TOUT EST DIT

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mercredi 19 octobre 2011

L'exode discret et inexorable de la jeunesse grecque

La jeunesse du pays en crise cherche à partir. Si les flux ne sont pas encore massifs, le phénomène se concentre sur les plus qualifiés, accélérant la fuite des cerveaux.
Sauve qui peut ! Tel est la réponse de la jeunesse grecque diplômée à la crise et à l'empilement des plans de rigueur depuis début 2010. Les exemples abondent. L'institut Goethe d'Athènes fait face à une hausse de 70% des inscriptions à ses cours d'allemand. Un bureau de recrutement nord-irlandais propose aux jeunes grecs, rapporte Athens News, de ramasser des champignons ou de travailler dans des fermes aquatiques. Une conférence sur l'émigration vers l'Australie -sur invitation seulement- a rassemblé récemment 1000 jeunes diplômés (alors même que seulement 100 Grecs se sont installés dans l'île-continent en 2010).
Les Grecs veulent quitter leur pays en crise, mais cela ne se voit pas dans les statistiques officielles. «À partir des premiers chiffres disponibles, nous n'observons pas de hausse de l'émigration en Grèce en 2010», note Jonathan Chaloff, expert migrations à l'OCDE, qui se fonde sur les informations données par les autorités américaines, australiennes, canadiennes ou encore suédoises. «Il existe bien un grand désir d'émigrer, mais les obstacles sont réels : barrière de la langue, reconnaissance des qualifications, etc.», explique-t-il.

Plus de frontière, plus de contrôle

Ce n'est pas l'unique raison pour laquelle les flux migratoires restent difficilement perceptibles. «Les jeunes grecs visent principalement les pays de l'Union européenne», pointe Lois Labrianidis, professeur d'économie à l'université de Thessalonique. «Or, comme il n'y a plus de frontière ni de contrôle, on ne peut plus compter ces départs.» Le chercheur relève un indice: les Grecs inscrits sur le portail Internet européen de CV Eures a explosé en 2011, atteignant 15.500, deux fois plus que le total enregistré depuis sa création, en 1993.
Les jeunes fuient un pays qu'ils jugent sans avenir. «La dynamique du marché du travail est inquiétante. Le taux de chômage atteint 16%, en hausse de 50% par rapport à 2010. Et, pour les jeunes, c'est le double (environ 30%)», relève Manon Domingues Dos Santos, spécialiste des migrations à l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée. «Dans ce contexte, les plus qualifiés sont également les plus mobiles: ils parlent mieux les langues étrangères et correspondent aux besoins de main d'oeuvre des pays d'accueil.»
La crise accélère un phénomène de fuite des cerveaux qui frappe la Grèce depuis au moins 10 ans. À l'orée de la récession, en 2007, déjà 12,2% des Grecs les plus diplômés vivaient à l'étranger, soit au minimum 876.000 personnes. Ce chiffre ne fait que gonfler: déjà durant cette période, plus de 4,5% des diplômés quittaient la Grèce chaque année, d'après les chiffres rassemblés par Frédéric Docquier, professeur à l'université de Louvain. C'est beaucoup moins que le Portugal (plus de 12%) mais déjà presque le double de l'Espagne, pays également en crise. En comparaison, seulement 1,31% des diplômés français quittent le pays.

Phénomène moutonnier

Voir partir ses élites les mieux formées vers de plus larges horizons, tel est le sort des petits pays, comme l'Irlande ou la Lituanie. «La Grèce pourrait toutefois se révéler être un cas particulier, précise Frédéric Docquier. Elle se trouve en quasi-banqueroute. Ils se peut donc que se développe un phénomène moutonnier: si les élites et les plus qualifiés anticipent qu'avec la crise et la rigueur, tout le monde quittera le pays, alors vous partez vous aussi».
Problème : les élites bien formées sont parmi les contribuables les plus susceptibles de payer des impôts élevés. En quittant leur pays, elles ne vont donc pas arranger les affaires de l'État. À plus long terme, «le départ des plus qualifiés menace la croissance en portant préjudice à la production de recherche et à l'innovation», s'inquiète Manon Domingues Dos Santos.
La Grèce, qui fut durant plus de vingt ans, entre les années 50 et 70, une terre d'émigration, tente toutefois de tirer parti de sa diaspora. Le gouvernement a proposé cette année aux Grecs de l'étranger de financer sa dette à hauteur de 3 milliards d'euros.

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