La diffusion sur TF1 des
enregistrements téléphoniques entre le RAID et Mohamed Merah, dimanche
soir dans Sept à Huit, a provoqué une avalanche de réactions hostiles de
la part des familles, mais aussi de la presse. Pourtant, si elle
provoque ce tollé, elle est d'autant plus nécessaire qu'elle nous en
apprend plus sur le tueur, et nous alarme sur la société actuelle...
Dimanche soir, TF1 a retransmis dans l’émission
Sept à Huit des extraits d’enregistrements téléphoniques entre la police
et Mohamed Merah. Est-ce que cette diffusion est normale, opportune,
voire nécessaire ?
Ivan Rioufol :
Elle ne me choque pas. Je trouve que pouvoir entendre ce témoignage de
Merah est plutôt judicieux, et même très intéressant. D’autant qu’il
faut rappeler qu’il a été tué donc qu’on ne l’entendra jamais plus. On
aurait pu avoir ses explications lors d’un procès. En l’occurrence il les a données en testament.
C’est
cela qu’il nous est donné d’écouter aujourd’hui. Je ne comprends pas
très bien l’émoi que suscite cette diffusion. Autant j’aurais bien
compris ce qu'il aurait eu d’insupportable à diffuser les vidéos des
assassinats qu’il avait filmés, mais la situation actuelle est
foncièrement différente. La réaction de la presse est démesurée. Je récuse ce journalisme lisse et anesthésiant.
Robert Ménard : Normale oui. En revanche
je trouve problématique tout d’abord le peu d’égards qu’on a manifesté
vis-à-vis des familles. S’il est exact qu’on ne les a même pas
prévenues, c’est de la goujaterie. D’autre part je suis exaspéré par
ceux qui habillent ça sous couvert d’un devoir d’information et de la
liberté de la presse. Il en va surtout d’un scoop que n’importe quel
média aurait diffusé. Je suis agacé de l’emploi de grands mots alors
qu’en réalité ce n’est qu’un coup journalistique. Par ailleurs
ceux qui prennent leurs distances avec TF1 sur cette histoire auraient
fait exactement la même chose s’ils avaient été en possession de tels
documents. Enfin, ces mêmes journalistes se gaussaient d’éthique
criaient au scandale déontologique quand Al-Jazheera publiait des
communiqués de Ben Laden.
Il n’y a pas de
problème de déontologie : la presse se fout de la déontologie. Nous
avons affaire à un simple coup journalistique qui tombe à pic pour TF1,
mais qu’on ne se gargarise surtout pas de grands mots en invoquant la
liberté de la presse et le droit à l’information : c’est du baratin. La liberté de la presse est autrement menacée en Chine, à Cuba ou en Arabie Saoudite qu’en France.
Néanmoins quand Emmanuel Chain défend cette diffusion, il a absolument raison, mais qu’on arrête de jouer les Tartuffe…
Concrètement, en quoi cette diffusion est-elle utile ?
Ivan Rioufol :
Tout d’abord, elle contredit la propagande lancée par l’avocat du père
de Mohamed Merah et éteint la théorie du complot. En effet, celui-ci
laissait entendre qu’il y avait des enregistrements dans lesquels il
apparaissait que Merah avait été manipulé.
La diffusion est utile car elle montre bien que Merah a agi seul et a été autonome dans son désir de tuer.
En outre, elle donne à voir ce que peut produire notre société, qui se
gausse d’humanisme et de gentillesse, comme monstruosité et comme
monstres. Il est utile que ces derniers soient désignés et regardés
comme tel.
On a tendance, hélas, dans la presse, à
mettre sous le tapis ou jeter un voile pudique sur toutes les choses
qui dérangent notre confort intellectuel. Il est vrai que Merah dérange
ce confort, mais il dit des choses non pas seulement sur
lui-même et sur sa folie mais aussi sur l’inconséquence, l’aveuglement
et la faiblesse de notre société. En effet, elle a laissé
grandir ces monstres qui parlent avec l’accent toulousain, qui se disent
Français et qui se disent que, parce qu’ils sont français c’est plus
facile d’attaquer la France. D’autant plus qu’il reprend toutes les
attitudes du bon islamiste qui privilégie la mort à la vie etc.
Robert Ménard : Il faudrait le demander à ceux qui ont donné ces enregistrements à TF1. On
voit bien que dans ce genre d’opérations on ne sert aucune liberté
fondamentale, mais plutôt les intérêts personnels des détenteurs de
l’information. Au demeurant je comprends ce mécanisme, et je
n’irai pas pester contre cette publication, mais ça me fait la même
impression que lorsqu’un PV d’audition sort dans la presse alors que
l’audition a eu lieu le matin même. Il y a un vrai problème quant au
secret de l’instruction. En outre ce n’est plus du journalisme d’investigation, mais de délation.
Toutefois, l’intérêt réel est que ces documents montrent le cynisme, le caractère abject, la duplicité assumée du personnage. Nous
devrions donc nous inquiéter sur une partie des musulmans de France qui
peuvent se retrouver dans de tels criminels, ce qui donne un coup à un
certain nombre de bisounours qui pensent que l’immigration et l’Islam ne
posent jamais aucun problème. J’ai lu des extraits de ces
discussions, qui laissent songeur… Je ne peux m’empêcher de rire quand
certains de mes confrères semblent découvrir aujourd’hui la violence
d’une partie de la communauté musulmane. On doit alors légitimement se poser la question de l’aveuglement avec lequel certains ont traité ce Mohamed Merah.
Toutefois, cette diffusion demeure une violation du secret d’instruction. Cela ne vous choque pas ?
Ivan Rioufol :
Le secret d’instruction est violé allègrement tous les jours. On trouve
cela totalement normal quand il est violé pour mettre en cause Nicolas
Sarkozy dans l’affaire Bettencourt, par exemple, et ce serait choquant
quand il met en cause un monstre dont on n’aurait pas à connaître les
turpitudes.
Robert Ménard : Je
trouve que c’est problématique par rapport à la loi, d’autant plus si
c’est préjudiciable au justiciable. Malheureusement on me dit souvent
que ce secret ne s’applique pas aux journalistes. Trop souvent,
le journaliste qui publie ce genre de documents est instrumentalisé par
telle ou telle partie. Il existe une sorte de connivence, pour ne pas
l’appeler autrement, entre juges d’instruction, avocats et journalistes,
pour tourner à la petite tambouille qui se fait sur le dos des gens.
Que pensez-vous de l’argument des familles qui sont profondément choquées par cette diffusion ?
Ivan Rioufol :
Je comprends l’émoi suscité par les familles des victimes, c’est
certainement très douloureux d’entendre la voix de cet assassin qui ne
montre aucun remord, aucun regret et qui agit comme un monstre froid.
Toutefois, je ne vois pas très bien ce qui peut choquer dans les propos diffusés. Au contraire, il me semble que cela peut les aider à faire comprendre à l’opinion publique quel était ce bourreau. Leur douleur est due à l’acte, pas au fait que l’on ait à comprendre qui était ce démon.
Ne pensez-vous pas que les journalistes se
cachent derrière la liberté d’expression alors que la seule raison pour
eux est celle de l’audience ?
Ivan Rioufol :
La presse est aussi une entreprise commerciale. Je serais patron de
presse, j’aurais publié cette information sur le seul motif du droit à
savoir en dehors des considérations mercantiles. Le journalisme est fait
pour décrire des faits, pour rapporter des témoignages, pour mettre une
lumière crue sur des sujets crus. Aujourd’hui, il est de moins en moins descriptif et de plus en plus politisé.
Dans ce cas, nous sommes en présence d’un fait brut qui mérite d’être
diffusé autant qu’il mérite d’être commenté. On ne peut pas reprocher à
TF1 de vendre son information car il serait hypocrite de penser que ces
sujets sont hors des considérations commerciales. De plus, il n’y a pas
eu d’effet d’annonce de la part de la chaîne, on l’a découvert le soir
même. C’est donc un procès assez peu convaincant que l’on fait à la
chaîne.
Il y a
quelques mois, Nicolas Sarkozy s’opposait fermement à la diffusion des
images de l’intervention du RAID. Est-ce un problème du même ordre
aujourd’hui ?
Ivan Rioufol : Ce n’est pas la même chose. Les images mettaient en scène la mort d’un homme. Dans le cas présent, il n’y a pas de voyeurisme dans ce que l’on découvre.
Il y a une différence entre le voyeurisme malsain qui peut s’assimiler à
s’arrêter pour regarder un accident de voiture, et le simple fait
d’essayer de comprendre comment un assassin arrive à ce degré
d’inhumanité dans une société qui ne cesse de se réclamer des droits de
l’homme et de la tolérance. C’est cette contradiction qui est
intéressante, celle qui revient à se demander comment les « belles âmes » produisent des horreurs par leur aveuglement.
TF1 S'EST INSCRITE CONTRE LA PENSÉE UNIQUE, C'EST DE LA PURE INFORMATION, BRAVO !
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire