mercredi 20 juin 2012
La grande braderie : la crise va-t-elle entraîner une déferlante de privatisations en Europe ?
La dette publique augmente dans tous
les pays du Sud de l'Europe ce qui entraîne une baisse incontrôlable du
prix des actifs. Les Etats doivent ainsi miser sur les exportations et
les privatisations.
Privatisations reprises en Italie, rachats à bon compte en Espagne, vente à perte en Grèce : il n’y a jamais de miracle en économie.
Quand la croissance est là, les prix montent, qu’il s’agisse du prix du
travail, le salaire, de celui des maisons, ou encore de celui des
entreprises, à la bourse. Et quand la croissance n’est pas là, c’est
l’inverse qui se produit : tout baisse, salaires, maisons, bourse. Et
c’est le cas aujourd’hui. La récession s’installe au Sud, pas seulement
en Grèce où c’est la quatrième année, mais aussi au Portugal, en Italie
et désormais en Espagne. Partout la dette publique monte et partout les valorisations des entreprises baissent.
C’est mathématique : d’un côté, une croissance plus faible, ce sont des
profits attendus plus réduits, s’il y en a, et d’un autre côté des taux
plus élevés, c’est un taux d’actualisation des résultats qui grimpe,
donc des valeurs boursières qui chutent plus encore. Ajoutons que les
états surendettés cherchent à se défaire d’actifs inutiles, locaux,
parcs ou châteaux, sans compter les immeubles de bureaux, et plus encore
à privatiser des activités. Vendues, elles permettent d’alléger un peu
la dette et de diminuer les coûts fixes publics, plus encore elles font
monter la productivité de l’économie dans son ensemble. Mais ce n’est ni
facile, ni immédiat.
Le problème aujourd’hui est
que ce processus de vente, public et privé, se produit dans une phase de
faible croissance, au mieux, au moment où ceux qui ont des liquidités
se disent qu’il faut les garder, car nul ne sait de quoi demain sera
fait, et qu’en toute hypothèse, demain, ce sera moins cher. La spirale baissière des valeurs d’actifs est partout en train de s’enclencher, pour ne pas parler de spirale dépressive.
La
crise rebat ainsi les cartes. Elle conduit chacun à s’adapter et change
les titres de propriété de ceux qui ne sont pas assez forts, pas assez
rapides, pas assez connectés. La dette publique pourrait
ralentir le processus d’ajustement, mais c’est fini, et c’est plus
difficile pour la dette privée, celle qui vient des marchés ou des
banques. On voit déjà que certains pays se sortent d’affaire économique
par la baisse des salaires et des gains de part de marché à
l’exportation, donc par la remontée des profits dans la valeur ajoutée.
Ceci se produit en Irlande, en Espagne, en Italie et même en Grèce.
C’est évidemment tout à fait méritoire, et c’est la seule voie. Mais
cette reprise par l’exportation se heurte à la morosité ambiante côté
demande et à la capacité des entreprises à trouver des marchés
extérieurs. Si elles n’y parviennent pas, quel qu’effort d’ajustement
interne elles font en baissant les effectifs et les salaires, elles
doivent vendre leurs actifs non stratégiques, puis moins stratégiques,
avant de se couper un bras… en espérant que ceci suffit. On voit ainsi
l’Italie privatiser, elle a raison, mais la Grèce ne peut pas y
parvenir, pour des raisons largement liées aux entreprises elles-mêmes.
On voit l’Espagne remonter la pente de l’exportation, mais on voit aussi
le mexicain Carlos Slim se rapprocher de Telefonica. On voit Carrefour
vendre des actifs en Grèce, d’autres entreprises en céder en Egypte…
C’est
donc la braderie, si l’on peut user d'un mot aussi violent, tant il
s’agit d’efforts d’hommes et de femmes qui sont ainsi dépréciés. Mais
c’est un ajustement économique nécessaire, économiquement positif, mais
politiquement dangereux. Car il s’agit de propriétés nationales qui
peuvent être défendues au niveau des territoires et d’autres au niveau
national, pour l’emploi bien sûr, mais aussi pour leur importance en
termes stratégique ou symbolique. Un pays qui ne peut plus payer est un pays qui vend, qui se vend. Et qui peut réagir, violemment.
Voilà
pourquoi il faut tout faire pour permettre les ajustements internes par
les salaires et l’emploi, par la baisse des taux et les financements,
parce que la solution par la vente est la plus radicale, la plus
traumatisante, et pas toujours la plus sûre. Voilà pourquoi il
faut mobiliser la BCE, soutenir les banques en difficulté parce que ce
sont elles qui peuvent « tenir » les valeurs d’actifs et poursuivre les
programmes d’assainissement budgétaires. Voilà pourquoi il faut
avancer unis en Europe, pour réduire les dépenses publiques dans le
temps et soutenir la croissance privée, par la profitabilité, au plus
tôt.
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