mercredi 20 juin 2012
Ces boulets que la France attache aux pieds de ses entreprises dans la compétition internationale
Le Premier ministre britannique David
Cameron a déclaré en marge du G20 au Mexique qu'il était prêt à
accueillir les entreprises désireuses de fuir l'impôt en France, où
François Hollande envisage d'alourdir les taxes sur les plus hauts
revenus.
Leonidas Kalogeropoulos : Globalement,
lorsqu’on entreprend, c’est peut-être indécent, sale, mais la vérité,
quand on prend des risques, qu’on n’a pas la certitude qu’on pourra se
payer dans trois mois, que le marché va être remporté, donc quand on
prend un risque absolu sur toute la direction vers laquelle on
s’oriente, il faut reconnaître qu’on a le sentiment qu’on va pouvoir gagner de l’argent.
Donc si on vous dit « les entrepreneurs sont l’avenir de la richesse,
de l’emploi, des recettes fiscales, des exportations, entreprenez » et
que vous vous retroussez les manches pour entreprendre et qu’on vous
explique alors que si vous réussissez, on va vous prendre l’argent que
vous gagnez, il est normal de préférer aller ailleurs.
Les
signaux qui sont donnés aux gens qui entreprennent et à ceux qui
réussissent sur le fait que le dividende, l’enrichissement de
l’entrepreneur seraient des éléments négatifs qui feront l’objet d’une
taxation accrue sont des signaux dissuasifs pour être en France.
Mais il y a toutefois un certain nombre de choses favorables qui ne sont pas forcément dissuasives pour les entrepreneurs.
Lorsqu’on dit qu’il faut faire attention à ce que la concurrence ne
soit pas destructrice d’emplois, que les gens puissent avoir des enfants
en France sans perdre des marchés… La gauche au pouvoir est
consciente qu’il va falloir s’allier avec les entreprises pour relancer
l’emploi, pour regagner des parts de marché à l’exportation, faire
rentrer des recettes fiscales.
Mais vouloir gagner avec les entrepreneurs tout en leur disant gagner de l’argent, ce n’est pas bien, c’est une équation dans laquelle il y a un déséquilibre.
Il y en a deux principalement. D’abord le coût de l’emploi. Tous les entrepreneurs sont unanimes pour considérer qu’embaucher quelqu’un est vraiment une décision très dure
car les charges que l’on traîne à l’embauche sont des charges très
lourdes. Or il est difficile de se séparer d’un salarié. La décision
d’embauche est donc une décision très pénible à prendre. Il
faudrait donc baisser les charges sociales, mais si on ne le veut pas,
alors il devrait être plus facile de se séparer d’un salarié lorsqu’on doit faire des ajustements car l’activité n’est pas au niveau de ses attentes initiales. C’est en fait les deux additionnés qui sont insupportables : des charges plus lourdes et l’impossibilité d’être flexible quand on a des variations de charges.
Le
deuxième point est que le taux de 33% de l’IS que supportent les
entreprises est un taux qui est supporté plein pot par les petites
entreprises et c’est un taux très lourd à traîner.
Si vous rajoutez l’idée que l’équation individuelle pour les chefs d’entreprises serait alourdie, c’est un signal très fort que la réussite est plafonnée. Avoir
toutes ces difficultés pour avancer en se disant que si jamais on
réussit, il y a un couperet totalement dissuasif, c’est beaucoup pour un
entrepreneur.
Non, je pense que la France n’est plus ce pays ultra administré dans lequel créer son entreprise était un parcours du combattant. Créer son entreprise n’est plus un parcours du combattant. Il y a certainement des choses à ajuster mais il ne faut pas casser ce modèle.
Ce qui a été fait avec toutes les fiscalités autour de l’innovation est
très emblématique de progrès fait en France. Il ne faut pas casser ces
systèmes. Les crédits impôts-recherche fonctionnent par exemple très très bien.
Je
veux croire que ce gouvernement est à la recherche de poids d’équilibre
pour être d’une certaine manière un allié des entreprises. Je veux croire qu’il y a d’ailleurs peut-être la recherche d’un chemin d’un
libéralisme de gauche dans lequel on favoriserait la concurrence mais
on resterait soucieux que la concurrence ne soit pas une lubie libérale où on délocalise tout pour être le plus compétitif possible.
Il
y a un donc modèle en train de se chercher dans lequel il y a quelques
garde-fous mais où on ne remet pas en cause le statut
d’auto-entrepreneur, le crédit impôt-recherche, où on ne matraque pas
les entreprises.
Arnaud Montebourg se retrouve
très rapidement confronté à une problématique de l’emploi avec les
centres d’appels qu’il veut rapatrier. C’est très bien, mais je ne veux pas croire qu’il fera l’impasse sur le problème réel de l’emploi. Comment fait-on avec nos législations pour gérer des centres d’appels qui travaillent 24h sur 24, 7 jours sur 7 ? Cela
va nécessiter d’avoir un cadrage en termes d’emplois qui permet de
gérer des centres d’appels avec la même flexibilité en France que celle
qu’on peut avoir en Tunisie, au Maroc ou ailleurs.
J’ai
le sentiment qu’en mettant l’équation de l’entreprise au centre des
problématiques de l’emploi et du fabriqué en France, ce gouvernement est
probablement en train d’essayer de résoudre des équations. Il y
a des dérapages, je ne suis pas certain qu’en allant faire la chasse à
tous les sites industriels qui sont en difficulté de compétitivité et
qui doivent fermer, on donne un bon signal à des investisseurs qui
veulent venir en France. Ce n’est pas comme cela qu’on arrivera à
s’allier les entreprises pour remettre de l’emploi en France. Quand un site industriel n’est pas compétitif, il faut pouvoir le fermer.
On continue à avoir des entreprises qui ont du mal à se financer.
La crise fait aussi qu’on a très légitimement des organismes financiers
qui ne sont pas prêts à se mettre derrière des entreprises qui ont des
difficultés. Investir sur un projet est une chose, investir pour épauler
une entreprise qui a une mauvaise passe, c’est compliqué, surtout
pendant une période de crise généralisée. De plus, quand on dit
qu’il faut prendre des risques mais en même temps que vous allez être
plafonné dans les rémunérations, c’est un problème. L’économie fonctionne avec des risques, et on est prêt à prendre des risques si on peut s’enrichir.
Devrait-on développer un capital risque ?
Cette question est directement concernée par les 75% des revenus au-delà des millions. Pour prendre le risque, apporter ce capital à l’entreprise, on ne le fait que si on a un capital très important.
On ne risque pas quelques centaines de milliers d’euros sinon. On ne
prend ce risque que quand on a quelques millions d’euros de côté. On en
attend donc un revenu important. Il faut pouvoir s’enrichir en France. On ne va pas pouvoir entraîner une dynamique entrepreneuriale si on ne peut pas s’enrichir. Il y a quelque chose qui cloche dans cette équation.
Je pense que ce dispositif va devoir être affiné. C’est
pertinent lorsqu’on parle de managers qui sont à la tête d’entreprises
qu’ils n’ont pas créées et qui se prévoient des rémunérations très
élevées, je pense qu’il faut établir des garde-fous. Mais quand on parle d’auto-entrepreneurs qui ont pris la totalité des risques, je pense qu’on n’est pas sur la même logique. Il
ne faut pas dissuader les entrepreneurs, c’est eux qui vont pouvoir
redresser le tissu économique qui s’appauvrit en France et sur lequel
cette majorité essaie de remobiliser le pays.
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