TOUT EST DIT

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vendredi 3 février 2012

Sept questions à se poser pour travailler mieux

Constamment sollicité, vous n’arrivez tout simplement plus à faire votre boulot ? La solution : analyser votre mode de fonctionnement et vous organiser en conséquence.
Selon une étude menée par la société Sciforma en septembre 2010, il serait impossible pour un salarié de rester concentré sur une tâche plus de douze minutes sans être interrompu ! Un chiffre peu surprenant quand on sait que 93% des personnes interrogées sont alertées lorsqu’un nouvel e-mail arrive et que 75% des sondés avouent suspendre ce qu’ils sont en train de faire pour regarder le contenu du nouveau message. Mais il existe de nombreuses autres occasions d’être distraits. «On répertorie trois facteurs de déconcentration, explique Céline Lemercier, maître de conférences en psychologie cognitive à l’université de Toulouse 2 : la distraction – un collègue qui parle trop fort ou qui éclate de rire –, l’interférence – le fait de réaliser deux tâches différentes en même temps – et l’inattention, provoquée par des pensées parasites.» Pourtant, sans concentration, impossible d’être créatif ou de produire un travail de qualité. C’est tout un mode de fonctionnement sur lequel il faut s’interroger si l’on veut être plus efficace.
1. Peut-on faire plusieurs choses en même temps ?
Croire que l’on peut être à la fois au four et au moulin est une illusion créée en partie par l’usage des nouveaux outils de communication. «Autant la mémoire n’a pas de limites, autant les capacités d’attention sont, elles, restreintes, prévient Sandrine Bélier, docteur en psychologie cognitive et consultante senior chez Scientific Brain Training. Plutôt que de gaspiller cette faculté intellectuelle en la dispersant, on a plutôt intérêt à l’utiliser en totalité sur une seule tâche.» Si certains s’acharnent à vouloir écrire un mémo urgent tout en répondant aux questions de leurs collaborateurs, d’autres ont déjà compris que c’était peine perdue. «Je n’arrive pas à mener deux tâches difficiles en même temps, confie Laurent Wainberg, créateur et dirigeant de PackshotCreator, une société qui commercialise des studios de photographie portables. J’abandonne forcément l’une des deux. En revanche, je peux tout à fait signer des documents que j’ai déjà examinés tout en paramétrant un nouveau logiciel.»
Une réalité confirmée par la science. «On peut faire en même temps deux choses au maximum, à condition que l’une d’entre elles soit une tâche automatique ne demandant aucune concentration», explique Céline Lemercier. N’en déplaise à ceux qui veulent se persuader du contraire, lire ses e-mails sur son smartphone au cours d’une réunion, c’est l’assurance de ne rien retenir ni de ce qui est dit, ni de ce qui est écrit dans ses e-mails ! «Combien de collaborateurs sortent de réunion en s’étonnant que tel ou tel sujet n’ait pas été abordé parce qu’ils étaient en train de répondre à des SMS au moment même où ces points étaient traités !» souligne Valérie Delporte, responsable marketing et développement d’Illicado, une société émettrice de cartes cadeau multienseignes.

2. A quels moments 
de la journée est-on 
le plus concentré ? Pour être sûr de travailler efficacement, ciblez les heures les plus favorables à la concentration. «Il y a deux pics d’attention par jour : l’un à 11 heures et l’autre à 16 heures», signale Céline Lemercier. C’est donc entre 10 heures et midi et entre 15 et 17 heures que les courbes de la vigilance sont les plus hautes. «Si je dois bloquer un créneau pour produire un cahier des charges ou un nouveau plan média, je fais en sorte que ce soit le matin», témoigne Valérie Delporte. En revanche, la période 12-14 heures se révèle très défavorable. «C’est le moment de la journée où l’attention est la moins forte, confirme le Dr Pierre Achard, consultant et auteur de “Vous êtes plus intelligent que vous ne le pensez” (Afnor). Mettez-le à profit pour effectuer des tâches répétitives.» Ou pour recharger vos batteries en prenant un déjeuner reconstituant.
Etablis par la chronobiologie, ces rythmes demandent cependant
à être adaptés à chacun. «Je ne
suis vraiment concentré qu’après 20 heures», affirme Fabrice Bianchetta, consultant-formateur à l’Afnor. Certaines personnes sont en effet plus efficaces quand les bureaux se vident tandis que d’autres sont opérationnelles très tôt le matin. «L’idéal, c’est d’établir sa propre carte de la concentration, en notant à quelles heures on est le plus productif», préconise Mariam Pichelin, consultante chez Demos.
3. Quels doivent être
le rythme et la durée
des pauses ?
La capacité de concentration d’un adulte n’excède pas quarante-cinq minutes. «Décider d’une pause de quelques minutes quand on sent que son esprit commence à flotter permet de recharger ses capacités attentionnelles et de repartir pour une nouvelle session», explique Mariam Pichelin. La simple action de se mettre debout et de faire quelques pas augmente l’oxygénation du cerveau de 20%. Un véritable coup de fouet pour les cellules grises. Traductrice dans une maison d’édition, Nathalie a bien compris le système : «Quand je bloque sur une phrase, j’effectue un aller-retour dans le couloir. Curieusement, je trouve la bonne formulation sans effort dès que je reviens m’asseoir.»
Attention cependant aux interruptions qui s’éternisent : elles sont alors contre-productives, car la remise en route devient plus difficile. A ceux qui ont du mal à mobiliser leur attention longtemps ou qui doivent jongler avec quantité d’autres tâches, Céline Lemercier suggère de scinder son travail en tâches de quinze à trente minutes. Une méthode positive à plus d’un titre : elle est source de satisfaction parce qu’elle permet de sentir qu’on avance et elle constitue un excellent remède contre la procrastination. «Je fractionne le travail autant que je peux, confirme Amélie Aubry, directrice de clientèle chez Burson-Marsteller Paris, une agence de conseil en relations publiques. Cela me permet de continuer à assurer le tout-venant – coups de fil et e-mails des clients – et de répartir le travail entre les équipes.»
4. Peut-on limiter l’usage des outils numériques ? E-mails, téléphones et smartphones nous dérangent plus souvent qu’ils ne nous aident. Les différents outils numériques
entretiennent l’illusion qu’il faut toujours être disponible et répondre dans l’instant. Résultat : nous sommes continuellement en train de zapper d’un sujet à un autre, ce qui est extrêmement fatigant sur le plan cognitif. Pour enrayer ce phénomène, des mesures s’imposent. «Tant que vous planchez sur un dossier qui vous mobilise entièrement, éteignez tous les appareils susceptibles de vous interrompre, conseille Pascale Bélorgey, consultante à la Cegos. Mettez votre téléphone fixe sur messagerie, votre portable sur silencieux, désactivez les alertes de vos e-mails.»
Pour limiter les perturbations liées à ces derniers, une autre solution consiste à les considérer comme une tâche à part entière, en leur réservant une vraie place dans le planning de votre journée. «Je traite tous les courriels le matin, ce qui me permet de passer l’après-midi sans être dérangée», indique Coralie, directrice marketing d’une société de transports. Cette tactique a un effet bénéfique inattendu : la diminution du nombre de sollicitations. «Les gens s’habituent rapidement à vos nouvelles disponibilités, remarque non sans malice Céline Lemercier. Curieusement, plus on se montre rigoureux sur ce plan, moins on reçoit d’e-mails inutiles».
5. Comment dire non aux trop nombreuses 
sollicitations des collègues ?
Si vous avez la chance de disposer d’un bureau personnel, n’hésitez pas à fermer votre porte lorsque vous souhaitez ne pas être dérangé. Cette fin de non-recevoir vous semble un peu trop brutale envers vos collègues ? «Pour ne pas rompre complètement la communication, mettez une affichette sur la porte qui annonce à partir de quelle heure vous serez de nouveau disponible», conseille la consultante Sandrine Bélier. En revanche, l’open space exige des mesures plus radicales. Un collègue décide de prendre une pause et en entraîne quatre autres dans son sillage ? Sachez leur dire non… ou leur signifier clairement que vous n’avez pas l’intention de les suivre.
«J’ai des bouchons d’oreille orange fluo extrêmement visibles, que m’a offerts un ami qui travaille dans le secteur automobile, raconte Nathalie, chef de publicité dans une agence. Ils me servent, bien sûr, à m’isoler du bruit mais aussi à signifier aux autres que je ne suis pas disponible.» Autre astuce, adoptée par Marc, chef de service dans une banque d’affaires : un système de signalisation type «feu vert-feu orange-feu rouge» qu’il pose sur son bureau pour indiquer s’il peut ou non être dérangé. Si ces mesures se révèlent inefficaces, changez de lieu –isolez-vous dans une salle de réunion, par exemple – ou demandez à bénéficier de jours de télétravail. «Il y a beaucoup de passage dans mon bureau, où nous sommes deux managers. Pour réussir à me concentrer sur les tâches difficiles, comme les dossiers de presse, je travaille chez moi une journée», relate la directrice de clientèle Amélie Aubry.
 6. Les “to do lists” sont-elles vraiment utiles ?
Passer à la pharmacie, appeler le plombier, poser ses jours de RTT… Même si vous êtes très discipliné, vous n’êtes pas à l’abri de ce genre de pensées, qui peuvent mettre à mal votre concentration. Dans ces cas-là, inutile de s’entêter à vouloir terminer la tâche en cours. La priorité est de se débarrasser de ces polluants mentaux. S’il s’agit de pensées «froides» – du type «ne pas oublier de réserver la semaine au ski» ou «prévenir Untel que la réunion de 14 heures a été décalée» –, le meilleur moyen de les éliminer est de les écrire sur un bout de papier. «Quand je suis distrait par une idée parasite ou le souvenir d’une chose urgente à faire, j’ouvre Outlook et je note immédiatement l’idée en question dans une case», raconte Benjamin Blossier, gestionnaire de patrimoine immobilier.
Le temps perdu à consigner l’idée est largement compensé par la disponibilité d’esprit retrouvée. «Lorsque je suis préoccupée par quelque chose – la nounou des enfants à briefer ou un rendez-vous à prendre chez le médecin –, je m’en débarrasse sur-le-champ,
raconte Amélie Aubry. C’est le seul moyen de ne plus être absorbée par ces pensées qui m’empêchent de me reconcentrer sur la tâche
que j’étais en train d’accomplir. Au final, je gagne du temps.» En revanche, les pensées «chaudes» – liées aux problèmes de santé d’un proche, au conflit larvé avec un supérieur… – ne pourront pas être évacuées comme par magie en les écrivant. Dans ce cas, la seule solution est d’abandonner ce que
l’on faisait et de se changer les idées. Par exemple, en s’attaquant à une autre tâche.
7. L’urgence aide-t-elle
à mieux se concentrer ?
Attendre le tout dernier moment pour s’y mettre, en misant sur le sentiment d’urgence pour parve-nir à un résultat efficace ? Les adeptes de ce procédé sont nombreux. «Lorsqu’il faut que je me concentre sur une tâche particulièrement ardue, par exemple une modélisation financière que je dois envoyer à notre siège, aux Pays-Bas, c’est la pression de l’échéance qui constitue mon moteur, raconte Benjamin Blossier. Seule cette pression me permet d’oublier tout le reste et de me plonger entièrement dans le travail.» Attention cependant : s’il peut être un stimulant efficace, le stress ne réussit pas à tout le monde.
Pour beaucoup de personnes, il peut au contraire se révéler négatif et paralyser les facultés intellectuelles. «Il perturbe les circuits cognitifs, décrypte le
Dr Pierre Achard. Au lieu de suivre le circuit normal et d’être traitées par le cortex, les informations sont orientées directement vers les circuits d’urgence. Le travail est fait, mais la réflexion n’est pas forcément d’aussi bonne qualité.» Pour Thibaud, webmaster chez un fournisseur d’accès à Internet, la cause est entendue : «Une trop forte pression me bloque. Si je dois produire un travail créatif, je suis tellement obnubilé par la deadline que je me retrouve incapable d’avoir la moindre idée originale.» Savoir que vous pouvez travailler dans l’urgence est une chose, en faire un principe d’organisation est en revanche peu recommandé.

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