TOUT EST DIT

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vendredi 3 février 2012

Le temps d’agir

Tourner la page des 35 heures qui ont plombé notre industrie, taxer la consommation plutôt que le travail, donner autorité au contrat d’entreprise pour arbitrer entre salaires et emploi, ce qui est pur bon sens, et ainsi de suite : Nicolas Sarkozy s’est aussitôt vu opposer la question : que ne l’a-t-il fait depuis qu’il est là ?

Il y a répondu le soir du 29 janvier : il est des circonstances où l’on peut faire comprendre à l’opinion ce qu’elle se refusait à admettre jusque-là. En politique, l’action n’empêche pas la lucidité.

Quand Alain Juppé, alors premier ministre, présenta en novembre 1995 son plan de réforme de la protection sociale et des régimes de retraite, en mettant fin aux régimes spéciaux, il crut pouvoir l’emporter parce qu’il avait le soutien des médias. Il se heurta pourtant à un mur, la grève totale des fonctionnaires concernés – avec l’appui de l’opinion. Après six semaines de conflit, il dut capituler. Il a fallu douze ans pour y revenir : c’est Sarkozy qui l’a fait en novembre 2007, parce que les syndicats n’avaient plus la rue avec eux. Entre-temps, Raffarin et Fillon avaient aligné la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé, au prix d’une très sévère épreuve de force, le 13 mai 2004. On l’a oublié. Comme on a oublié que l’instauration du service minimum dans les transports en commun n’était pas allée de soi, alors qu’aujourd’hui le public se demande bien pourquoi cette loi ne s’applique pas au transport aérien !

Et les universités ? Tout le monde savait qu’il fallait leur donner leur autonomie de gestion si l’on voulait qu’elles figurent dans les classements internationaux. Il n’empêche, quand Nicolas Sarkozy donna instruction à Valérie Pécresse de lancer le chantier, il dut choisir l’été pour échapper aux monômes, assemblées générales de profs et autres descentes de lycéens dans la rue. L’année universitaire 2008 fut néanmoins chaotique, mais la loi est entrée en vigueur. Succès général, et les socialistes qui lui faisaient barrage n’entendent plus la remettre en question.

Faut-il aussi rappeler les cortèges à répétition de centaines de milliers de manifestants, fonctionnaires et enseignants, tout au long de l’année 2010 contre le report à 62 ans de l’âge de la retraite ? Certains estimaient qu’on aurait mieux fait de différer une telle épreuve, à un peu plus d’un an de la campagne présidentielle. Mais l’opinion avait de l’avance sur les manifestations, elle avait compris que la réforme était inéluctable. Pouvait-on forcer la confrontation avec les syndicats avec la fin des 35 heures, le transfert des cotisations sociales et autres sujets qui auraient aggravé le risque de dérapage ? On peut toujours le dire ; après coup, c’est facile.

Là-dessus est arrivée la crise grecque ; elle a occupé l’été et la rentrée 2011. Il y avait le feu à Athènes ; l’incendie allait-il se propager dans le reste de l’Europe, faire exploser l’euro, ruiner les patrimoines ? Cela n’a pas eu lieu. Mais les Grecs, par leurs folies d’abord, leurs émeutes ensuite, leurs souffrances enfin, ont fait, dans le malheur, une redoutable démonstration sous les yeux de leurs voisins : chacun voyait bien que l’on ne pouvait plus accumuler des déficits et de la dette sans qu’un jour se présente l’addition. Certes, à Paris, bien des personnalités éminentes, Michel Camdessus, Michel Pébereau, des ministres des Finances, Francis Mer, Thierry Breton, avaient sonné l’alarme ; François Bayrou l’avait retenu comme thème de campagne. Mais qui s’en souciait il y a cinq ans ? À ses rares amis inquiets, Nicolas Sarkozy confiait au lendemain de son entrée à l’Élysée (avant que Fillon ne parle de finances en faillite) : je ne vais pas saluer mon élection par un plan d’austérité. On se ralliait à l’idée que l’optimisme stimulerait la confiance. La faillite de Lehman et celle de la Grèce ont tout balayé.

C’est ainsi que la même lucidité qui invitait Nicolas Sarkozy à la retenue dans ses réformes lui permet de se réclamer du « devoir de réalité » (par opposition au « rêve » du candidat socialiste) pour aller plus loin. Cette réalité s’impose à nous : il faut changer de « modèle », oublier celui de la dépense publique qui a épuisé ses charmes avec les 35 heures, pour en revenir à l’essentiel, le travail et la production. Avons-nous le choix ? C’est la règle du jeu ; on peut se lamenter, dénoncer l’Europe et l’Allemagne, mais si nous ne la respectons pas, le reste du monde se chargera de nous la rappeler. François Hollande a bien tort de faire semblant de ne pas l’avoir compris. François d'Orcival, de l'Institut

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