ne pas y perdre l’essentiel. Or, la stabilité des finances publiques est devenue une part essentielle de la culture économique finlandaise après la terrible crise du début des années 1990.
Entre 1991 et 1995, tous les pays nordiques ont connu une crise profonde de leur modèle d’Etat providence. Mais aucune n’a atteint la vigueur de celle qui a alors frappé la Finlande. A la fin des années 1980, le pays connaît une forte croissance, alimentée par une dérégulation rapide du secteur financier. Mais l’effondrement de l’URSS donne un coup d’arrêt brutal à la croissance : la Finlande était la porte des produits soviétiques vers l’ouest. Le commerce avec l’ancien bloc communiste s’arrête net et entraîne des faillites qui fragilisent les banques. Ces dernières cessent de prêter et la croissance passe de 5,4 % en 1989 à - 6,1 % deux ans plus tard. Rapidement, les excès du secteur financiers durant les années 1980 rendent sa survie impossible. L’Etat doit venir à la rescousse.
Le mistigri de la crise transmis à l’Etat
Dès lors, le mistigri de la dette est transféré à l’Etat et la crise économique devient une crise de la dette. Les comptes publics passent d'un excédent de 6 % en 1989 à à un déifcit de 8 % en 1993. Cette même année, la Finlande perd son triple A et est dégradée de deux crans. Le gouvernement d’Helsinki décide alors de prendre des mesures énergiques : c’est le fameux plan du printemps 1995 qui a réduit notamment l’indemnisation du chômage et réformer le système de retraite, tout en augmentant les impôts. A cela s’est ajouté un refus de « sauver » les entreprises en difficulté sur le principe schumpétérien de « la destruction créatrice ». Les investissements se sont dirigés vers les entreprises en pleine croissance, notamment dans les technologies. Le secteur financier a été redimensionné et simplifié : aujourd’hui trois acteurs, dont aucun n'est contrôlé par des capitaux finlandais, occupent le marché.
Le « modèle finlandais » mis en avant
La méthode a fonctionné puisque la Finlande s’est qualifiée en 1997 pour l’euro. Et le souvenir de ces années reste fort à Helsinki. Du coup, le pays, un des plus vertueux de la zone euro avec un déficit public en 2011 de 0,5 % du PIB, veut absolument éviter le retour du risque bancaire et souverain. Comme l’économie finlandaise est petite (180 milliards d’euros de PIB), la prise de risque vis-à-vis des grands pays endettés de la zone euro représente une charge considérable pour la république nordique. D’où le refus de s’exposer.
Sans compter que les Finlandais pensent avoir montrer qu’il était possible de sortir de la dette avec des efforts. Même s’ils oublient deux faits essentiels qui ne peuvent s’appliquer aujourd’hui : le pays a dévalué en septembre 1992 et il a bénéficié de la reprise de la croissance mondiale à partir de 1994 et de l’effet « Nokia » avec le développement des nouvelles technologies. Reste que, vu d’Helsinki, la « méthode finlandaise » est une leçon pour les Grecs, les Espagnols ou les Italiens. Pas question donc de les encourager à agir autrement en subventionnant leurs taux.
Dilemme impossible à résoudre pour l’Europe
On comprend donc qu’il sera difficile de faire céder la Finlande. L’engagement symbolique dans l’euro ne peut se faire au prix de l’abandon des leçons des années 1990. Reste alors une question : la sortie de la Finlande de la zone euro serait-elle envisageable pour ses partenaires. En théorie, ce pays de 5 millions d’habitants, comptant pour 1,4 % du PIB de la zone euro, pèse peu. Qu’il soit dedans ou dehors ne change rien sur le plan macro-économique. Sauf que si Helsinki décidait de revenir à la markka, sa monnaie d’avant 1999, le précédent serait préoccupant. Car, à la différence de la Grèce, c’est un pays sain qui s’en irait. Le risque serait évidemment que d’autres économies solides imitent Helsinki : les Pays-Bas, l’Autriche et, évidemment, l’Allemagne.
La sortie de la Finlande serait alors le premier pas vers une zone euro réduite à des pays plus ou moins en crise. La confiance dans l’euro en prendrait sans doute un coup décisif. Et c’est sans doute pourquoi personne ne veut se payer le luxe de laisser partir la Finlande. Mais le risque sera alors le blocage de la réforme de la zone euro. Un blocage qui, là aussi, conduit l’euro à sa perte. Entre les deux périls ...
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