TOUT EST DIT

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dimanche 23 octobre 2011

Notre cher ami Kadhafi

Il y a quarante ans, Mouammar Kadhafi prenait le pouvoir. Depuis, les pays européens oscillent entre l'hostilité envers un "Etat voyou" soupçonné d'alimenter le terrorisme et le désir de se rapprocher d'un partenaire potentiel riche en pétrole. Aujourd'hui, note la presse européenne, c'est le dirigeant libyen qui s'impose à coups de dédommagements, d'excuses officielles, d'humiliations et de contrats pétroliers.

Aucun chef d'Etat de l'Union européenne – mis à part le président de Malte – n'a assisté aux cérémonies du 40ème anniversaire de la révolution libyenne à Tripoli, mardi 1er septembre. Les relations entre la Libye et les puissances occidentales n'ont pas toujours été recouvertes du voile de scandale et de polémique qui les caractérisent actuellement. Dès le départ, elles ont été marquées par un va-et-vient constant entre confiance et méfiance, estime le quotidien allemand Tagesspiegel. "D'abord Kadhafi avait la réputation d'être incorruptible. Mais très vite, son image a changé avec le début du programme nucléaire libyen et le financement de divers rebelles et groupes terroristes dans tous les coins du monde".

Des lettres ministérielles embarassantes

L'attentat de Lockerbie en 1988 [270 morts] et la destruction d'un avion français au dessus du Niger un an après [170 morts] ont fait basculer Kadhafi dans "un statut de paria", assorti "de sanctions internationales pendant plusieurs décennies à la Libye", rappelle le Tagesspiegel. Puis, la confiance s'est réinstallée, quand Kadhafi a admis la responsabilité de la Libye dans les attentats de Lockerbie et accepté de verser un dédommagement aux familles des victimes. "De paria d'hier", le colonel Kadhafi est donc devenu l'ami des chefs d'Etat européens, une amitié alimentée par les nombreux marchés commerciaux signés avec la Libye.

Le regain de tension entre l'UE et la Libye à la suite de la libération anticipée d'Ali Al-Megrahi, condamné en Ecosse pour l'attentat de Lockerbie, et de son retour triomphal à Tripoli, le 21 août, n'a pas fini d'embarrasser le gouvernement britannique. Le Sunday Times vient de révéler le contenu de lettres ministérielles selon lesquelles le ministre de la Justice Jack Straw avait initialement l'intention d'exclure Al-Megrahi d'un accord de transfert de prisonniers avec la Libye. Mais, note le quotidien britannique "le gouvernement de Gordon Brown a changé d'avis suite à des négociations entre la Libye et BP [British Petroleum] sur un contrat d'exploration pétrolière de plusieurs millions de livres". Cependant, selon le Guardian, cette polémique pourrait imploser s'il s'avérait que "Al-Megrahi était innocent dans l'attentat de Lockerbie. Une idée qui, depuis des années, provoque un malaise dans le monde juridique écossais".

La Ligue arabe tire les oreilles de la Grande-Bretagne

Pour l’hebdomadaire roumain Dilema Veche, "la libération d'Al-Megrahi nous dit quelque chose d’important sur l’Occident : entre 1988 et 2009, il y a eu des changements majeurs de mentalités et d'attitudes. Aujourd'hui de manière impensable, on accepte que la Ligue Arabe tire les oreilles de la Grande-Bretagne en ce qui concerne l’application de la justice." Le quotidien français Le Monde estime néanmoins qu'à terme, la libération d'Al-Megrahi est un obstacle de moins entre l'UE et la Libye, "susceptible d'améliorer les relations avec l'ancien régime paria du Maghreb, alors que la Commission européenne mène de délicates négociations en vue de signer un accord-cadre avec Tripoli. En effet, la Libye exigeait du Royaume-Uni un tel geste pour accélérer le rapprochement".

Plusieurs voix, se font entendre pour dénoncer les provocations à répétition et l'ascendant que semble prendre la Libye sur le théâtre de la diplomatie. L'Espresso accuse ainsi le colonel Kadhafi de mener un "double jeu" avec ses partenaires, et notamment avec l'Italie, au surlendemain de la visite de Silvio Berlusconi à Tripoli dans le but de poser la première pierre de l'autoroute qui doit relier la capitale libyenne à Bengazi – financée par l'Italie à titre de dédommagement pour la colonisation. L'hebdomadaire romain accuse en particulier la Libye d'acheter des armes à des intermédiaires occidentaux pour ensuite approvisionner les rebellions et les guerres civiles en Afrique. L'Espresso évoque en particulier une enquête du parquet de Pérouse sur un trafic d'armes dans lequel seraient impliqués des intermédiaires italiens, ainsi qu'une ONG libyenne.

La périlleuse stratégie de la repentence

"La rage et l'humiliation" titre Le Temps en référence aux déboires de la Suisse face à la Lybie. Depuis un an, les relations diplomatiques entre Berne et Tripoli n'en finissent pas de se dégrader depuis l'arrestation musclée d'Hannibal, un des fils du Colonel, en juillet 2008, pour avoir frappé deux de ses domestiques dans un palace genevois. Le 21 août, le président de la Confédération suisse, Hans-Rudolf Merz, s'est rendu à Tripoli pour présenter au Guide de la révolution des excuses officielles, rappelle le quotidien genevois, espérant ainsi accélérer la libération de deux citoyens Suisses retenus en Libye depuis un an et désamorcer la crise. Mais la libération des otages, qui devait survenir avant le 1er septembre, se fait toujours attendre,Tripoli ayant réclamé une caution de 500 000 euros.

Ainsi, note Le Temps, la stratégie du repentir, souvent adoptée par les Européens, peut parfois s'avérer dangereuse : "Hans-Rudolf Merz s’en est aperçu face à la Libye, les excuses sont un instrument diplomatique redoutable qu’il faut manier avec grande précaution". Dans le cas de Silvio Berlusconi – qui s’était excusé pour la colonisation italienne en Libye, tout en obtenant en retour que Tripoli s'engage à bloquer l’immigration clandestine vers l'Italie, fournisse du pétrole et donne accès à des marchés libyens aux entreprises italiennes – comme dans celui du président suisse, "c’est le leader libyen qui a su utiliser les excuses de ses interlocuteurs pour exprimer sa soif de revanche sur l’Occident."

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